Solenne Lamarque. Photo : Dance in corpore
Une longue robe rouge qui semble être vissée au plancher. Une femme, encastrée dans cette robe. Une musique en cacophonie... les spectateurs commencent à tripatouiller leurs fiches de programme, essayant de lire dans le noir ce qui y est écrit : « Lamentation, variation 7. Mise en scène de Pasqualina Noel ». Ce qui va se passer sur scène est loin de la danse au sens traditionnel du terme.
En effet, c'est une drôle de danse : gesticulations des mains, sauts, et absence de pas de danse classique. De toute évidence, le spectateur moscovite lambda n'est pas encore habitué au style contemporain, créé au début du XXe siècle. Toutefois, la curiosité l'emporte. La danse contemporaine est autant une tendance de mode qu'un art : tout le monde veut s'y initier.
L'une des figures-clé du style contemporain fut l'Américaine Martha Graham. C'est précisément son école de danse que représente PasqualinaNoel, danseuse et chorégraphe française, en visite à Moscou ces derniers jours.
Pasqualina Noel. Photo : Dance in corpore.
Pour la soirée consacrée à la chorégraphie contemporaine au Théâtre de la Lune, PasqualinaNoel a préparé quelques miniatures inspirées par la technique de danse de Martha Graham :
Lamentation, variation 7, Tant de sang dans son… (une danse inspirée par la tragédie de Shakespeare Lady Macbeth), Jean et une saynète, Judith.
Les quatre pièces suscitent à la fois l'admiration et la confusion du public. Les rôles principaux sont interprétés par Pasqualina Noel et SolenneLamarque.
La première miniature, la plus brève, est interprétée par SolenneLamarque. La réaction des spectateurs est difficile à décrire. Probablement sont-ils surpris. En voyant une femme, prisonnière d'une robe rouge extrêmement longue, qui fait figure de Lamentation, le public, unanime, garde un silence absolu. La danseuse exécute avec les mains des gestes violents afin de s'affranchir de sa prison de tissu, pour finalement s'abandonner en une posture élégante.
Au numéro suivant, c’est Noel elle-même qui entre en scène. Elle est bardée d'une sorte d'armure pour jouer un rôle inspiré de Lady Macbeth. Après quelques mouvements gracieux du corps, la danseuse enlève son costume de guerrière qui dissimule une tunique ensanglantée. Animée, la salle se met à applaudir.
Troisième miniature : de nouveau SolenneLamarque, et de nouveau les souffrances d'une jeune fille. Chargée d'émotions, la danse, autour de chaînes suspendues au plafond qui tombent sur la scène, ne laisse personne indifférent. De doux roulements et de brusques sauts se succèdent, des chutes alternent avec des envols. Les premiers commentaires d'approbations des spectateurs se font entendre, et même quelques remarques sur le technique de la danse.
Au moment de la mise en scène finale, la quatrième miniature, le public, déjà conquis, s'intéresse à ce qui se passe sur scène essayant de deviner quelle matière est utilisée pour créer le « sable » qui la recouvre. De la semoule ou du sucre ? Entre temps, Pasqualina Noel se déplace sur scène ; tantôt d'un élan, tantôt d'un pas feutré, en soulevant « le sable » des pieds puis en s'arrêtant subitement en asanas. Une fois la prestation achevée, la salle a explose en applaudissements.
À la fin du spectacle, tout le monde s'est rué dehors pour partager ses impressions en fumant une cigarette.
– Elle est... Elle est... Une fille aux cheveux roux, ne pouvant retenir ses émotions et ayant intercepté mon regard intéressé, interrompit le débit de sa parole. – Qu'elle bouge bien ! si doucement, si allègrement.
– T'as raison, remarque philosophiquement sa copine. Notre école de danse n'a rien à voir avec la leur.
« Alors, voilà ce qui signifiait le silence au début du spectacle », ai-je pensé. « Cela veut dire, qu'ils ont tout compris les spectateurs. Justement, n'y sont-ils pas encore habitués ».
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