Votre argent et votre identité dans une seule carte

Crédits photo : DR

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Dès 2014, une carte à la fois d'identité et de paiement universelle promue par le Kremlin fera son apparition. Cette carte, qui suscite déjà des craintes, devra à terme équiper tous les citoyens russes

Imaginez un morceau de plastique grâce auquel vous pourriez prendre un rendez-vous chez le médecin, payer vos factures, louer une voiture ou acheter un billet d'avion, et même obtenir votre enregistrement à Moscou bien plus rapidement qu'à l’aide les publicités frauduleuses du métro. Le président Dmitri Medvedev a promis la semaine dernière que d'ici trois ans, tous les Russes disposeraient de ce précieux sésame.

 

Le gouvernement a jusqu'au mois de mai pour trouver les financements nécessaires à l'introduction de cette carte électronique universelle (CEU) dans le portefeuille de tous les citoyens. Le président a encouragé les banques, lors de la réunion de la commission pour la modernisation et le développement technologique de l'économie, à ne pas s’octroyer de bénéfices indus sur le compte des utilisateurs de cartes.

 

La CEU, qui sera en quelque sorte le couteau suisse des cartes plastifiées et pourra combiner entre autres la carte d'identité électronique, le permis de conduire, l'assurance auto et la carte de migration, devrait être disponible en 2014, selon la loi fédérale.

 

Le projet d'une durée de cinq ans qui doit se conclure avec la naissance de la nouvelle e-carte pourrait coûter entre 150 et 170 milliards de roubles (3,8 et 4,2 milliards d'euros), a indiqué aux journalistes la ministre du Développement économique Elvira Nabioullina, lors de la réunion de la commission pour la modernisation. L'émission de la carte à elle seule coûtera 40 milliards de roubles (un milliard d'euros), soit 265 roubles par carte (6,7 euros), d'après la ministre. Elle a en outre promis que tous les investissements seraient compensés par des économies, la nouvelle e-carte remplaçant la version russe de la carte de la sécurité sociale.

 

Les banques, quant à elles, sont sceptiques. German Gref, directeur général de la banque d'État Sberbank, l'une des trois banques qui aidera à financer la mise en place de la carte, a déclaré que jusqu'ici, les banques faisaient preuve de réticence pour financer le projet car il présentait « peu d'intérêt » commercialement parlant, rapporte Bloomberg.

 

La mise en circulation d'une telle carte présente un autre danger, la fraude à l’identité, qui touche régulièrement les pays ayant introduit ce type de systèmes d'identification électronique et s'appuient fortement sur des cardes identiques à la CEU.

 

« C'est particulièrement vrai dans les pays occidentaux », a fait savoir Timour Aïtov, directeur général de l'association des banques russes.

 

Dmitri Medvedev a avoué que le gouvernement n'avait pas trouvé de bonne solution pour la protection des informations des personnes et a admis que des informations personnelles circulaient régulièrement sur Internet. Mais « la protection de ces informations ne doit pas à elle seule constituer un obstacle à la décision d'émettre ces cartes », a-t-il ajouté.

 

D’après lui, « le fait que la puce utilisée par la carte soit étrangère ne favorise pas non plus le décollage du projet ». « [Nous] n'allons pas attendre la création de notre propre puce, ou bien cela ne se fera jamais », a-t-il poursuivi.

 

Alors que Dmitri Medvedev a promis que la nouvelle carte « améliorerait la vie de dizaines de millions de personnes », en limitant la paperasse et en permettant aux Russes de tout faire depuis le paiement de leur facture de gaz jusqu'à la prise de rendez-vous en ligne avec un médecin, les experts pensent que cette baguette magique pourrait facilement se transformer en arme, puisque son possesseur pourrait voir son identité détournée. En Russie, les fraudes incluant des cartes de crédit ou de débit en plastique touchent 1 à 1,5% de toutes les cartes, et toutes ne sont pas signalées. Le débat sur la vie privée devrait trouver un écho en Inde où une procédure d'introduction de cartes d'identité uniques a également débuté. Nandan Nilekani, entrepreneur dans les TI, qui dirige le projet, a assuré que les informations personnelles ne seraient pas accessibles à tous, alors que le gouvernement s'apprête à faire éditer 600 millions de cartes d'ici 2014.

 

Le président Medvedev a encouragé le gouvernement à réfléchir aux moyens de réguler les tarifs des transactions pour les services commerciaux et de l'État, qui sont contrôlés par les banques.

 

Il a également appelé à une discussion « franche et objective » sur la conception de la nouvelle e-carte, et proposé que les gens fassent des suggestions sur Internet. « J'espère que cela semblera plus équitable que le débat sur les mascottes pour nos Jeux olympiques (de Sotchi) », a-t-il souligné.


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