Les misères d’un orgue français décryptées par une musicologue russe

Crédits photo : Archives personnelles

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L'incroyable histoire d’un orgue français racontée par une musicologue russe, passionnée et virtuose

Marina Tchebourkina, organiste à la Chapelle royale de Versailles depuis 15 ans, interprète virtuose et rare connaisseuse de l'art français de l'orgue, peut parler durant des heures de ces instruments spectaculaires, majestueux et mystérieux, capables de remplacer un orchestre au complet.

Le livre de Marina Tchebourkina, L'Orgue de la Chapelle royale de Versailles, trois siècles d'histoire, publié chez Natives, a été présenté à Paris et à Moscou. Cette histoire de l'orgue se lit comme un captivant roman. L'instrument a été construit à la fin du règne de Louis XIV, en 1709-1710.

Marina Tchebourkina est diplômée du conservatoire national Tchaïkovski à Moscou, où elle a soutenu sa thèse de doctorat sur la musique d'orgue d'Olivier Messiaen. Elle a commencé à jouer de l'orgue à la chapelle royale de Versailles à l'invitation d'une autorité inégalée de la musique ancienne française, Michel Chapuis. Investigatrice scrupuleuse, Marina acquis alors qu’elle était allée enregistrer des œuvres de Louis Claude Daquin, François Couperin, et d’autres musiciens de l’époque du roi Soleil, le sentiment que l'histoire de ce gigantesque instrument sur laquelle se sont appuyés en 1995 les derniers restaurateurs de l’orgue de Versailles, n’était pas exacte.

L'analyse méticuleuse des documents de l'époque de la construction de l'orgue, leur analyse musicologique, mathématique, logique et historique a permis à l'organiste de tirer des conclusions contraires aux principes généralement admis. Elle a réussi à montrer dans ses recherches que l'orgue de la cinquième (et actuelle) chapelle royale de Versailles était un instrument bien plus compliqué et perfectionné à l'époque de Louis XIV que ne le disent les publications de notre époque. « J'aime l'ancien, j'aime converser avec les ombres du passé et pénétrer leurs secrets. Mais pour y arriver, il faut disposer de la base de connaissances vaste et profonde que j'ai acquise au conservatoire de Moscou. Les musicologues français ne pouvaient pas découvrir le secret de l'orgue de Versailles. Il m'a fallu étudier beaucoup de choses, travailler avec les notes originales des auteurs pour ressentir intuitivement que la chaîne logique dans l'histoire officielle que l'on rapporte de cet instrument était brisée », explique Marina Tchebourkina.

Et elle sait de quoi elle parle. Spécialiste de la musique française des XVIIème et XVIIIème siècles, Marina a créé et dirigé à la chapelle royale du château de Versailles des cycles de visites-concerts consacrés aux organistes du roi et à leurs contemporains. En 2005, en reconnaissance de son travail d’interprète et de musicologue, elle a reçu le grade de chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres. Depuis 2006, elle est membre de la Commission nationale des monuments historiques, dans la section des orgues. Elle apprécie beaucoup cette mission qui l’honore et qu’elle juge très enrichissante.

Actuellement, Marina Tchebourkina travaille en étroite collaboration avec le conservatoire de Moscou où elle anime des cours de master sur le style et les techniques de jeu sur les orgues historiques qui n'existent pas en Russie, pour des raisons culturelles, historiques et religieuses. L'intérêt des étudiants grandit au fil des ans.

C'est avec regret que la musicologue russe raconte qu'il n'existe pas de salle de concert équipée d'orgue en France, même si dès le XVIIIème siècle, les conditions étaient réunies pour en voir apparaître. Lorsque les organistes Daquin et Balbastre, contemporains de Louis XV, ont joué pour Noël sur un orgue installé dans la Salle des Suisses au Palais des Tuileries, à l’occasion des Concerts spirituels, cela a soulevé un enthousiasme et une frénésie du public qui auraient été, sans doute inappropriés entre les murs d'une église.


Le site web de Marina Thcebourkina :


www.marina-tchebourkina.com

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