Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima

Crédits photo : Reuters/Vostock Photo

Crédits photo : Reuters/Vostock Photo

Un mois après la catastrophe nucléaire de Fukushima, dix experts internationalement reconnus adressent une pétition à l’Agence internationale de l’énergie atomique

« La sécurité nucléaire dépasse les frontières nationales ». Tel est le principe exprimé à la suite de la catastrophe survenue à la centrale de Fukushima par les experts en sécurité nucléaire de dix pays. Selon les signataires de la pétition Plus jamais (Never again), n’est acceptable que l’énergie nucléaire qui ne présente aucune menace pour la vie, le bien-être de la population et l’environnement.

 

Dans le document envoyé à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), les experts réalisent un tour d’horizon des conséquences des trois plus graves tragédies nucléaires : l’accident à la centrale de Three Mile Island (Etats-Unis, 1978), l’explosion de la centrale de Tchernobyl (URSS, 1986) et l’accident à la centrale japonaise de Fukushima-Daiichi survenu le 11 mars 2011 suite à un violent séisme et à un tsunami et en tirent des conclusions pour éviter que de telles catastrophes ne se reproduisent. Extraits.

 

D’une part, le tremblement de terre de Tohoku Taihei Yo Oki du 11 mars 2011 montre que les centrales nucléaires sont capables de résister à certaines catastrophes naturelles mieux que de nombreux ouvrages humains. D’une autre, lors du choix du site du projet de la centrale de Fukushima-Daiichi, on n’a visiblement pas sufisamment pris en compte la combinaison de phénomènes exceptionnels : le plus grand tremblement de terre de l’histoire du Japon suivi d’un tsunami d’une ampleur maximale, provoquant la mise hors service de l’ensemble de l’approvisionnement en énergie de la centrale.

 

En réalité, tous les accidents (Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima, ndlr) ont été les conséquences de l’absence de prise en compte dans les projets d’une combinaison d’événements ordinaires. En outre, le personnel ne possédait pas de préparation et d’équipement suffisants pour en gérer les conséquences. Enfin, l’expérience passée suggère que tous ces accidents auraient pu être prévenus grâce à des perfectionnements relativement peu onéreux, dont la nécessité aurait pu être opportunémentrévélée si une analyse approfondie avait été menée.

 

Ces constats nous ont menés à la conclusion selon laquelle il serait possible de faire considérablement plus de choses afin de prévenir les accidents graves et de limiter leurs conséquences, s’ils finissent tout de même par se produire (...). Il est nécessaire de poursuivre les études sur l’état la sécurité et de renforcer celle-ci à tous les niveaux de direction et de régulation de l’énergie atomique, d’obtenir qu’une attention minutieuse soit accordée aux détails, de réaliser des programmes efficaces de mise à jour, d’analyse et de résolution des facteurs réduisant la sécurité, tout en assurant une gestion efficace des connaissances dans le domaine nucléaire.

 

Une attention particulière doit être accordée à la qualité de la préparation des cadres de l’énergie nucléaire. Afin d’atteindre ce but, les pays fournisseurs de centrales nucléaires doivent créer des centres de formation des spécialistes pour les pays qui acquièrent les technologies nucléaires. Pour être en mesure de prendre de façon opportune des décisions complexes et critiques dans des circonstances imprévues, les spécialistes travaillant dans le secteur de l’énergie atomique doivent non seulement savoir « comment » cela fonctionne, mais aussi « pourquoi ». En outre, les organes de régulation doivent rehausser l’efficacité des expertises et des inspections, et garantir l’ouverture et l’honnêteté de la présentation des résultats de telles inspections à la société civile. Les inspections de routine sont indispensables, mais il est encore plus important d’être en mesure de détecter et de résoudre les signes précoces d’incidents ou de circonstances peu probables.

 

En complément de la prévention des accidents graves, il est indispensable d’entreprendre des démarches afin de limiter les conséquences de tels accidents, s’ils venaient à se produire. Il est crucial d’achever une analyse approfondie de la vulnérabilité de chaque centrale face aux accidents graves, et de concevoir des mesures de gestion de tels accidents dans tous les réacteurs en service. Les mesures de gestion des accidents doivent prévoir les instruments techniques nécessaires, des équipements de réserve et des procédures de rétablissement des fonctions d’évacuation de la chaleur de la zone active afin d’éviter la fusion du combustible nucléaire. Le personnel de la centrale doit être dûment formé aux actions à adopter dans le cadre d’un schéma flexible de gestion d’un accident grave.  

 

 

Les nouvelles centrales doivent voir le jour dans des zones éloignées des lieux présentant un danger naturel ou technogène extrême. L’évaluation des risques et leur gestion doivent être utilisés afin d’optimiser les projets et l’exploitation des centrales, mais ne doivent pas remplacer les fondements prédéfinis en matière de sécurité. Les centrales de la prochaine génération doivent garantir la sécurité même si le personnel n’est pas en mesure d’entreprendre des actions immédiates en réponse à une situation d’accident.

 

La sécurité nucléaire dépasse les frontières nationales. Il est indispensable d’élaborer et d’introduire des mesures liées aux résultats des débats de la Convention pour la sécurité nucléaire, de l’AIEA, d’organes régionaux tels que l’UE ou d’organisations industrielles telles que l’Association mondiale des opérateurs nucléaires (WAFA) et visant à garantir le renforcement ultérieur du régime international de sécurité nucléaire. L’étude et la définition des mesures les plus efficaces afin d’atteindre un niveau élevé de sécurité nucléaire dans le monde entier est crucial.

 

De telles mesures peuvent-elles déboucher sur la création de nouvelles structures internationales, comme par exemple une agence de régulation, dotée de pouvoirs lui permettant d’introduire des normes contraignantes et de mener à bien des inspections ? Ou encore sur le perfectionnement et le renforcement des structures existantes renforçant la responsabilité des pays via des vérifications internationales rigoureuses ? Il est à espérer que la conférence internationale convoquée par l’AIEA à Vienne en juin 2012 servira de point de départ aux discussions sur ces mesures.

 

Il est indispensable d’élaborer et d’incorporer dans le régime international de sécurité nucléaire des exigences envers les pays désireux d’entrer sur la voie du développement de l’énergie atomique.  Ces pays doivent prouver leur disposition à satisfaire des standards internationaux élevés concernant la sécurité nucléaire et physique ainsi que la non-prolifération pendant l’existence tout entière de leurs programmes nucléaires. […]

 

Ont participé à la rédaction de la pétition Plus jamais et approuvent sa publication : 

AdolfBirkhofer (Allemagne), Agustin Alonso (Espagne), KunMo Chung (Corée du Sud), Harold Denton (Etat-Unis), Laeorgui Koptchinski (Ukraine), Jukka Laaksonen (Finlande), Salomon Levy (Etats-Unis), Roger Mattson (Etats-Unis), Viktor Mourogov (Russie), Nikolaï Ponomarev-Stepnoï (Russie), Viktor Sidorenko (Russie), Nikolaï Steinberg (Ukraine), Pierre Tanguy (France), Jurgis Vilemasurg (Lituanie).

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies