Ski à la piscine

Le ski acrobatique étonne et envoûte. Les spectateurs observent, le souffle coupé, le skieur qui, après avoir décollé dans les airs depuis un tremplin, fait un saut périlleux et dévale la pente dans un nuage de poudreuse. Parfois, il semble que seuls les plus chanceux survivent jusqu'aux compétitions. Est-ce vraiment le cas ? Rencontre avec Dmitri Kavounov, entraîneur en chef de la sélection russe de la discipline free style la plus impressionnante : le saut acrobatique.

Photos : Oksana Yushko

L'entraîneur de la championne olympique russe de Lillehammer Lina Cheryazova, chargé de la sélection russe depuis les Jeux de Vancouver, n'est un pas un beau parleur. C'est un homme d'action. Lors de la conférence de presse organisée à l'occasion d'une étape de la Coupe du monde à Moscou, Dmitri Kouvanov n'était pas bavard et semblait vouloir fuir au plus vite caméras et reporters. Sur la piste, pourtant, il s'en donne à cœur joie : le voilà, pelle en main, qui commence à construire un tremplin pour les compétitions, et il trouve même le temps de nous parler de sa discipline olympique. Celle-ci n'est pas seulement la plus spectaculaire de toutes les disciplines du ski acrobatique, c’est aussi la plus ancienne : des compétitions de « ballet à ski » avaient déjà lieu au début des années 1920. C'était, à l'époque, un spectacle plus qu'une discipline : les sportifs dévalaient la piste en musique, conjuguant sauts et rotations sur une glissade fluide. « Nous pratiquons un sport éreintant au niveau physique, explique Kavounov. Et la plupart du temps, nous avons une pelle entre les mains ! »



Comment apprend-on les figures du saut à ski ?


La préparation est très longue et la procédure est rôdée : d'abord, on apprend à faire un saut périlleux sur le tapis, puis sur un trampoline. Ensuite, on évalue sa capacité à tenir sur des skis. Si tout va bien, on se lance sur l'eau. Ce n'est qu'après avoir maîtrisé cette figure sur l'eau qu'on la tente sur la neige.

 

Vous commencez donc par sauter dans une piscine ?


Tout à fait. Sur les mêmes tremplins que ceux qu'on utilise en hiver, sauf que le sportif saute dans l'eau.

 

Et sur des coussins d'air disposés sur les pistes ?


Non. Peut-être que d'autres équipes s'entraînent ainsi, mais nous, nous préférons l'eau.

Quelle est, selon vous, au niveau international, la place de la Russie dans cette discipline ?


Je pense que la Russie occupera, à l'avenir, une position dominante en saut acrobatique. La Russie se doit de figurer parmi les leaders, car elle possède tous les atouts. Nous sommes aussi très bons sur les bosses : lors des Coupes du monde, les jeunes arrivent en quatrième ou cinquième places. Ils sont à deux doigts de l'élite.

 

Qui sont les leaders actuels ?


En saut acrobatique, les Canadiens et les Chinois.

 

Peut-on parler d'une école russe et d'un style de ski acrobatique et d'entraînement distincts, par exemple, de celui des Américains ?


Sous l'Union soviétique, c'était le cas. Mais désormais, nous sommes au même niveau, car nous partageons tous nos techniques.

Ne faudrait-il pas emprunter aux Chinois leurs méthodes d'entraînement ?


Notre problème ne se situe pas au niveau des techniques et de la maîtrise de la discipline. Nous connaissons tout ce qu'il faut, mais nous faisons face à un changement de génération : les vieux ont tiré leur révérence, et les jeunes ne sont pas encore prêts. Or, dans ce sport, on ne peut préparer la relève en l'espace de deux ans. Nous serons à la traîne pendant encore quelques temps, mais petit à petit, nous retrouveront le niveau qui nous échoit.

 

Le free style n'est pas un sport très grand public, et manque d'attention rime souvent avec manque de fonds. Est-ce un problème ?

Je pense que le problème n'est pas la question du financement mais qu’il est lié au sport lui-même. Le free style demande une telle polyvalence : ses adeptes doivent être à la fois skieurs et acrobates. Contrairement au football, auquel chacun peut jouer à son niveau, tout le monde ne peut pratiquer le free style. Le free style, c'est sérieux, ça suppose de la préparation. C'est pour ça qu'il y a aussi peu de prétendants.

 

La Russie présente-t-elle les conditions nécessaires au développement de la discipline ?

 

Je pense que oui. La Russie possède un potentiel incroyable, parce que la Russie en elle-même est grande, ce qui signifie plus de ressources humaines, plus de neige, et plus d’écoles. Des écoles gratuites, notez bien, ce qui est très important ! J'ai travaillé dix ans en Amérique et au Canada, et là-bas, tout est payant. En revanche, ici, la plupart des écoles pour débutants sont gratuites. Et des gars d'Oufa ou de Iaroslavl peuvent venir nous voir, ils n'auront pas à payer pas pour l'entraînement de free style, saut et ski sur bosses.

 

Combien d'athlètes compte votre équipe ?

 

Cette année, six. Malheureusement, seulement des garçons. Les deux filles de notre école sont encore trop jeunes pour aller en Coupe du monde, elles n'ont pas le niveau suffisant.

 

Beaucoup de gens pensent sûrement que plus tôt ils commenceront les compétitions, plus ce sera simple par la suite…

Si tu es prêt, oui. Si le sportif a un programme digne de ce nom, bien sûr. Mais en général, les athlètes arrivent, lors d'une compétition mondiale, avec un programme très simple, et sans être préparés. Ils tombent une fois, se relèvent, et retombent encore trois fois… Ils doivent s'entraîner davantage. Les Coupes du monde ne sont pas faites pour répéter un programme, mais pour le mener à la perfection.

 

Où s'entraîne la sélection russe ?

 

Les seniors étaient cet hiver aux Etats-Unis, qui accueillaient, comme le Canada et la Russie, des étapes de la Coupe du monde. La deuxième partie de l'équipe s'entraînait, au même moment, en Finlande.

 

Et en Russie, il n'est pas possible de s'entraîner ?


Non, surtout en début de saison. Nous commençons à nous entraîner en novembre, et il n'a pas encore assez de neige. En janvier et en février, la neige est plus abondante, mais c'est la période des compétitions, auxquelles il nous faut participer. Au final, nous ne parvenons jamais à nous entraîner en Russie !

 

Et lorsque la station de Krasnaya Poliana (près de Sotchi, ndlr) sera prête, irez-vous vous y entraîner ?

 

Quand elle sera prête, bien sûr ! Nous accueillons les Jeux olympiques, alors pourquoi ne pas nous préparer à domicile ? Quand tu t'entraînes sur la piste où se déroulent les compétitions, tu t'habitues au temps, aux conditions et à tout le reste. Avoir sa propre piste, c'est un avantage énorme.

http://www.rusrep.ru/article/2011/04/13/freestyle

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