« Gorbatchev a été à l'origine d'un miracle »

Crédits photo : Kommersant

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L'économiste Rouslan Grinberg analyse les succès et les échecs de l’homme par qui la perestroïka est arrivée

N'exagère-t-on pas souvent le rôle de Gorbatchev dans l’histoire ?


Avant Mikhaïl Gorbatchev, aucun des dirigeants n’avait même à l’esprit d’entamer des changements démocratiques aussi radicaux. Quand Gorbatchev est arrivé, une sorte de miracle s’est produit. Il a proposé d’allier le socialisme à la liberté. À l’époque, la liberté de parole n’existait que dans les cuisines. Et tout à coup, le Secrétaire général en personne déclare que les changements démocratiques sont indispensables et dans l’économie, et dans la politique. De toute évidence, à contre-courant de l’instinct de préservation du pouvoir.


Ou au contraire, de peur de tout perdre…


C’est encore une erreur tenace de notre intelligentsia occidentaliste. Gorbatchev aurait lancé la perestroïka par crainte des vastes programmes militaires occidentaux. Et c’est à cause de cette peur que les dirigeants soviétiques, conscients de l’incapacité de l’URSS à une riposte adéquate, auraient eu besoin de démocratiser le pays. Étrange logique. Dans une telle situation, le Kremlin aurait plutôt eu intérêt à suivre un chemin sûr : toujours plus de mobilisation des ressources, durcissement de la discipline, renforcement de la centralisation.


Autre erreur : la perestroïka et son leader, Mikhaïl Gorbatchev, ont détruit l’Union soviétique. En réalité, en réformant un état unitaire, il n’aspirait qu’à le transformer en véritable fédération, un alliage organique d’un centre fort et d’une grande autonomie des républiques unifiées.


Mais l’Union s’est tout de même écroulée…


On peut reprocher à Gorbatchev d’avoir sous-estimé les conséquences de la prise de conscience nationale dans les républiques. L’agitation populaire a fait monter à la surface de la vie publique toutes sortes de préjugés nationalistes, dont les hauts fonctionnaires des républiques ont su faire usage pour accéder au pouvoir. Gorbatchev s’inquiétait justement des conséquences de la dislocation. Son grand mérite est d’avoir ouvert les vannes pour des changements systémiques. En initiant l’abolition de l’article 6 de la Constitution soviétique ¨ [système de parti unique, ndlr] , il a inauguré la compétition politique dans le pays. C’était un moment de rupture dans l’histoire. En tant que politicien, il a perdu à cause de ses propres erreurs de calcul mais surtout à cause des égarements massifs de l’opinion. Il prenait des coups de tous les cotés, des occidentalistes comme des slavophiles. Le peuple voulait « tout, tout de suite ». Bref, à la fin de 1991, il s’est retrouvé presque totalement isolé politiquement.

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