Ligne rouge : Égypte, cyber-sécurité et Pervez Musharraf

Des manifestants en faveur de la démocratie brandissent des drapeaux égyptiens lors d'une scène de liesse place Talaat Harb au Caire, le 18 février 2011. Source : Reuters

Des manifestants en faveur de la démocratie brandissent des drapeaux égyptiens lors d'une scène de liesse place Talaat Harb au Caire, le 18 février 2011. Source : Reuters

Chaque semaine, la Voix de la Russie accueille Ligne rouge, une discussion sur les événements de la semaine vus de Moscou. Cette semaine, l'Égypte, les risques de cyber-guerre et l'ex-président Pakistanais sont au centre de l'attention

Participants : Ekaterina Koudachkina, Sergueï Strokan, Mira Salganik, Alon Ben-Meir, Nikolas Gvosdev, Javed Jabbar

Ekaterina Koudachkina : Cette semaine nous commençons par les événements tumultueux du Moyen-Orient. L'éviction du président Hosni Moubarak en Égypte a provoqué un effet domino à travers toute la région. Puis nous nous pencherons sur la menace des cyber-attaques, avant de rejoindre le thème des dictateurs évincés avec l'ex-président pakistanais Pervez Musharraf, actuellement en exil à Londres et recherché par les autorités pakistanaises.



Tout d'abord, tentons d'aller au-delà des gros titres et concentrons-nous sur le Moyen-Orient. Une semaine jour pour jour après le départ du dirigeant égyptien Hosni Moubarak, la quasi-totalité du monde arabe a été parcourue par des soulèvements populaires réclamant des libertés politiques et une meilleure qualité de vie. Les soulèvements ont fait vaciller les régimes en Algérie, en Jordanie, au Yémen et à Bahreïn. L'Iran est également le théâtre de protestations de rue jamais vues depuis le lendemain de l'élection présidentielle de juin 2009.

 

Sergueï Strokan : La question principale est de savoir où tout cela va mener le Moyen Orient et si la démocratie va réellement triompher. On est face à l'exemple-type de situation révolutionnaire décrite par Lénine : la base rejette la vieille vie, et le sommet ne sait pas comment contrôler la base. Mais bien sûr nous sommes au XXIe siècle, et Internet ainsi que d'autres facteurs jouent leur propre rôle.



Le dernier coup de fil reçu par Moubarak quelques heures avant sa démission était celui du président Barack Obama. L'appel de la Maison Blanche a constitué un moment crucial ; Moubarak avait déclaré dans un discours qu'il resterait au pouvoir, malgré les attentes.



L'histoire est racontée de la façon suivante : lors de ce coup de fil, que ses proches ont décrit comme « l’une des conversations les plus difficiles qu'Obama ait eue avec un chef d'État », le président américain a clairement indiqué à Moubarak qu’ « il fallait un changement de direction en Égypte », et que ce changement devait survenir dans les jours à venir.

Ironie du sort, les appels à une « transition démocratique en Égypte » ne provenaient pas uniquement de la Maison Blanche. Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a affirmé que la révolution égyptienne était inspirée de la révolution islamique iranienne de 1979.

Sergueï Strokan : Je pense que le rôle récent de la Maison Blanche dans les événements égyptiens révèle la confusion croissante de la politique américaine à l'égard du Moyen Orient. Le carnaval de révolutions en cours a pris l'équipe d'Obama de cours, et l'administration s'est trouvée à la croisée des chemins, en cherchant désespérément à atteindre deux objectifs contradictoires.



À mes yeux, c'est une tentative de concilier deux approches, deux visions du présent et de l'avenir du Moyen Orient. Selon la première approche, la ligne de fracture dans la région passe entre les « modérés » et les « radicaux ».

La seconde approche estime au contraire que la priorité doit être la chute des dictateurs et le triomphe des aspirations démocratiques régionales, qui laisseront émerger un nouveau Moyen-Orient.

 

Ekaterina Koudachkina : Les partisans de cette théorie semblent croire qu'après avoir nettoyé la scène politique, la démocratie constituera en elle-même le gage d'une évolution laïque et modérée.

 

Mira Salganik : C'était l'idée que plaçait l'administration de George W. Bush derrière le concept de Moyen Orient. Ce dont nous sommes les témoins est une remise au goût du jour de cette idée, avec une technique plus douce.

