Oukha, la mère des soupes russes

Crédits photo : ITAR-TASS

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Il y a deux façons de préparer la oukha, la plus ancienne soupe de Russie. La première, celle que j’ai expérimentée sur les rives du lac Baïkal en 1990, consiste à attraper un poisson dans l’eau claire, comme du cristal, d’un lac ou d’une rivière, de le jeter dans une marmite d’eau, tout aussi claire comme du cristal, et de le faire bouillir jusqu’à ce que ses yeux sortent des orbites. C’est le signe que la cuisson est bonne. À consommer immédiatement. Et c’est tout.


L’idéal, à condition d’être sur les rives d’une rivière cristalline, est de savoir pêcher le poisson et de faire un feu dans la nature. Mais si l’une de ces conditions n’est pas remplie, pas de problème. Nul besoin d’aller jusqu’en Sibérie et d'apprendre à pécher. Il restera utile, toutefois, de se lier d'amitié avec le poissonnier du coin, pour qu’il vous fournisse le poisson le plus frais possible pour préparer votre propre oukha.


La oukha se cuisine depuis des siècles, et comme tous les plats russes, elle a évolué en s’adaptant aux cuisines et aux rives où elle était préparée. À l’origine, la oukha n’avait rien à voir avec le poisson. C’était un brouet épais et gras, préparé à partir de restes de bœuf et de cochon, y compris les oreilles, les pieds, les tendons et autres résidus. Le mot « oukha » est devenu synonyme de bouillon, puis de soupe de poisson, dont se délectaient aussi bien les paysans que les nobles.

 

Jeter du poisson frais dans de l’eau bouillante n’est pas tant une recette qu’une méthode de préparation, mais la oukha a été revisitée et améliorée au fil des siècles. À la table du tsar, la oukha « ambrée » de safran précieux était cuisinée avec de la perche ou de l’esturgeon. Les chefs français qui travaillaient dans les cuisines de l’aristocratie russe se sont employés à perfectionner l’apparence et la saveur du bouillon lui-même, en le clarifiant à l'aide de blancs et de coquilles d’œufs, et en l'expérimentant avec différents types de poisson. Certains chefs russes y ajoutent pommes de terre et autres légumes, tandis que les puristes considèrent que les seuls ingrédients de la oukha sont le poisson et l’eau. J’ai assisté à des débats violents quant à l’utilisation de rondelles de citron et au droit de mélanger différents types de poissons. La mer comptent de nombreux poissons : autant de recettes de la oukha.

 

La recette présentée ici a été élaborée à partir de nombreux récits, de livres de recettes, de conseils de pêcheurs russes et de la sagesse de mon ami poissonnier.

 

Ingrédients :


2 litres de bouillon de poisson (voir ci-dessous)

750 g de poisson blanc désossé et écaillé : brochet, perche, flétan, en cubes de 5 cm de coté

750 g de filet de saumon, en cubes de 5 cm

½ racine de persil ou de navet, en cubes de 2 cm

½ racine de céleri, en cubes de 2 cm

1 c. à soupe d’huile d’olive

2 poireaux ou un gros oignon

2 feuilles de laurier

15 grains de piment de Jamaïque

4 c. à soupe de gros sel

1 c. à soupe de poivre noir en grains

1 botte de persil plat frais

1 botte d’aneth frais

Quelques rondelles de citron (si vous osez !)

 

Préparation :


  1. Faites revenir le poireau ou l'oignon dans une marmite à soupe à fond épais, à feu moyen.

  2. Quand ils sont translucides et souples, ajoutez les racines en cubes et faites sauter jusqu’à ce qu’elles soient tendres (5-7 minutes)

  3. Ajoutez le bouillon de poisson, laurier, poivres et sel. Augmentez le feu et portez à ébullition.

  4. Réduisez le feu, couvrez, et laissez mijoter pendant 30 minutes.

  5. Ajoutez le poisson, en le faisant légèrement pocher à feu doux, 7-8 minutes.

  6. Retirer le laurier et ajoutez le persil et l’aneth hachés

  7. Servez immédiatement. Les russes servent généralement la oukha avec des tourtes au poisson, ou le koulibiak au saumon.

 

Bouillon de poisson :


Je suis une grande adepte des bouillons faits maison à partir de produits frais, largement supérieurs aux cubes et autre bouillons en conserve, dont le goût est trop chimique pour une soupe aussi fraiche que la oukha. Quand vous le pouvez, prenez le temps de préparer le bouillon vous-même, et même s’il n’est pas essentiel de le clarifier, rien n’est plus joli qu’un bouillon fin et étincelant, qui mette en valeur le poisson délicatement poché et les herbes vertes.


Ingrédients :


2 têtes de poisson, sans les yeux et les branchies (d’où la nécessaire bonne entente avec le poissonnier)

2 litres d’eau

1 botte de céleri

½ oignon jaune

2 c. à soupe de gros sel

1 c. à soupe de poivre en grains

3 clous de girofle écrasés

Tiges d’herbes fraiches : persil, aneth, ciboulette, estragon, etc.

3 blancs d’œufs et coquilles

 

Préparation :


  1. Placez tous les ingrédients sauf les œufs et coquilles dans une marmite à soupe.

  2. Portez à ébullition, réduisez le feu, laissez mijoter à feu doux pendant une heure, en écumant la surface de la mousse qui s’accumule.

  3. Enlevez du feu.

  4. Tapissez une passoire avec de la gaze ou un torchon propre et passez le bouillon dans une marmite propre.

 

Vous pouvez vous arrêter là, mais si vous souhaitez clarifier le bouillon :

 

  1. Replacez le bouillon sur un feu moyen et faites frémir.

  2. Diluez les blancs d’œufs dans un verre de bouillon chaud et versez la mixture dans la marmite.

  3. Ajoutez les coquilles d’œufs écrasés et remuez pendant 4 minutes.

  4. Réduisez le feu et déplacez la marmite vers la gauche afin que seul un tiers de la marmite reste sur le feu, laissez mijoter 10 minutes. Le blanc d’œuf cuit en ramassant toutes les particules opaques de bouillon.

  5. Déplacez la marmite pour que l’autre coté soit sur le feu, laissez mijoter 10 minutes. Idem vers l’avant et l’arrière. Ne laissez pas le bouillon déborder de la marmite.

  6. Retirez la marmite du feu. Passez par une passoire recouverte de gaze ou d’un torchon propre, en faisant attention que le fond de la passoire ne touche pas le bouillon clarifié.

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