150 ans après le servage

Il y a 150 ans, la Russie mettait fin au servage. Le président Medvedev prend il modèle sur le Tsar libérateur Alexandre 2 ?

Le 19 février (ou le 3 mars selon le nouveau calendrier) 1861, la Russie abolissait le servage, qui contraignait les paysans à travailler pour un seigneur féodal sans avoir le droit de passer au service d'un autre ni d’acquérir une terre pour leur usage propre

 

On ne peut pas affirmer que les transformations survenues dans la question paysanne fussent contraintes et forcées. Certes, cela faisait déjà longtemps que le pays ne pouvait ni ne voulait vivre dans le passé. Cependant, la situation autorisait le Tsar de l'époque Alexandre II à vivre selon l'ancienne mode, comme son oncle et son père, les empereurs Alexandre Ier et Nicolas I. Il aurait pu créer un nombre sans précédent de commissions consacrées à la question paysanne, lire et écouter leur rapports avant de les ranger au fond d'un tiroir en attendant des jours meilleurs et tout en libérant les paysans à un rythme de tortue. La défaite de la guerre de Crimée de 1853-1856 entre l'Empire russe d'une part et la coalition des empires britannique, français, ottoman et du Royaume de Sardaigne d'autre part, fut certes humiliante, mais pas mortelle à première vue: le pays n'avait pas subi de pertes territoriales trop importantes. Pourtant, Alexandre et son entourage avaient bien pris conscience du danger que représentait pour la Russie leur retard et leur ancrage dans un ordre ancien, face à la modernité des autrse puissances. .

 

Alexandre et ses proches savaient qu’il serait plus que périlleux de reporter la survenue de réformes d’ampleur, à l’exemple de celles menées en son temps par Pierre le Grand, et sur le modèle des achèvements européens ou américains. . Et ils c agirent, bravant le mécontentement des propriétaires fonciers qui, naturellement, auraient préféré, dans leur immense majorité, conserver cette force de travail gratuite et l’intégrité de leur patrimoine.

 

On peut critiquer tant qu'on voudra Alexandre pour son manque de préparation et son empressement lors de la réforme paysanne. Ou, comme les historiens soviétiques, taxer cette dernière de « pillage » (les lots de terrains furent réduits de 20% en moyenne dans le pays). Mais Alexandre fut aussi celui qui refusa d’organiser l’émancipation des paysans à la manière balte (1818-1819), c’est-à-dire sans leur accorder de terres. . Ses proches, le Grand Prince Constantin Nikolaïevitch , et Nikolaï Milioutine insistèrent pour que les paysans deviennent propriétaires.

 

Quand on annonça le manifeste aux paysans, beaucoup considérèrent que les dirigeants leur cachaient leur véritable dessin, ils pensaient sincèrement que toute la terre devait leur revenir. Cependant, aucun soulèvement massif n'eut lieu, et le spectre des jacqueries à la « Pougatchev », que les réactionnaires et les conservateurs brandissaient pour effrayer le peuple n’eurent jamais lieu.

 

La réforme paysanne, soulignons-le, fut la première démarche qui rapprocha les institutions économiques et sociales de la Russie des pays les plus développés. Suite à la libération des paysans on assista à la réforme judiciaire de 1864, qui abouti à la rédaction d’ une constitution de niveau européen ,avec des jurés, et qui considérait les sujets du Tsar (certes avec quelques réserves) comme égaux face à la loi, sans faire de distinctions selon leurs titres ou leurs biens. Vint ensuite la réforme des assemblées provinciales (zemstvo) de 1870, qui créa une administration locale de qualité, et enfin la réforme militaire, qui annulait l'enrôlement obligatoire et honni et interdisait les punitions corporelles.

 

En 1877-1878, la Russie ne se contenta pas de libérer la Bulgarie de la domination turque. Un groupe de fonctionnaires et de généraux russes rédigea pour le pays frère une des constitutions les plus démocratiques de l'époque. Peut-être l'empereur et son entourage souhaitaient-ils ainsi montrer aux autres dignitaires que les slaves étaient capables de vivre dans une monarchie constitutionnelle.

 

Alexandre II peut à raison être qualifié de « Libérateur ». Cependant, à la différence de la Bulgarie, où une rue du « Tsar libérateur » a été conservée dans presque toutes les grandes villes, même pendant l'époque soviétique, son rôle historique est sous-estimé en Russie.

 

Malheureusement, Alexandre II n' pas mené à bien sa transformation sociale et politique: le 1er (13) mars 1881, il était tué par des Volontaires du peuple. Les précédents attentats dont il avait été victime ne l’avaient pas entraîné à se couper de la population. On dit que l'histoire ne connaît pas le conditionnel. Mais il est possible que sans la bombe d'Ignati Grinevitski, nous vivrions actuellement peut-être dans un autre pays.

 

Texte abrégé

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