 

Ekaterina Koudachkina : Mais en essayant d'opérer un mariage heureux entre la « démocratie » et la « modération » au Moyen-Orient, les USA pourrait subir un revers majeur, en constatant qu'il n'y existe ni démocratie, ni loyauté.

 

Sergueï Strokan : Il reste de nombreuses questions concernant la sincérité de l'agenda démocratique de la nouvelle direction militaire de l'Égypte. Le leader égyptien par intérim, le maréchal de l'armée de terre Mohammed Hussein Tantawi (76 ans), est décrit dans les câbles diplomatiques américains qui ont publiés comme profondément résistant au changement, intolérant en matière de liberté intellectuelle et singulièrement obsédé par la stabilité du régime. Cela pourrait constituer un problème sérieux.

 

Ekaterina Koudachkina : En fait, certains observateurs soulignent que l'armée égyptienne a promis un changement démocratique dès 1952, et que nous voyons le résultat soixante ans plus tard.

Mira Salganik : Les militaires des pays du Tiers monde sont régulièrement entrés en scène lors de transitions démocratiques , de l'Indonésie aux Philippines en passant par le Pakistan. Mais l'histoire montre qu'armée et démocratie font toujours mauvais ménage.

Ekaterina Koudachkina : Écoutons notre expert, Dr. Alon Ben-Meir, professeur de relations internationales et d'études moyen-orientales à la New School et à l'Université de New York.


Comment évoluent les relations entre l'Égypte et les États-Unis ?

Alon Ben-Meir : Je pense qu'il faut revenir à la révolution égyptienne de 1952, avec Gamal Abdel Nasser. A l'époque, les relations entre l'Égypte et les États-Unis ne sont pas très bonnes car Nasser gravite dans l'orbite russe. Cela reste le cas jusqu'à la fin des années 1970, quand Nasser meurt et qu'Anwar Al Sadat prend sa relève. Cela a constitué un tournant historique. Depuis lors, les relations américano-égyptiennes se sont beaucoup réchauffées, particulièrement après 1979, quand l'Égypte a signé le traité de paix avec Israël.

 

Pendant le soulèvement égyptien, l'administration Obama a souhaité que Moubarak reste en place au moins jusqu'à la fin de son mandat en septembre. Mais en fin de compte, la société s'est totalement engagée en faveur de l'éviction de Moubarak. Tout ceci représente un problème majeur pour les États-Unis au Moyen-Orient, car les pays arabes (pour la plupart dirigés par des régimes autoritaires) voient qu'ils peuvent compter sur un soutien américain jusqu'à ce que la société explose, et qu'alors les États-Unis déplaceront leur soutien du gouvernement au peuple. Désormais, l'administration Obama doit déterminer quelle sorte de stratégie elle souhaite poursuivre afin d'atteindre deux grands objectifs : paix et stabilité d'un côté, réforme de l'autre. Théoriquement, la stabilité et la paix vont main dans la main avec les réformes, mais ce n'est pas une situation naturelle pour le monde arabe, étant donné les caractéristiques de ses régimes.

 

Ekaterina Koudachkina : Tout cela a commencé quand les manifestants ont soulevé des problèmes purement sociaux et politiques. Il est compréhensible que le président Obama choisisse de soutenir le mouvement démocratique. A Bahreïn, nous percevons les premiers signes indiquant qu'il s'agit d'une bataille sectaire, ce qui est totalement différent. Quelle position va adopter l'administration ?

 

Alon Ben-Meir : Il existe une ligne de fracture sur le sujet, car encourager l'adoption de réformes démocratiques et politiques c'est très bien, mais quand vous le faites dans un pays comme l'Égypte, aucune réforme démocratique et politique ne peut être menée si elle n'est pas simultanément soutenue par des réformes économiques et sociales. Aujourd'hui en Égypte, ils sont parvenus à déboulonner Moubarak, mais les manifestations continuent. Ce qu'ils veulent désormais ce sont des salaires plus élevés, du travail, la sécurité sociale et un enseignement de meilleure qualité. Quand les États-Unis soutiennent des réformes sans prendre garde au fait qu'elles doivent être accompagnées d'un coup de pouce en matière de développement économique, ces réformes politiques, même si elles ont lieu, finissent par se retourner contre eux. Il ne peut pas y avoir de liberté quand on a faim. Plus de 50 millions de personnes en Égypte vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Leur donner des réformes politiques et de la liberté ne remplit pas leurs assiettes, ça ne fabrique pas d’emplois ni ne distribue de biens élémentaires dont ils ont besoin, comme des vêtements, un meilleur enseignement ou de meilleurs soins. Alors affirmer qu'on peut encourager les réformes politiques sans développement économique durable est tout simplement voué à l'échec.

 

Concernant le Bahreïn, les gens manifestent pour la liberté, ils veulent être libres. Mais la majorité de la population fait partie de la communauté chiite, et une discrimination contre cette communauté existe depuis des décennies. Le roi, l'appareil du gouvernement et la plupart des militaires sont sunnites, même s'ils sont minoritaires. Alors on ne peut pas comparer les deux situation.

 

Chaque pays arabe a sa problématique spécifique. Ce qu'ils ont en commun, ce sont des régimes autoritaires. Mais aucune solution qui marche pour un pays n'est complètement applicable à un autre. Les USA ont une tendance à généraliser, en déclarant que le monde arabe est une unité, mais ça ne va pas marcher. Nous devons être très attentifs quand nous cherchons à réagir à ce qui se passe à Bahreïn, au Yémen, en Égypte et dans d'autres endroits. Les gens ne veulent plus rendre l'ouest responsable de leurs problèmes, de leurs griefs, et de leur désespoir. Ils pointent du doigt leur propre gouvernement et c'est une différence profonde qui doit être prise en compte.

 

Cette vague d'instabilité va balayer la région, un pays après l'autre et parfois plusieurs pays en même temps. Mais il n'y a pas de remède universel applicable à tous les pays. Nous devons appréhender chacun d'eux séparément et s'en occuper de façon individuelle. Par exemple, prenons le cas de l'Égypte et du Bahreïn : la première est beaucoup plus pauvre que ne sera jamais le second. Il y faut donc beaucoup plus mettre l'accent sur le développement économique durable.

Ekaterina Koudachkina : Nous passons désormais à notre seconde partie, Entre les lignes, et nous allons nous pencher sur les guerres qui font rage Internet.

Un groupe de pirates informatiques auto-baptisé les Anonymes a décidé de soutenir les soulèvements politiques en Tunisie et en Égypte. A ces fins, ils ont temporairement mis hors service 10 sites du gouvernement tunisien et quatre du gouvernement égyptien. Ils ont motivé leur action par une volonté de vengeance suite à la censure d'Internet dans ces deux pays.

 

Mira Salganik : On dirait vraiment qu'on entre dans une ère de guerres Internet.

 

Ekaterina Koudachkina : Demandons à notre expert, le professeur d'études sur la sécurité nationale du Naval War College américain Nikolas Gvosdev. Entrons-nous dans une nouvelle ère : l'ère des cyber-menaces ?

 

Nikolas Gvosdev : Nous entrons effectivement dans une nouvelle ère où, avant tout, le contrôle sur l'information n'est plus entre les mains des gouvernements. Il leur est très difficile de prévenir les fuites d'information qui ensuite feront le tour du monde, qu'il s'agisse d'images envoyées sur des réseaux sociaux ou d'importants volumes de documents gouvernementaux qui peuvent être facilement capturés sur une clé USB et diffusés. Un autre domaine d'importance en termes de cyber-sécurité, ce sont les systèmes informatiques accessibles depuis Internet, en tant que maillons du réseau global. Plus nous confions à nos ordinateurs des fonctions routinières dans notre société, plus ces systèmes risquent d'être attaqués et perturbés. Alors nous avons deux sujets sur lesquels travailler : la diffusion incontrôlable d'information qui peut menacer les gouvernements et les régimes, et la croissance des réseaux dans l'informatisation de la vie de tous les jours, ce qui rend plus facile de faire dérailler la vie quotidienne d'un pays.

 

Ekaterina Koudachkina : Est-il exact que cette année lors de la conférence de Munich sur la sécurité, la question de la cyber-sécurité a fait son apparition pour la première fois dans l'agenda ?

