Crédits photo : RIA-Novosti
Arkadi Dvorkovitch est conseiller économique spécial auprès du président Dmitri Medvedev
La Russie est-elle prête à affron
ter le marché mondial de l’automobile,
dans l’optique d’une
adhésion à l’Organisation mondiale du commerce
(OMC) et d’une baisse des tarifs à l’importation ?
Nous ne sommes pas tout à fait prêts à affronter les producteurs
mondiaux, mais l’OMC a mis en place une période de transition de sept
ans, et c’est assez pour se préparer. Les grands constructeurs comme
Avtovaz [marque Lada] et GAZ ne sont pas encore compétitifs, si bien que
nous avons besoin de ces sept années. Nous avons aussi besoin
d’investisseurs stratégiques. Nous espérons attirer des constructeurs,
et pas seulement pour assembler des voitures.
Le gouvernement semble suivre
un plan similaire pour l’automobile à celui retenu pour le secteur
pharmaceutique.
La situation y est un peu différente. Il y a une forte demande
domestique de l’État et la taille du marché peut à elle seule attirer
des investissements. S’il y a un certain degré de certitude (concernant
la croissance de la demande), alors les compagnies internationales
installeront leur production en Russie sans que l’on ait besoin
d’augmenter les tarifs.
Les investisseurs étrangers
reprochent à l’État russe de jouer un rôle trop important dans
l’économie.
Nous avons déjà décidé de privatiser, c’est juste une question de
calendrier. Sberbank est un cas à part et il nous faut être prudents car
la composante sociale est ici importante
[une majorité de Russes y conservant leurs économies, ndlr].
Gazprom, les chemins de fer, le réseau électrique et le mono
pole des
oléoducs sont également des cas spéciaux – mais le reste, comme la
banque VTB, n’exige pas de participation de l’État.
Or, le marché ne pourra en avaler qu’une quantité limitée, nous ne pouvons pas tout vendre d’un coup.
Il y a un an, des articles d’opinion ont appelé au retrait du « R » dans l’acronyme BRIC. Pensez-vous que cela soit justifié ?
La Chine et l’Inde sont beaucoup plus vastes que la Russie. C’est un
point important pour les investisseurs. Elles totalisent 2,5 milliards
de personnes, contre 142 millions en Russie. Mieux vaut comparer la
Russie au Brésil, où la taille de la population et les niveaux
technologiques sont similaires. Mais les attentes pour la Russie sont
beaucoup plus élevées [que celles pour le Brésil], dans la mesure où
nous sommes traités comme un pays européen et que nous devons atteindre
le même niveau de confort pour les investisseurs étrangers.
Le plus gros reproche fait à la Russie concerne l’étendue de la corruption. Y-a-t-il des progrès dans ce domaine ?
La campagne anti-corruption fonctionne et la tendance à l’amélioration
est là. Mais cela ne se fera pas en un an. Les pots-de-vin augmentent,
mais c’est en partie dû au fait que ceux qui soutirent des pots-de-vin
comprennent que cela ne durera pas très longtemps. Ils ne veulent pas
rater le dernier train. C’est un problème systémique et non pas juste le
fait d’une bande de criminels ; la corruption existe à tous les niveaux
et tient à la participation de l’État dans l’économie. Si on la réduit,
le potentiel de corruption chutera. La corruption est liée au
traitement préférentiel dont les entreprises d’État bénéficient.
Avec plus de 600 milliards de dollars de devises en réserves injectés
dans la crise, il a semblé que le gouvernement pourrait renflouer
l’économie tout entière. Mais la Russie a connu l’une des pires
récessions. Quels ont été au final les principaux effets de la crise ?
Regardez : il n’y a pas eu de ruée vers les banques, pas de banqueroutes
majeures. Il y a une con
fiance dans le secteur bancaire et le rouble
que nous n’avions pas précédemment. Nous avons besoin de changer la
structure de l’économie et de ne pas refaire les mêmes erreurs.
Maintenant, après la crise, les gens commencent à comprendre, de mieux
en mieux, que nous ne pouvons compter sur notre seul marché. Si cela
avait été une crise locale, nous aurions eu assez de fonds pour la
gérer.
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