Crédits photo : RG
C’est toujours le même débat qui agite les conférences russes consacrées aux technologies Internet : les sites globaux détrôneront-ils leurs homologues russes ? et si oui, quand ? Les experts sont unanimes sur un point : la situation en Russie est unique en son genre.
Sur fond d’expansion mondiale de Google et de Facebook, le renforcement des positions de compagnies russes telles que le moteur de recherche Yandex ou les réseaux sociaux Odnoklassniki et Vkontakte a été donné le ton de l’Internet russe ces deux dernières années.
Selon la compagnie LiveInternet, non seulement Yandex a conservé sa position en matière de recherche, mais il l’a en outre renforcée de 5,2%, à 64,1%. Pendant ce temps, Google reculait en Russie, passant de 21,5% à 1,9%. Les indicateurs financiers de Yandex sont très positifs. Le chiffre d’affaire de la compagnie est passé de 290 millions de dollars en 2009 à 416 millions en 2010. Et les rumeurs vont bon train selon lesquelles Yandex s’apprêterait à faire son entrée en bourse. Quel est la recette d’un tel succès ?
Yandex a grandi côte à côte avec Runet, l’Internet russophone. Il est devenu la page de démarrage de bien des internautes leur porte d’accès vers la « toile mondiale ». Le fait que la part des recherches en anglais ne soit pas très importante en Russie a aussi joué son rôle. Il faut compter encore avec deux spécificités nationales. Si vous comparez les sites de compagnies russes et américaines appartenant à la même branche, vous remarquerez que les sites occidentaux apparaissent beaucoup plus ascétiques. Les compagnies russes privilégient le design et la beauté du site, parfois au péril de sa fonctionnalité. Google est beaucoup plus sobre que Yandex. Deuxième particularité : Yandex ouvre les pages demandées dans de nouvelles fenêtres, alors que Google utilise la même, ce qui ralentit la recherche. Ce ne sont que des détails, mais ils ont leur importance.
Au cours des 9 premiers mois de 2010, Facebook a réalisé une percée colossale en Russie. Certains tendent à l’expliquer par le succès du film « The Social Network » (« Le réseau social »), que l’on peut considérer comme une publicité de deux heures pour Facebook. Vkontakte compte bien plus d’utilisateurs que Facebook (100 millions contre 5 millions), mais les habitués de ce dernier sont beaucoup plus actifs : le trafic sur facebook n’est inférieur que de 3,5 fois à celui sur Vkontakte. Enfin, les usagers russes de Facebook, plus branchés, sont mieux considérés par les annonceurs.
En mars 2010, on pouvait encore croire que Facebook n’aurait aucune chance de rattraper Vkontakte à moyen terme. Mais les réseaux sociaux russes ont commis des erreurs et Facebook a effectué une percée. Les usagers russes ont se sont vite habitués à ce Facebook jusqu’alors inconnu. Les pages de Fan locales se sont multipliées à un rythme dont n’auraient même pas rêvé leurs homologues internationaux. Par exemple, la page russe de Social Media Club (communauté de spécialistes en communication Internet) est rapidement devenue la plus importante en terme d’usagers parmi toutes les pages mondiales de cette organisation non commerciale.
Outre la mainmise des compagnies Internet russes sur le marché local, nous observons un processus complémentaire : l’expansion russe. Les investisseurs de Russie deviennent plus actifs, et leurs parts dans les projets Internet globaux sont supérieures à celles qu’ils détiennent dans Runet (l’Internet russophone).
L’expansion russe s’observe non seulement en terme de contenu, mais aussi dans les questions liées aux investissements. La compagnie Digital Sky Technologies (DST), appartenant aux businessmen Iouri Milner, GrigoriFinger et AlicherOusmanov a consolidé ses actifs Internet dans le pays et elle achète désormais à tour de bras des projets qu’elle trouve intéressants dans le monde entier. Ainsi, par exemple, le système prometteur d’offre de réductions o proposé par le groupe Gruppon, ou le concepteur de jeux en ligne Zynga. Et, bien sûr, les businessmen accordent une attention particulière à Facebook. Actuellement leur part dans ce réseau social, rapportée en nombre d’usagers (DST contrôle environ 10% de Facebook, où sont enregistrés 500 millions d’usagers), est dix fois supérieur au nombre d’usagers russes de Facebook.
Rien que dans le portefeuille de la compagnie figurent plus de 20 grands projets russes et internationaux, et à en juger par leur ambition, rien ne saurait arrêter nos trois chevaliers. Etant donné qu’en Russie seul Yandex échappe au contrôle de DST parmi les projets phare, cette compagnie d’investissement ne peut se développer que par le biais de contrats globaux. Certains ont baptisé DST le « Gazprom Internet », en allusion au rôle de la compagnie gazière dans l’économie russe et à ses plans d’expansion à l’international.
Les investisseurs russes manifestent également de l’intérêt pour la plate-forme de microblogsTwitter, qui connaît actuellement une croissance vigoureuse. Un état de fait largement lié à la participation personnelle du président de la RussieDmitriMedvedev, devenu le plus célèbre usager russe de Tweeter. Dans l’entourage de Medvedev, il se dit que Twitter aide le président à contrôler de façon autonome l’opinion publique sur Internet, en lisant les messages que lui écrivent les internautes. Le président ne fait pas que lire : il répond. En décembre 2010, la célèbre bloggeuseInnaSmbatian a écrit sur Twitterqu’elle avait rêvé qu’elle dînait avec DmitriMedvedev. Le président lui a répondu avec humour qu’il n’avait pas dîné, car il avait planché jusque tard dans la soirée sur son message à l’Assemblée fédérale.
Les enterprises russes sur Internet
La corporation Rosnano et la RussianVentureCompany, chargée de moderniser l’économie russe, utilisent activement Facebook et Twitter dans leur collaboration avec les scientifiques, les startups et les experts. Leurs groupes dans les réseaux sociaux sont devenus des plates-formes de discussion, et devraient se convertir en une sorte de bourse aux projets d’investissement, un lieu où investisseurs et auteurs d’idées se rencontrent.
La operateur fédéral (FSK) gère leur réseau électrique national russe. En mai, dans le cadre du Forum économique de Saint-Pétersbourg, FSK mène une table ronde consacrée aux réseaux intelligents de nouvelle génération. Les idées et propositions faites en vue de cette table ronde ont été rassemblées par les managers de FSK à l’aide notamment de Twitter. Une tentative d’obtenir un regard neuf sur des processus technologiques complexes à l’aide d’un « groupe focalisé virtuel ».
Le système de navigation russe GLONASS s’apprête à utiliser les réseaux sociaux en tant que canal d’information permettant d’atteindre les automobilistes russes. GLONASS cherche actuellement à briser certains mythes et à corriger son image aux yeux des usagers russes. La relation directe que permettent les blogs et réseaux sociaux s’avère à ces fins l’instrument rêvé.
Denis Terekhov, associé gérant de Social Networks Agency
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