Une fausse malédiction

Image de Niyaz Karim.

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Depuis des années, les analystes parlent de la malédiction que seraient les ressources naturelles pour la Russie. Le débat a désormais gagné l’ensemble de la population. Selon des sondages récents, 50% des Russes ont conscience de la principale conséquence de la malédiction : les prix élevés du pétrole, profitables à court terme, ont un impact négatif sur le développement à long terme du pays. La logique est simple : l’aubaine des pétrodollars obtenus grâce à des prix anormalement élevés a corrompu l’élite dirigeante, la privant de toute ambition de diversifier l’économie au-delà de l’exportation de ressources naturelles.

Il n’y a pas de fatalité : une économie diversifiée n’empêche pas de nombreux pays d’exploiter à fond leurs matières premières. Par exemple, les États-Unis. L’année dernière, ils ont dépassé la Russie en devenant le premier producteur de gaz naturel. Ils occupent aussi la deuxième place au monde pour l’extraction de charbon et la troisième pour la production de pétrole. Mais les partisans de la théorie de la malédiction tendent à minimiser la place des États-Unis dans la production mondiale des ressources naturelles pour ne pas contredire leur théorie.

 

Norvège, Canada et Australie sont autant de bons exemples prouvant que des démocraties stables et des institutions publiques efficaces conjurent la malédiction de la dépendance des matières premières.

 

Il y a dix ans, analystes et observateurs économiques insistaient sur la nécessité d’augmenter les impôts sur le gaz et le pétrole afin de stimuler les investissements dans les industries de transformation et les autres secteurs. Aussi surprenant que cela puisse paraître, la Russie a fait des progrès dans la diversification de son économie. En plus des industries de transformation, elle est dotée d’un fort secteur tertiaire, dont la croissance est le signe d’une économie développée.

 

Un autre indicateur de la diversité, c’est la répartition du nombre d’employés par secteur. 10,5 millions de Russes travaillent dans le secondaire, soit dix fois plus que dans le primaire. Près de 12 millions de personnes travaillent dans le commerce, 6 millions dans l’éducation, 5 millions dans la santé et les services sociaux, 1,2 million dans l’hôtellerie et la restauration, et 1,1 million dans la banque et la finance. Contrairement à la croyance populaire, les secteurs de transformation et des services battent à plate couture celui des matières premières pour ce qui est du nombre d’employés. Mais ils produisent peu de richesses pour le pays, comparés au gaz et au pétrole.

 

Si toutes les ressources naturelles de Russie venaient à disparaître, il est peu probable que les employés se mettent subitement à travailler mieux ou que les élites se ruent sur les réformes. Il faut cesser de recourir à la théorie de la malédiction des matières premières pour expliquer tous les maux de la Russie. Oui, ils y sont en partie liés. Mais ce n’est pas la raison principale pour laquelle la Russie se traîne derrière les autres puissances économiques. Nous ferions mieux de laisser de côté les malédictions et nous concentrer sur le développement et la modernisation politique et économique des institutions russes.

 

Konstantin Simonov, directeur de la Fondation de la sécurité énergétique nationale.

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