Varzouga : un avant-poste sur la mer Blanche

Depuis des siècles, l'architecture en bois de Varzouga répond aux besoins de ses résidents, qui vivent des richesses de la mer Blanche.

  Photographies de William Brumfield 

Le Nord historique de la Russie – en particulier la zone entourant la mer Blanche – fut pendant des siècles parsemé de gros villages vivant des forêts nordiques et de la générosité de la mer. L'un des plus importants de ces villages est l'ancienne colonie de Varzouga, située dans la partie sud-est de la péninsule de Kola dans la région de Mourmansk. Varzouga possède l'un des plus impressionnants monuments architecturaux du Grand Nord : l'Eglise de la Dormition de la Vierge, construite en rondins en 1674, et sa tour en forme de « tente ».

Varzouga s'étend le long des hautes berges de la rivière Varzouga, à quelque 20 kilomètres au nord du point où le fleuve se jette dans la mer Blanche. Derrière le village, des deux côtés de la rivière, se dressent de hautes dunes couvertes de genévriers. Plus loin à l'intérieur des terres, on trouve de petites forêts de conifères. Le paysage est particulièrement beau en été, quand la lumière presque constante compense les hivers longs et sombres de la région.

Selon des sources officielles, la population actuelle de Varzouga atteint près de 900 personnes, ce chiffre incluant toutefois d'autres villages dans la région. Le recensement de 2002 estime la population de Varzouga proprement dite à 351 résidents. A titre de comparaison, la population était d'environ 1 000 habitants en 1910. Varzouga fut mentionné pour la première fois dans des sources écrites en 1466, lorsque la région était encore formellement sous le contrôle de la ville marchande médiévale de Novgorod. A la fin du XVe siècle, la région était intégrée aux domaines de la Moscovie.

La prospérité de Varzouga a pris fin au milieu du XVIe siècle, quand le village fut attaqué, en 1568, dans le cadre d'une campagne menée par Ivan le Terrible afin d'extorquer des recettes supplémentaires pour financer ses campagnes militaires. Du XVIe à la fin du XVIIIe siècle, Varzouga était économiquement liée à diverses institutions monastiques, en particulier au grand monastère de la Transfiguration de l'archipel Solovetsky, dans le sud-ouest de la mer Blanche.

A première vue, Varzouga semble isolé. Il n'est relié au centre régional d'Umba que par un chemin de terre. Toutefois, il existe depuis Umba une route pavée menant à la grande gare ferroviaire de Kandalakcha. En outre, le village a été récemment connecté au réseau électrique régional, ce qui garantit une alimentation fiable en électricité.

Comme au cours des siècles passés, la richesse principale de Varzouga est sa pêcherie, qui a continué son existence à l'époque postsoviétique grâce à une gestion locale talentueuse. Cette entreprise fournit des emplois et une certaine stabilité économique à ceux qui vivent dans la région depuis des générations. Grâce à sa réputation d'emplacement privilégié pour la pêche au saumon, Varzouga a acquis ces dernières années une autre source viable de revenus. Les sportifs de Russie et de l'étranger peuvent acheter des forfaits de pêche de luxe, qui comprennent l'acheminement jusqu'à la ville (les vols d'hélicoptères sont en option) et des cabines bien équipées en amont sur la rivière Varzouga. Le tourisme sportif s'est converti en aubaine pour de nombreux habitants de Varzouga, tout en restant étroitement lié à la pêche.

L'importance de la pêche se répercute aussi sur la conception des maisons traditionnelles en rondins, plus petites que celles des villages agricoles, comme Kimja. Ironie du sort : forts de leur situation économique relativement prospère, les villageois semblent depuis quelques décennies moins désireux d'entretenir les maisons en bois. Les maisons neuves – certaines en bois, d'autres en maçonnerie – remplacent progressivement les habitations traditionnelles.

Outre toutes ces ressources, ce qui rend Varzouga si singulière est l'Eglise en bois de la Dormition de la Vierge, qui s'élève à 34 mètres au-dessus de la rive droite de la rivière Varzouga. Unique de par sa logique de construction ainsi que sa beauté, le bâtiment principal en rondins de 1674 a résisté aux éléments malgré son emplacement exposé. Un certain nombre de modifications ont été apportées au cours du XIXe siècle, et aussi bien l'intérieur que l'extérieur ont été revêtus de planches. Une restauration achevée en 1973 a restitué à la partie supérieure de l'église son aspect original. A l'intérieur, l'iconostase a été démontée pour restauration, et le travail se poursuit lentement sur ​les principales icônes des XVIIe et XVIIIe siècles, qui ont survécu jusqu'à nos jours.

Le principal lieu de culte de Varzouga est l'église adjacente de Saint Afanasii, qui date du XIXe siècle. On l'appelle « église d'hiver : en raison de sa forme inférieure qui permettait de la chauffer, permettant son utilisation tout au long de l'année. Il existe aussi deux petites églises sur la rive gauche : l'Eglise Saint-Nicolas (sans doute la première église fondée dans la région) et l'Eglise des Apôtres Pierre et Paul.

Mais même dans ce cadre bucolique, de vives controverses peuvent éclater, comme celle qui a surgi autour de la récente reconstruction du clocher jouxtant l'Eglise de la Dormition. La tour originale possédait une ligne octogonale, traditionnelle dans le nord. La nouvelle tour possède une forme trapue très différente, qui a indigné de nombreux défenseurs du patrimoine. L'Eglise affirme que cette structure disgracieuse est nécessaire pour soutenir le poids plus lourd des cloches.

Aux antipodes d'un décor de musée,Varzouga est un environnement vivant, au sein d'un monde évoluant rapidement et d'attentes modernes. Dans le même temps, des préoccupations légitimes existent autour de la préservation de l'architecture traditionnelle en bois, partie cruciale de l'héritage culturel du Grand Nord russe. Comme beaucoup d'autres villes russes traditionnelles, Varzouga cherche son équilibre, entre patrimoine et développement.


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