Crédits photo : Itar-TASS
Le président Dmitri Medvedev et le premier ministre Vladimir Poutine ont déclaré que le programme de développement du nucléaire ne serait pas interrompu. Poutine a même assuré que cette source d’énergie pouvait être « totalement sûre » et que « les conditions modernes le permettent ».
Les leaders
russes appellent à une plus grande sérénité face à l’accident
au Japon et rejettent les parallèles avec Tchernobyl. « La
vague émotionnelle est tout à fait compréhensible, ce qui se passe
au Japon est une tragédie immense. Mais on ne peut élaborer de
stratégie à partir de ce cas », a déclaré Anatoli
Tchoubaïs, ancien grand patron de l'électricité russe.
La Russie est en train de construire six centrales, qui viendront s’ajouter aux dix déjà en activité, pour une puissance totale de 24,2 GW. Ce qui est peu, à l’aune des 443 réacteurs répertoriés dans le monde par l’Association mondiale du nucléaire, dont 150 en Europe. Après la catastrophe de Tchernobyl, en 1986, la construction de nouvelles centrales en Russie a été gelée. La « Renaissance atomique » a commencé au milieu des années 2000, avec l’adoption du programme pour le développement du nucléaire, qui prévoit que le nombre de réacteurs passera des 32 actuels à 58, en 2025, tandis que la part du nucléaire dans la production énergétique augmentera de 16 à 25%. Les experts justifient la nécessité de construire de nouvelles centrales par le manque énergétique dont souffre l’industrie et par la volonté d’augmenter les exportations d’énergie.
L’accident au Japon a provoqué un nouveau débat
entre écologistes et partisans du nucléaire. « Nous sommes
pour l’abandon des nouveaux projets de construction et pour la
fermeture progressive des centrales en activité », a déclaré
le directeur du département antinucléaire de Greenpeace Russie,
Vladimir Tchouprov. « Notre position est très simple :
aujourd’hui, chaque centrale est un risque a priori, une menace, à
l’instar de ce qui se passe au Japon ».
Un
ingénieur-atomiste de l’un des instituts qui avait développé le
réacteur RBMK-1000 de Tchernobyl, confirme qu’il n’existe pas de
réacteurs « totalement sûrs », mais il s’agit de
réduire progressivement les chances de catastrophes industrielles.
Le président de Rosatom, Serguei Kirienko, a qualifié ce qui s’est
produit à Fukushima de « concours de circonstances
extraordinaire » . C’est exactement ce qui s’est passé à
Tchernobyl, remarque l’ingénieur-atomiste. Selon lui, l’accident
japonais a mis à nu le principal problème de sûreté de l’énergie
atomique, « le refroidissement des réacteurs en régime
d’avarie, quand le système de refroidissement, qui demande
énormément de puissance, est privé de courant ».
L’ancien
ministre de l’énergie nucléaire, Evgueni Adamov, reconnaît que
la répétition du scénario de Fukushima en Russie est possible même
sans tsunami. Actuellement, en Russie, onze réacteurs du type de
Tchernobyl sont en activité, même si depuis 1986, on n’en produit
plus. En 2010, 45 violations dans le fonctionnement ont été
enregistrées, sur l’échelle internationale des incidents
nucléaires, dont trois de niveau 1.
Les centrales russes
construites aujourd’hui sont adaptées pour supporter des séismes
violents et la perte d’alimentation énergétique pendant 72h,
explique
Lokchine.
En guise d’exemple, il cite la centrale en construction de
Kundakulam, en Inde, sur la côte maritime. Cette
zone a été frappée par le tsunami après le tremblement de terre
de Sumatra, en 2004, et la population locale s’est réfugiée dans
la centrale pour échapper à la vague. « Certes, les réacteurs
doivent pouvoir supporter la chute d’un avion, mais ce n’est pas
le problème. Personne ne parle du fait que les générateurs des
centrales sont prévus pour fonctionner 40, 50 ans au plus, tandis
qu’il faut engager des dépenses énormes pour la construction de
nouveaux réacteurs et la mise hors service des anciens » ,
conclut l’ingénieur-atomiste. Danilov-Danilian, lui, est convaincu
qu’il faut « liquider ce qui existe, ne plus construire et se
tourner vers les sources d’énergie renouvelable ».
Néanmoins, un sondage effectué par la radio Écho de Moscou révèle
que même après la catastrophe au Japon, 53% des Russes sont
favorables au développement de l’énergie atomique. Vladimir
Tchouprov regrette qu’il n’y ait pas, en Russie, de véritable
débat : « Les médias sont saturés des positions de
Rosatom, tandis qu’on ne donne la parole aux écologistes que pour
lui donner de la légitimité ».
Les atomistes russes
doutent d’un retour du « syndrome Tchernobyl » dans le
monde, qui aurait pour conséquence la réduction des programmes de
construction de nouvelles centrales, et donc de commandes russes à
l’étranger.
Les principaux clients pour les centrales russes,
l’Inde et la Corée du Nord, ne sont pas prêts à changer
radicalement leurs projets. La Turquie, où l'appel d'offres pour la
construction de la première centrale a été remporté par Rosatom,
reste optimiste, elle aussi, quant à l’atome pacifique.
« L’accident au Japon aura indéniablement des conséquences
sur le développement du nucléaire. Tout projet sera scruté de très
près encore sur les questions de sécurité », estime le
porte-parole de Rosatom Serguei Novikov.
Ce surcroît de mesures
de sécurité des centrales pourrait bien avoir pour conséquence une
augmentation non négligeable des coûts, estimée à 20 ou 30% du
coût initial des projets, note le président du groupe
Atompromressources, Andreï Tcherkasenko.
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