Nikolas Gvosdev : Oui, mais c’est une reconnaissance tardive, après des années de préoccupation concernant les questions de cyber-sécurité. Comme l'a prouvé WikiLeaks, il est possible de se saisir d'énormes volumes de documents. Le traitement d'un tel volume de documents sur format papier aurait pris des semaines dans le bon vieux temps. Désormais, on peut les copier dans une clé USB et les diffuser.

 

Ekaterina Koudachkina : Nous entrons dans une ère de guerres d'un genre nouveau, lors desquelles un ennemi potentiel pourra être neutralisé sans victimes, c'est ça ?

 

Nikolas Gvosdev : Oui, c'est ce que nous recherchons, la possibilité d'infliger des dégâts à un pays. Cela dépend du degré d'informatisation du pays en question. Plus il est technologiquement primitif, moins ces choses-là sont efficaces. Plus un pays dépend de son réseau informatique pour assurer ses affaires quotidiennes, plus il est vulnérable. A l'avenir, les cyber-armes seront déployées en parallèle aux armements traditionnels, et nous auront une conjonction de campagnes traditionnelles et de cyber-campagnes pour perturber l'organisation de l'ennemi et contrôler ses réseaux.

 

Ekaterina Koudachkina : Existe-t-il des moyens efficaces de se défendre face à de telles armes ?

 

Nikolas Gvosdev : On peut investir d’avantage dans la sécurisation des réseaux, en améliorant les firewalls, et en mettant en place des politiques qui limitent la capacité d'accès des gens à Internet, dans des buts ludiques ou sociaux. Les hackers inventent constamment de nouvelles méthodes et les systèmes de protection tentent constamment de les courser. La question est de savoir si un gouvernement donné veut investir les montants nécessaires pour se protéger des cyber-attaques. Certains gouvernement investiront dans de nouveaux logiciels, tandis que d'autres peuvent choisir de faire travailler des hackers pour le gouvernement afin de contrer les trouvailles d'autres hackers. Les États-Unis sont désormais dotés d'un cyber-commandement et d'une nouvelle branche spécialisée au sein de la structure militaire chargée de ce domaine, et je crois que c'est ce que les planificateurs vont rechercher à l'avenir.

 

Ekaterina Koudachkina : Venons-en enfin à notre section l'Homme et l'Information. Qui aurait cru que la personne qui serait soudainement propulsée dans les gros titres cette semaine serait le général Pervez Musharraf, ancien président du Pakistan en exil à Londres ?

 

Musharraf s'est retrouvé au centre d'une nouvelle controverse après qu'un tribunal pakistanais a émis un mandat d'arrêt contre lui, en alléguant le rôle de l'ex-président dans l'assassinat de Benazir Bhutto en 2007. Toutefois, le Pakistan ne possède pas d'accord d'extradition avec le Royaume Uni.

 

Sergueï Strokan : Moi je me demande pourquoi on s'est soudain mis, à Islamabad, à creuser dans les affaires de Musharraf trois ans après sa démission. Je ne comprends par leurs raisons : après avoir quitté le pouvoir en août 2008, il a déménagé en Grande-Bretagne et faisait profil bas, une sorte d'auto-exil. Les cycles de conférences semblent sa seule occupation. Je pense qu'il doit y avoir un agenda secret derrière ces accusations.

 

Mira Salganik : Je pense que l'affaire Musharraf verse de l'eau au moulin de la réflexion universelle concernant ce qui arrive aux dictateurs déchus : y a-t-il une vie après la mort politique ?

 

Ekaterina Koudachkina : Je pense qu'il n'y a pas vraiment de base de pouvoir pour que le nouveau parti de Musharraf dispute les élections au Pakistan, mais cependant aucun des grands acteurs politiques du pays n'a envie de voir Musharraf revenir au pays. Est-ce la raison de ce mandat d'arrêt et de ces accusations de complicité dans le meurtre de Bhutto ? Était-il vraiment impliqué dans cet assassinat ?

Mira Salganik : De nombreux observateurs de la vie politique du Pakistan pensent que le retour de Benazir Bhutto au Pakistan était dans une large mesure négocié par une Maison Blanche déçue par la prestation de Musharraf. Il n'y a aucun doute que Musharraf ait accepté son retour et sa participation aux élections de 2008. Je ne vois pas pourquoi il aurait été impliqué dans cet assassinat : il n'avait rien à gagner !

