Crédits photo : SergeyRod/Flickr
Elles ont surgi dans l’immédiat après-guerre. Les sept gratte-ciels ont été élevés en dix ans, un défi remarquable pour un pays en ruine. Ils ont accueilli deux hôtels, le « Leningrad » et l’ « Ukraine » ; deux bâtiments administratifs, le ministère des Affaires étrangères et les bureaux de Krasnye Vorota ; l’Université de Moscou et deux immeubles résidentiels, l’un sur les berges Kotelnitcheskaïa, l’autre sur la place Koudrinskaïa.
« C’était le premier chantier d’une telle ampleur dans l’Europe
d’après-guerre et le premier consistant à élever des gratte-ciels sur le Vieux
continent » , commente Natalia Douchkina, professeur à l’Institut
d’architecture de Moscou, dont le grand-père, Alexei Douchkine, a participé à
la création de la tour de Krasnye Vorota.
Les sept sœurs staliniennes sont tour à tour entrées en grâce et tombées en
disgrâce au fil des années. Elles sont nées dans le triomphalisme soviétique et
ont vécu quelques beaux jours, symboles d’un pays renaissant après la guerre,
explique Douchkina. Elles rendaient un sens d’échelle à une ville ravagée par
la guerre et les destructions par Staline du vieux Moscou.
« Les nouveaux gratte-ciels ont bouleversé l’horizon, en restituant les
accents verticaux jadis tenus par les églises et clochers récemment
rasés » , a pu écrire l’historien Karl Schlogl dans son ouvrage Moscou .
Avant la construction, les autorités soviétiques ont stipulé par décret que les
bâtiments ne devraient pas copier les gratte-ciels étrangers. Mais impossible
de ne pas voir l’influence des tours de Manhattan et de Chicago. Après la mort
de Staline, les sept sœurs sont devenues des représentantes de son régime,
jusqu’à ce que le style et les architectes, dépouillés de leurs décorations
staliniennes, tombent en disgrâce.
Aujourd’hui, ce style connaît un regain d’intérêt. Douchkina va bientôt diriger
une thèse sur l’immeuble administratif de Krasnye Vorota. En outre, des
protecteurs de l’architecture, russes et allemands, militent pour que les tours
soient inscrites sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO.
Le ministère des Affaires étrangères, lourdement gothique, est le plus
imposant. Au départ, le projet ne comportait pas de tourelle, mais Staline
aurait insisté pour qu’on en ajoute une. Quand Khrouchtchev est arrivé au
pouvoir, les architectes sont venus lui demander de l’enlever, mais il aurait
répondu : « Laissons la flèche comme un monument à la bêtise de
Staline » .
Les sept sœurs traînent leur lot d’horreurs, notamment la participation des
prisonniers de guerre allemands et ceux du Goulag à la construction. Ainsi,
pendant les travaux, le 22ème étage de l’université aurait été transformé en
mini-goulag.
L’écrivain Anne Nivat a décrit la peur et l’espionnage qui régnaient dans
l’immeuble sur la Kotelnitcheska ï a, où logeaient les hauts fonctionnaires du
parti et les privilégiés, pendant la période soviétique ( La maison haute ).
Nivat, qui y a vécu, cite l’un de ses voisins : « Certains résidents
de ce monstre sont des monstres eux-mêmes ». Aujourd’hui, les appartements dans
les tours sont parmi les plus prisés de la ville et lorsque les administrations
quitteront le centre de Moscou, deux autres sœurs staliniennes s’ouvriront aux
résidents.
Mais certains immeubles ont pris un coup de vieux. Les ascenseurs sont souvent
en panne et l’ancienne nomenklatura (généraux, cosmonautes, dignitaires)
cohabite parfois difficilement avec des personnalités des affaires, des stars
du showbiz ou des personnages franchement douteux. Finalement, celles des
soeurs qui se sont reconverties en hôtels s’en sortent le mieux en cette époque
tourbillonnante !
Seven Sisters from Russia Beyond The Headlines on Vimeo.
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