Elabouga : une perle marchande sur la rivière Kama

La ville d'Elabouga, au Tatarstan, recèle de précieux exemples d'architecture du début du XXe siècle.

Photos : William Brumfield.

Située sur une haute falaise surplombant la vaste plaine de la rivière Kama, Elabouga (peuplée d'environ 60 000 habitants), est particulièrement favorisée par son environnement. Le peintre Ivan Chichkine, renommé pour ses représentations de la nature russe, a grandi à Elabouga. Sa résidence familiale, offrant un panorama imprenable sur la Kama, héberge aujourd'hui un musée. La pineraie environnante semble gorger l'air de parfum et de fraîcheur jusque dans la ville.

 

Elabouga fut dans un premier temps une colonie russe fondée à la fin du XVIe siècle, une période d'expansion russe vers les frontières méridionales et orientales. En 1780, elle fut décrétée ville de la province de Viatka, dans le cadre des efforts de Catherine la Grande visant à réformer l'administration urbaine russe. A la fin du XIXe siècle, Elabouga  était non seulement devenu un centre commercial animé grâce à son emplacement sur un affluent majeur de la Volga, mais aussi le siège de petites entreprises industrielles, notamment dans la ferronnerie.

 

L'esprit d'entreprise d'Elabouga a joué un rôle significatif dans la création de son environnement architectural harmonieux au XIXe siècle, en grande partie conservé jusqu'à nos jours. Des dynasties de marchands tels que les Stakheïev, les Guirbasov, les Tchernov et les Ouchkov, construisaient non seulement des demeures pour eux-mêmes, mais finançaient aussi généreusement la construction d'églises, de couvents, et d'un certain nombre d'écoles.

 

Le monument architectural le plus ancien d'Elabouga est largement antérieur au XIXe siècle. Situé sur une colline au-dessus de la ville, la tour du Fort du démon contiendrait des fragments datant de la fin du premier millénaire ap. J.-C., quand le site fut peuplé dans le cadre de l'Etat de la Bulgarie sur la Volga. Restaurés dans les années 1860, la tour et son parc offrent une vue imprenable sur les environs d'Elabouga. D'ici, on aperçoit les principaux monuments du centre historique, comme la Cathédrale de l'Icône miraculeuse du Sauveur, un vaste bâtiment coiffé de dômes construit entre 1808 et 1816 dans le style néoclassique.  Son clocher est un des bâtiments les plus hauts d'Elabouga. L'intérieur de la cathédrale fut mis à sac à l'époque soviétique, mais sa restauration progresse lentement.

 

L'église de l'Intercession de la Mère de Dieu, également construite au XIXe siècle dans le style néoclassique, est mieux préservée. Ses fresques murales ont été largement restaurées, et cette église paroissiale active est dotée d'une nouvelle iconostase. Elabouga compte également une importante population musulmane, dont le centre spirituel est le nouveau bâtiment de la grande mosquée, surmontée d'un étroit minaret.

 

De nombreux édifices du XIXe siècle se trouvent à différents stades de restauration, mais une zone superbement remise en état est la rue Bolchaïa Pokrovskaïa. Le mécène de cette restauration est plutôt inattendu : une école d'officiers de police. Une grande partie de la rue, bordée de maisons du XIXe construites pour les marchands prospères qu'étaient les Stakheïev, les Mylnikov et les Tchernov, a été octroyée à l'école en échange de son engagement à entretenir les bâtiments en tant que monuments historiques. L'école a tenu parole non seulement à l'extérieur, mais aussi à l'intérieur, où des parties en bois et en plâtre ont survécu. La rue adjacente, dite rue du quai, possède aussi de nombreux monuments bien conservés de la même période, tout comme la rue de Kazan. 

 

Mais la meilleure illustration du niveau de la culture de cette ville marchande est peut-être le nombre d'établissements d'enseignement construits à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Certains d'entre eux étaient liés à l'Eglise orthodoxe. La ville comptait également une école pour aveugles. Le plus impressionnant de ces bâtiments institutionnels est l'ancienne Ecole religieuse pour femmes, devenue l’actuelle Université pédagogique d'Etat d'Elabouga. Achevé en 1903 dans le style Beaux-arts par l'architecte de Viatka Ivan Charouchine, le grand bâtiment de briques est, à lui seul, un centre d'apprentissage, un superbe hommage à l'éducation et à la culture.

 

Près de l'université pédagogique se trouve un monument à la grande poétesse Marina Tsvetaieva, qui lors du terrible été 1941 vécut réfugiée dans une petite maison de bois située à proximité. C'est là que son odyssée tragique s'acheva avec son suicide. Le monument représente une demi-rotonde ouverte dotée de colonnes aux cannelures blanches, le tout entourant un buste en bronze posté sur une colonne de granit. Le monument est assez vaste, et attire parfaitement l'attention sur la vie complexe, mais glorieusement créatrice, de cet écrivain russe.

 

Elabouga est l'un des nombreux trésors méconnus des provinces russes. Plusieurs facteurs contribuent à la vigueur et à la riche diversité culturelle de cette ville, l'architecture historique de la ville notamment. Ici, comme ailleurs, la préoccupation pour le patrimoine architectural est l'indicateur de poids d'un avenir prometteur.

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