Opinion : déboucher la capitale

Crédits photo : RG

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Le nouveau maire de Moscou revoit de fond en comble la stratégie de développement des transports urbains

L'adoption du programme de développement des transports à Moscou et dans sa région constitue un heureux événement. L'Etat a démontré qu'il reconnaissait le caractère critique de la situation sur les routes et les chemins de fer, et comptait troquer sa stratégie de réponse au coup par coup à une prise de décisions stratégiques. Mieux vaut tard que jamais. La concentration de postes de travail attrayants dans la région moscovite a fait qu'à la différence de ce que l’on voit dans l'ensemble de la Russie, la population de la région a augmenté. Légèrement certes, mais tout de même. Les flux de passagers à l'intérieur de la ville sont inchangés, mais ils ont augmenté de 25% entre la capitale et la région, passant de 375.000 à 465.000 passagers par heure aux heures de pointe.


Au cours des dix dernières années, le nombre de voitures privées a quant à lui vertigineusement augmenté. Entre 2000 et 2009, leur nombre à Moscou a été multiplié par 1,5, passant de 189 à 284 pour 1.000 habitants, et il a doublé dans la région de Moscou (de 144 à 290). Cette hausse n’a été que faiblement accompagnée par la construction de routes et d'infrastructures. Les autorités municipales et régionales n’ont pas non plus pris en compte la nécessité de créer des voies spéciales pour les véhicules de transport en commun.

Moscou et sa région figurent parmi les zones les plus riches de Russie, et pourraient certainement se permettre de construire des routes et d'acheter des autobus, tramways et autres trolleybus. Pourtant, selon l'institut des statistiques Rosstat, le nombre d'autobus pour 100.000 habitants n’ augmenté que de façon insignifiante à Moscou entre 2000 et 2009, passant de 62 à 68, et il est resté stable dans la région (67 et 68 respectivement). Selon ces critères, Moscou et sa région partagent les 12 et 13-èmes rangs de Russie. Le nombre de trains de banlieue n'a pas du tout augmenté au cours de ces dernières années, reculant même sur certaines lignes. Une partie du parc des transports en commun a été remplacée, mais cela n’a pas sensiblement augmenté le confort de ses usagers. On a le sentiment que les autorités municipales et régionales ont préféré laisser les administrés régler eux-mêmes le problème de leur transport sur leur lieu de travail.


L’été dernier, la situation est devenue telle que le caractère urgent du problème a fini par sauter aux yeux : la route reliant l’aéroport de Cheremetievo à la capitale a fini par être complètement bloquée et les trains de banlieue ont été à tel point surchargés que les gens se sont retrouvés à risquer leur vie en grimpant sur le toit des wagons, comme au temps de la Guerre civile. Autre élément qui a fini par attirer l’attention du sommet de l’Etat : le bras de fer entre le maire de Moscou Iouri Loujkov et le chef de la région moscovite Boris Gromov.


Les mesures prévues par le programme mis au point sont : la modernisation du parc et du réseau, l'intégration des transports interrégionaux et urbains, le lancement du trafic-voyageurs promis de longue date sur la ligne de chemin de fer périphérique. Des mesures qui semblent raisonnables. Le recours à l'expérience des principales villes du monde (créations de nœuds de transbordement, lancement de tramways rapides) indique que les autorités fédérales et régionales ont renoncé à la tradition consistant à inventer le fil à couper le beurre. Il est désormais important d'examiner le programme avec des experts indépendants et de le perfectionner en tenant compte de leurs propositions.


Les problèmes de transport de la région de Moscou ne sont qu'une facette de ceux que connaît la Russie, et auxquels font face, pour se rendre à l'université ou au travail, des millions de personnes. Dans les régions voisines de Moscou, comme celles de Vladimir et de Riazan, on comptait 15 et 16 autobus seulement pour 100.000 habitants en 2009, 12 dans la région d'Ivanovo et 9 seulement dans celle de Tambov ! Il est affligeant de constater que tandis que le parc automobile a été multiplié par 1,5 au cours des années 2000, le nombre d'autobus était divisé par 1,7, passant de 109.000 à 65.000, et celui des trolleybus reculait de 10%, de 12.200 à 11.000.

Bien sûr, cela s'explique en partie par le fait que des véhicules plus spacieux et modernes font leur apparition dans le parc des transports en commun. Mais en Estonie, en Lettonie, et en Lituanie, le parc de transports en commun n'a pas connu un tel recul (30, 20 et 17% respectivement), et a même augmenté dans d’autres pays, comme la Slovaquie et l'Espagne. Ajoutons qu'entre 2006 et 2009, le trafic de passagers sur les lignes de banlieue a reculé de 20%. On peut en conclureque l'Etat fait en réalité obstacle à la mobilité professionnelle et sociale qu'il prétend appeler de ses vœux. Le programme de transport moscovite pourrait stimuler la révision de la stratégie fédérale dans ce domaine, en faveur du développement des transports en commun.

  

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