Nucléaire : la sécurité d’abord

Alors que le Japon se débat encore en pleine crise nucléaire, la Russie campe sur ses positions. Credits photo : Getty images/Fotobank

Alors que le Japon se débat encore en pleine crise nucléaire, la Russie campe sur ses positions. Credits photo : Getty images/Fotobank

La Russie a considérablement investi dans la sûreté nucléaire après la catastrophe de Tchernobyl. Et n’est pas prête à renoncer aux lucratives exportations de centrales

 

L’électrochoc de Tchernobyl a remis les pendules à l’heure. Les réacteurs ont été modernisés puis inspectés et certifiés par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). « Nous avons implanté un système intelligent de sécurité passive afin d’éviter toute erreur humaine », affirme Igor Konychev, de l’Agence atomique russe Rosatom.


Cette dernière s’affirme tellement convaincue de la sécurité des centrales russes qu’elle exporte son programme nucléaire dans les pays européens, en Turquie et même jusqu’en Chine. « La Russie contrôle aujourd’hui 20% du marché mondial des centrales nucléaires » , selon Konychev.

 

Une telle position n’est pas en phase avec l’opinion publique mondiale mais elle repose en revanche sur une solide logique commerciale et industrielle.

 

« Le pétrole et le gaz naturel deviennent de plus en plus coûteux et les réserves seront un jour épuisées. Il est logique que la Russie veuille garder son rôle de fournisseur énergétique majeur et même gagner le titre de leader du marché mondial » , argumente Vladimir Slivyak, le co-directeur du mouvement écologique É codéfense.

 

L’énergie nucléaire est un « business » bien avantageux. Le prix d’un réacteur nucléaire atteint 3,5 milliards d’euros, sans compter celui de la maintenance et de la modernisation. Rosatom a aujourd’hui 33 réacteurs en Russie et le plan pour 2020 prévoit la construction de 32 supplémentaires, basés sur la technologie des neutrons rapides. « Cette technologie est plus efficace et respectueuse de l’environnement puisqu’elle permet d’utiliser le combustible nucléaire à plusieurs reprises afin de réduire les fuites » , explique le président russe Dmitri Medvedev, en ajoutant que « la Russie doit construire de nouveaux réacteurs au lieu de moderniser ceux devenus obsolètes » .


Plus sûr que Fukushima ?


Les experts n’estiment pas pour autant que l’énergie nucléaire soit sûre, même si la répétition des catastrophes de Tchernobyl ou de Fukushima paraît peu probable. « Même si les centrales peuvent subir un séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter alors qu’une magnitude 5 est le maximum envisagé en Russie, elles restent des installations dangereuses. Il existe toujours un risque d’imprévu » , affirme Iouri Vishnevsky, l’ex-directeur de l’Autorité fédérale de sûreté nucléaire et des radiations (Gosatomnadzor), intégrée dans Rosatom en 2005. Selon lui, la sécurité est la préoccupation principale : « Il n’existe pas aujourd’hui en Russie d’autorité de sûreté nucléaire qui imposerait systématiquement des réglementations dans ce domaine ».


Vladimir Slivyak, qui joue le rôle d’écharde plantée dans le pied de l’industrie nucléaire russe depuis déjà bien longtemps, commente : « Rosatom fait ce qu’il veut. Il n’y a que quelques organisations environnementales qui surveillent ses activités. C’est une situation sans issue » . Igor Konyshev s’oppose à ce point de vue : « Les environnementalistes ont tort. Il y a un service interne de contrôle, ainsi que Rostekhnadzor, le Service fédéral de supervision écologique, technologique et nucléaire ».


Pourtant Vladimir Slivyak ne croit pas que les mesures de sécurité de Rostekhnadzor soient fiables. Selon lui, « onze réacteurs sur les 33 en service sont vétustes et doivent être mis hors d’usage ». Et de relater qu’« un incident dans le réseau électrique dans la région de Sverdlovsk en 2000 a privé d’alimentation la centrale nucléaire Mayak pour trois quarts d’heure. Le responsable de la sécurité de la centrale a affirmé que si cela avait duré cinq minutes de plus, nous aurions connu un autre Tchernobyl ».


La société civile russe est consciente du danger, même si elle ne manifeste pas ouvertement contre le nucléaire. Une étude nationale d’ Écodéfense faite en 2007 a montré que 70% des interrogés étaient contre le nucléaire et favorables aux énergies renouvelables.

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