Le retour de Dovlatov

A l’approche de son 70e anniversaire, l’écrivain russe, disparu en 1990, suscite un nouvel intérêt en Russie

Au cours des 21 ans qui sont passés depuis la mort de l'écrivain russe Serguei Dovlatov, son auditoire s’est rétréci. En revanche, l’écrivain a gagné l’amour de plusieurs admirateurs de son œuvre qui, aujourd’hui, financent la restauration de la maison où il habitait jadis.

Pour fêter le 70e anniversaire de Serguei Dovlatov, qui tombe le 3 septembre, on ne s’attend pas à la « folie furieuse » en Russie. La couche de la tardive intelligentsia soviétique, pour laquelle cet auteur écrivait surtout, s’est diluée dans la réalité de la Russie postsoviétique.

21 ans après sa mort, à New-York, sont apparus des lecteurs-admirateurs de Dovlatov dans sa patrie natale. Ou plutôt, entre-temps, ses admirateurs sont devenus des commerçants prospères. Quoi qu’il en soi, pour souligner l’anniversaire de l’écrivain, il est prévu d’ouvrir un musée mémorial dans la réserve culturelle nationale, le musée Pouchkinskiïe Gory (Montagnes Pouchkine) : la propriété familiale de l’auteur classique de la littérature russe Alexandre Pouchkine, où, à l'été 1977, Dovlatov travaillait en tant que guide.

Le musée-réserve se situe à 112 kilomètres de Pskov, dans une maison du village. Dovlatov s’y est réfugié étant dépourvu de possibilité d’être publié et criblé de dettes. Ses souvenirs ont servi de base à la nouvelle La Réserve (Zapovednik), qui est, selon les témoignages des critiques littéraires, une des meilleures œuvres de l’écrivain. Depuis lors, beaucoup de choses ont changé dans la réserve Pouchkine.

Il ne reste presque plus de villageois… leurs maisons étant vendues et transformées en datchas. A une exception près : la maison en bois, où Dovlatov vivait quand il était le guide de musée. Cette maison est presque centenaire. Elle a gardé son aspect initial, en raison de la pauvreté extrême de ses propriétaires qui n’ont pas eu les moyens de la restaurer.

Dans cette maison, Dovlatov se laissait aller à ses projets d'émigration. Un an plus tard, il a suivi sa femme et s'est expatrié aux États-Unis, où il a pu enfin gagner sa vie en tant qu’écrivain et aussi trouver la vraie reconnaissance auprès des lecteurs et de la critique.

Dans les années 1980, ses livres sont publiés. Ils sont lyriques, ironiques et très humanistes. Les nouvelles ont été principalement publiées par la revue le New Yorker. Dovlatov était vivement recommandé par un lauréat du prix Nobel de littérature Josef Brodsky, qui appréciait Dovlatov pour « sa sourde musique de la raison », et par l’écrivain américain Kurt Vonnegut.

Aux lecteurs russes, l’œuvre de Dovlatov ne parviendra qu’après sa mort, dans les années 1990. Et le sentiment de liberté, qui passe tel un fil rouge à travers tous ses livres, est tombé à point.

La maison en bois de Dovlatov a vieilli pour de bon, et comme chaque être humain sans soin, s’éteignait à petit feu. Le représentant des investisseurs, Igor Gavriouchkine, qui a accepté de donner une interview à La Russie d’Aujourd’hui, a précisé que la conservation de la maison est un projet à but non lucratif. « Dans ce projet, s’investissent des gens qui ont réussi et qui n’ont pas d’intérêt pécuniaire dans ce cas précis ». Selon ses dires, ils sont motivés par « l’amour et le respect pour Dovlatov ».

Le plancher est prêt à s’effondrer et le plafond est à peine soutenu par les poutres. Un ouvrier qui travaille à la restauration conseille vivement de ne plus entrer. « Tout peut s’effondrer à tout moment ».

Igor Gavriouchkine dit que la tâche principale pour l’instant est de préserver la maison de la destruction. La maison est d’ailleurs, effectivement, dans un état de délabrement avancé. À l’intérieur et à l’extérieur, on n’y trouve personne, seulement des traces de la vie d'autrefois, comme si les maîtres avaient tout quitté d’un coup et étaient partis subitement de la maison.

« Notre tâche consiste à tout conserver après avoir trié et jeté les parties véreuses de la maison. Cela se peut qu’elle tienne encore dix ans! », affirme un ouvrier. Gavriouchkine précise que vers l'automne, on sera en mesure de terminer une partie de la maison pour l’hiver. « Après, les gens vont décider ce qui est bon et ce qui ne l’est pas… on décidera alors ce que l’on va faire par la suite, compte tenu de leur avis ». Ces « gens », en particuliers, sont ceux qui viendront le 3 septembre pour souligner les 70 ans de la date de naissance de l’écrivain.

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