Crédits photo : Itar Tass
Les 26 et 27 octobre, au Théâtre Alexandra à Saint-Pétersbourg, dans le cadre du IIe Festival international des arts « Diaghilev. P.S. » et en collaboration avec l’Institut Français de Saint-Pétersbourg, a eu lieu la représentation de Blanche-Neige, sa dernière création, un ballet contemporain sur la musique de Mahler et avec des costumes de Jean-Paul Gaultier.
Rien d’étonnant de voir associer le nom du chantre
français de la danse contemporaine à la figure de Diaghilev. En plus de révéler
au monde entier la force du ballet russe, ce dernier a été, par ses idées
novatrices, le premier à libérer la danse classique de ses conventions et à
mêler les arts et les styles.
Pour Preljokaj, ce mélange est un moment crucial de
la force inspiratrice. Ce qu’il recherche souvent pour ses spectacles c’est le
choc des cultures, la confrontation des corps, d’où selon lui naît cette
« étincelle créatrice » indispensable au feu artistique. Son travail
avec les troupes russes illustre parfaitement cette conception.
Tout a commencé, justement, avec Blanche Neige. En 2007, Preljokaj est venu au Théâtre du Bolchoï à Moscou faire un casting pour trouver ses gnomes. Mais il a été tellement impressionné par le niveau des danseurs qu’il a décidé de leur trouver un projet à la hauteur de leur capacité. De là est née la première collaboration, en 2010, sous le signe de l’année franco-russe : Suivront mille ans de calme, un ballet techno sur le thème de l’Apocalypse, sur une musique originale composée par Laurent Garnier et avec des costumes dessinés par le styliste russe Igor Chapourine. Toujours ce mélange des cultures et des styles. Pour préparer ce spectacle, une dizaine de danseurs de la troupe du théâtre du Bolchoï se sont retrouvés pendant deux mois au Pavillon Noir, centre chorégraphique de sa troupe à Aix en Provence : « Cette confrontation des cultures a été un véritable défi », puis le travail s’est prolongé à Moscou et a abouti à une représentation du spectacle en septembre 2010.
En avril 2011, après Moscou, c’est à Saint-Pétersbourg,
autour de son spectacle Le Parc,
qu’il a réitéré l’expérience avec la troupe de ballet du Théâtre de Mariinsky.
Tout en apportant un vent de liberté, il accepte, pour entrer au répertoire du
théâtre, d’adopter une forme plus classique et même de faire monter ses
danseurs sur les pointes, une première dans ses chorégraphies. « Le
principal n’est pas d’imposer sa vision, mais d’interagir avec la troupe, avec la
culture chorégraphique spécifique ».
Il garde un souvenir très fort de son travail
avec les troupes russes, marqué particulièrement par cette persévérance des
danseurs. Pour la caractériser, il cite Stravinsky : « la rigueur,
c’est la liberté ». « Les danseurs russes ont une réelle intelligence
du corps, ce qui leur permet de s’adapter aux différents styles ».
Quant aux danseurs eux-mêmes, d’après Youri Smekalov, soliste au Mariinsky, le plus difficile a été « d’apprendre à détendre, à relâcher, les corps, durcis par le classique ». Pour Preljokaj: « Les danseurs russes ne sont pas seulement des danseurs aux belles lignes. Les Russes ont une force presque animale, qui leur est propre. Ça me renvoie à mes racines, mes parents sont des montagnards albanais. Nous avons aussi cette fierté du corps ».
Cette fois donc, il est revenu à Saint-Pétersbourg
pour monter Blanche-Neige, dansé par sa propre troupe, mais il n’a pas manqué
l’occasion de rencontrer les étudiants de l’Académie de ballet Vaganova.
Lors de ce séminaire, l’accent a été mis sur la nécessité d’ouverture, du
dépassement de soi et des règles pour donner libre cours au « mouvement
intérieur du corps », cet instinct du mouvement qui vous permet d’aller
dans toutes les directions.
Pour Michel Grange, nouveau directeur de l’Institut
français à Saint-Pétersbourg, ce thème d’ouverture est extrêmement important.
« C’est un véritable challenge que de faire accepter la danse
contemporaine au public de Saint-Pétersbourg, public conservateur pour ne pas dire
traditionaliste, très attaché à la culture du ballet classique. En plus de
montrer, l’enjeu est de donner à la danse contemporaine la reconnaissance
qu’elle mérite. »
Dans ce contexte, Angelin Preljokaj est brandi comme un étendard de la danse contemporaine et à bon escient. L’accueil que le public saint-pétersbourgeois a réservé au spectacle Blanche-Neige le prouve, Preljokaj est la figure de proue qui peut réconcilier les anciens et les modernes et faire l’unanimité auprès d’un public exigeant.
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