 

Ekaterina Koudachkina : Mais il n'est pas vraiment accusé. Certains signes supplémentaires indiquent qu'il serait de mèche avec les terroristes islamiques. AP a rapporté d'Islamabad : « Les affirmations sensationnelles selon lesquelles Musharraf serait lié aux extrémistes accusés de l'attaque étaient susceptibles de le maintenir loin du Pakistan, au moins sur le court terme ».


A mon avis c'est la seule explication pour le mandat d'arrêt et le reste.

 

Sergei Strokan : Bien que l'arrestation de Musharraf à l'étranger soit assez peu probable, le ministre pakistanais de l'Information a déclaré que le gouvernement contacterait Interpol afin d'obtenir l'interpellation de Musharraf si la cour le réclame.

 

Mira Salganik : Je voudrais revenir au sujet central. Musharraf a toujours démenti tout rôle dans la mort de Bhutto et raillé les critiques affirmant qu'il n'en aurait pas fait assez pour la protéger. Les talibans pakistanais nient eux aussi avoir tué Bhutto. Musharraf pourrait être accusé de négligence concernant les dispositions sur la sécurité de Benazir, même si que je vois mal pourquoi le président du Pakistan devrait s'en charger personnellement.

Je me demande si ces accusations ne sont pas une tentative du gouvernement pakistanais – qui fait face à de multiples problèmes – de détourner l'attention de l'opinion sur cette sorte de chasse à l'homme. Surtout quand on sait que Musharraf est détesté et que le pourchasser est présenté comme une action conforme à la loi, qu'il violait constamment….

 

Ekaterina Koudachkina : Je suggère de le demander à notre expert. Aujourd'hui nous avons avec nous Javed Jabbar, ancien sénateur et ministre de l'Information et des Médias sous Musharraf.


Quelles sont les causes d'une telle décision des autorités pakistanaises ?

 

Javed Jabbar : Quand on parle des autorités pakistanaises, il faut faire la différence entre différentes couches et structures. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une décision calculée depuis le sommet. Cette décision a été rendue par un organe d'enquête du ministère de l'Intérieur et il est arrivé au cours des derniers mois que les décisions prises par cette agence n'aient pas été soutenues par les institutions supérieures.

Le général Musharraf est responsable, tout d'abord, de n'avoir pas assuré une sécurité suffisante à la défunte ancienne première ministre Benazir Bhutto. Deuxièmement, ils pensent que le nettoyage de la scène du crime, où l'explosion et la fusillade ont eu lieu, a été ordonné par Mushurraf. Troisièmement, il a ordonné à des officiers de tenir une conférence de presse 24 heures après la mort de Bhutto, lors de laquelle on a imputé cette mort à un accident, plutôt qu'à un meurtre. Donc, sur la base de ces trois assertions, les enquêteurs estiment qu'il devrait aussi être inculpé.

 

Ekaterina Koudachkina : Est-ce un thème très médiatisé au Pakistan actuellement ? Est-il très suivi par l'opinion publique ?

Javed Jabbar : Cette décision de l'organe d'instruction de le convoquer a effectivement fait les gros titres dans les medias en ligne, et elle constitue un thème populaire. Mais il existe bien d'autres choses dans le pays qui retiennent l'attention de l'opinion. Il y a par exemple l'affaire de l'avocat Raymond Davis, accusé d'avoir tué deux Pakistanais. C'est l'affaire la plus suivie dans le pays, ainsi que d'autres thèmes liés au procès politique.

 

Ekaterina Koudachkina : Est-il exact que la carrière politique de Musharraf va s'achever, selon qu'il se présente ou non aux audiences, ou qu'il est acquitté ? Pour autant que je sache, il n'a pas exclu de se présenter aux prochaines élections présidentielles.

 

Javed Jabbar : Je ne souhaite pas me perdre en conjectures concernant la fin possible de sa carrière. Il va continuer à peser sur la politique du pays depuis l'étranger. Il n'y a pas de perspective de retour au Pakistan dans un futur immédiat car la situation ne lui laisse pas de marge de manœuvre. Il pourrait être interpellé ou placé en détention. Donc je ne pense pas qu'il puisse revenir maintenant. Le parti qu'il a mis en place pourrait continuer à agir en son nom. Mais sa présence physique au Pakistan dans un futur proche ne me semble pas envisageable.

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