Image de Bogorad.
Les élections à la Douma d’ État (Chambre basse du Parlement russe) de 2011 ne seront pas fondamentalement différentes des cam‑ pagnes électorales précédentes de l’ère Poutine. Cependant, des changements se produiront sur deux points. Premièrement, Russie unie avancera masquée derrière le « Front populaire panrusse ». Deuxièmement, pour la première fois depuis 12 ans, un parti libéral, cette fois-ci baptisé Juste cause, aura des chances sérieuses de succès. Si le premier changement est le fait de Vladimir Poutine, le second est l’œuvre de Dmitri Medvedev.
Le Premier ministre, en tant que leader de Russie unie, a été contraint de sortir le Front populaire de son chapeau afin de camoufler, masquer, cacher un parti dont l’image et la réputation ont essuyé de lourds dommages. Une grande partie de la population perçoit Russie unie comme un « parti de fonctionnaires », déconnecté de leurs soucis et de leurs préoccupations. En conséquence, sa cote de popularité a commencé à s’effriter. Russie unie n’a pas perdu sa capacité d’atteindre la majorité simple, plus de 50% à la Douma. Mais la barre a été fixée beaucoup plus haut : conserver la majorité constitutionnelle, c’est-à-dire conquérir plus des deux-tiers de l’hémicycle.
La réalisation de cet objectif s’appuie sur une manœuvre purement bureaucratique : Russie unie a été écartée et l’on a propulsé au premier plan un « Front populaire » créé à la va-vite, auquel ont adhéré des centaines d’associations et de syndicats. On prévoit d’inclure les dirigeants et les militants de ces syndicats et organisations dans la liste électorale de Russie unie (la Douma d’ É tat est élue uniquement par scrutin de liste, les districts à mandat unique ayant été supprimés). Toute la campagne de Russie unie sera menée derrière le masque du « Front populaire ». D’ailleurs, le Front bénéficiera largement de l’aura qu’a su conserver son organisateur et initiateur, Vladimir Poutine.
Une telle manœuvre conduira à un virage vers la gauche, qui rend nécessaire l’apparition d’un contrepoids libéral à droite. C’est le rôle de Juste cause, dont le milliardaire Mikhaïl Prokhorov, vient de prendre la direction. Il a déjà reçu le soutien marqué du Président Medvedev. Un signal qui était moins destiné aux électeurs qu’aux commissions électorales et aux responsables régionaux pour qu’ils ne mettent pas de bâtons dans les roues du nouveau parti. L’expérience de la réalité politique en Russie montre qu’avec une telle aide venue d’en haut, n’importe quel parti peut entrer à la Douma.
En revanche, il n’y a plus de nécessité à l’existence de factions telles que Russie juste, son chef de file de facto, Sergueï Mironov, ayant en outre perdu la confiance des premiers personnages de l’ État. Son parti de type social-démocrate ou socialiste était nécessaire à la Douma quand Russie unie jouait le rôle de fraction de la droite conservatrice. En outre, le parti Russie juste était destiné à freiner sur le long terme le Parti communiste, ce qu’il n’a pu faire. En conséquence, il est très probable que le parti de Mironov n’entrera pas à la Douma. Il y serait la cinquième roue du carrosse. Russie unie se fera un plaisir d’endosser la mantille des sociaux-démocrates, ses membres étant prêts à se poser en combattants ardents de la justice sociale.
De toute façon, il ne restera pas assez de place pour Russie juste. Un simple calcul l’atteste. Jugez-en par vous-même : la Chambre basse compte un total de 450 sièges. Ses deux tiers, soit environ 300 sièges, seront occupés par Russie unie. Juste cause peut compter sur 30-40 mandats.
Mais il reste encore le Parti communiste et le Parti libéral-démocrate, qui devraient maintenir leur position pour la simple raison qu’ils possèdent un électorat réel, que l’on ne peut supprimer d’un coup de baguette magique. Le Parti communiste peut compter sur l’adhésion d’un certain pourcentage des électeurs en raison de son nom et de son idéologie.
L’atout du Parti libéral-démocrate, c’est le charisme de son leader, le tribun Vladimir Jirinovski, dont la fonction est de neutraliser le vote protestataire en le convertissant en députés d’une inconditionnelle loyauté envers le pouvoir.
La véritable opposition a été liquidée dès le stade préliminaire, quand les autorités ont refusé d’enregistrer de nouveaux partis, quelle que soit leur orientation – gauche, droite ou nationaliste.
Nos dirigeants ne sont pas prêts à prendre le moindre risque : ils veulent un Parlement manipulable et entièrement contrôlé.
Nikolaï Troitskiï est un politologue russe.
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