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Le conseil des droits de l’homme auprès du président doit présenter au chef de l’État un programme en plusieurs points pour la mise en place d’une société civile. Le plan d’actions que le président du conseil Mikhaïl Fedotov prépare pour Dmitri Medvedev énumèrera des initiatives de lois et des actes normatifs touchant à la quasi totalité des sphères publiques et politiques de la vie du pays qui permettront aux Russes de passer du statut d’habitant à celui de citoyen. Le programme a déjà reçu un surnom au sein du conseil : en raison de son côté ambitieux et de son étendue, on l’appelle le plan Marshall pour la société civile.
Comment se présentera le document que vous allez soumettre au président ?
Cela prendra la forme d’une série de mesures d’envergure qui permettront à la société civile de se développer ainsi que d’un système de garantie des droits de l’homme. Ces mesures devront aider à créer les conditions psychologiques de la modernisation du pays, qui ne peut avoir lieu sans modernisation des esprits, des relations sociales et des stéréotypes comportementaux. Il est important de déterminer les valeurs de base, qui doivent en être le fondement. Par exemple, comme je l’ai dit au président, il est très important en premier lieu de garantir à chacun la possibilité de retrouver une réelle justice, puis de connaître la vérité sur tout ce qui se passe autour, et enfin de se sentir libre. Le sentiment de justice, de vérité et de liberté n’est pas moins important. En effet, il arrive souvent que l’on n’ait pas conscience de sa réelle liberté, qu’on ne la ressente pas et par conséquent, on ne parvient pas à s’échapper du labyrinthe habituel des interdictions tacites.
Il est très important que l’État soit effectivement contraint de servir les intérêts de la société. L’État, qui semble n’être qu’une fourmilière bureaucratique, ne peut avoir ses propres intérêts, c’est tout juste une organisation politique de la société. Ni plus ni moins.
Combien de temps sera-t-il nécessaire pour détruire des stéréotypes profondément enracinés ?
Le fait est que les bolchéviques y sont parvenus très rapidement. Les stéréotypes comportementaux de la Russie tsariste étaient complètement différents de ceux existants à grande échelle après 20 ans de pouvoir soviétique. Aujourd’hui, il nous faut accomplir la même chose en termes d’efficacité, mais agir différemment s’agissant du contenu moral, des méthodes et de la reconstruction de l’esprit populaire esprit public.
Nous n’avons pas besoin de pousser les gens en rangs serrés vers l’avènement de l’État de droit démocratique et social décrit dans notre constitution. Nous devons apprendre aux gens les règles de l’autodiscipline, l’auto-organisation, leur apprendre à être des initiateurs, à ne pas rester allongés auprès du poêle.
Êtes-vous sûr que la société russe elle-même souhaite une telle indépendance ?
Il y a pour l’instant une large tendance à l’assistanat dans la société. Cela vient de tous les côtés : donnez-nous de l’argent, donnez-nous un logement… Nous proposons de changer les motivations, et également, les exigeances. Il faut de la liberté pour faire naître des initiatives, il faut des ressources pour mettre en place des services sociaux indépendants, il faut être responsable de la qualité et la capacité de ces services. C’est pourquoi il est important de stimuler la population pour qu’elle prenne une part active à la gestion des affaires de la société et que les gens ne réclament que ce qu’ils ne peuvent pas obtenir par eux même, c’est à dire ces ressources.
Etes-vous favorable à ce qu'une modernisation économique soit menée parallèlement à la modernisation politique ?
Oui, mais la demande de changement politique doit venir d’en bas, et non d’en haut. Les partis politiques doivent encourager le processus d’auto-organisation publique. On peut, bien évidemment, organiser cela d’en haut. Mais l’imitation ne donne pas de bons résultats.
On doit réveiller la société, et arrêter de bercer la société de rêves propagandistes. Une idéologie de la modernisation doit remplacer l’idéologie de l’obéissance passive. C’est pour cette raison que le conseil se penche sur des questions d’éducation, de formation, de constitution d’une vision plus moderne du monde par les médias. Regardez ce que diffusent les chaines nationales. Est-ce qu’elles mettent en place des mécanismes pour le développement d’initiatives ? Non. Ici, les émissions de télévision sont destinées aux femmes au foyer.
Mais les femmes au foyer sont majoritaires ici, et elles ne représentent pas franchement une classe modernisatrice…
Je ne vois pas d’obstacles à ce qu’une femme au foyer devienne un élément de modernisation. Elle peut par exemple intégrer l’association des propriétaires ou le mouvement des défenseurs de la propreté des rues, tenir un blog sur l’éducation des enfants. Ainsi, progressivement, de simples femmes au foyer, nos concitoyennes prendront l’allure d’hôtes d’une grande maison globale, la Russie.
La classe politique est prête à changer ?
D’après moi, non. À ce jour, la classe politique se contente entièrement du sentiment de stabilité. Les prix élevés du pétrole garantissent, pensent-ils, cette stabilité. Mais on ne peut pas bâtir la politique à long terme d’un État sur une telle base.
Cet article est publié dans une version raccourcie.
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