Familier ou obséquieux ?

Crédits photo : photoxpress

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Sur le seuil d’un restaurant dont je suis une habituée, le serveur Antoine m’embrasse et nous invite à nous asseoir, une amie moscovite et moi.
Sur le seuil d’un restaurant dont je suis une habituée, le serveur Antoine m’embrasse et nous invite à nous asseoir, une amie moscovite et moi.

- Pourquoi laisses-tu le serveur t’embrasser ? jette-t-elle avec sévérité.


Je n’ai pas eu le temps de répondre que le chef surgit et me lance :


- Natacha, comment ça va ? Tu as réussi à te reposer ?


Et ma Moscovite :  « Celui-là t’appelle familièrement par ton prénom ! »


Je sens la colère qui monte :


- On va arrêter tout de suite cet interrogatoire absurde. Moi aussi je les appelle par leur prénom, le chef et le serveur. Nous nous connaissons depuis longtemps. Depuis quand ça te dérange que j’embrasse et tutoie une connaissance ?

- Une connaissance, oui, mais pas un serveur !

Il y avait tant de snobisme dans cette remarque que j’en ai perdu la voix. Mon père m’avait dit unjour :  « Parler de haut avec un serveur est un signe indéniable de larbinisme » . Surtout en observant quelqu’un qui venait de traiter avec dédain un serveur et se mettait à faire des courbettes devant une célébrité ou un supérieur.


En y réfléchissant un peu, je me suis rendue compte qu’effectivement, à Moscou, on imagine mal les clients d’un café ou d’un restaurant entretenir des relations aussi simples avec le personnel. J’ai informé la dame moscovite qu’Antoine n’était pas seulement serveur mais accessoirement le patron de l’établissement, même s’il trime en salle du matin au soir. Elle l’a regardé avec stupeur.


À Paris non plus, tous les propriétaires ne mettent pas les mains dans le cambouis. Tout le charme est précisément dans le fait que chaque serveur se comporte comme si le bistro lui appartenait, comme si ça dépendait de lui que le client s’y plaise ou non, et comme s’il était personnellement responsable du succès de l’affaire.


Ce n’est pas insignifiant dans une ville de 40 000 restaurants, sans compter les bouis-bouis, cafés et bars. La concurrence produit de la qualité, pas seulement côté nourriture, mais également en ce qui concerne le style de la relation au client.

Natalia Gevorkyan est correspondante à Paris du journal en ligne gazeta.ru.

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