Crédits photo : Itar-TASS
Alors que la dernière représentante de la famille Romanov, née avant 1917, la grande duchesse Léonida Romanov est décédée en mai dernier, les russes sont toujours en quête de réponses au sujet de cette famille et de son impact sur la société.
Le comédien John Cleese de la troupe Monty Python, qui a
incarné le rôle d’un dirigeant révolutionnaire dans le film « La vie de
Brian », se dit ému de recevoir un si grand nombre de réponses positives à
sa question rhétorique: « Les Romanov, qu’est-ce qu’ils ont fait pour
nous ? ».
Les historiens russes sont cependant beaucoup moins enthousiastes au sujet de la dynastie.
Après le décès de la Grande-duchesse Leonida Gueorguievna,
la dernière représentante de la maison Romanov à
être née avant la Révolution
de 1917, les historiens russes ont fait un examen de conscience en se demandant :
« Qu'est-ce que la famille des Romanov a fait pour nous ? ». Depuis le décès de la-dite Leonida Guerorguievna, les
historiens russes ont en effet procédé à un examen de conscience sur ce sujet.
« L'idée que seul le chef d'Etat peut résoudre vos problèmes personnels est fortement enracinée dans notre culture » |
La dynastie célébrait sa puissance européenne après la défaite de Napoléon en 1815. Et pourtant, à peine un siècle plus tard, après des tentatives de réformes économiques, politiques et militaires ratées, le dernier tsar russe Nicolas II, laisse derrière lui un pays majoritairement féodal, en grand retard économique par rapport aux autres empires d’Europe.
Si la fin ne fut pas glorieuse, les
débuts de la dynastie étaient beaucoup plus prometteurs.
La lignée Romanov commence avec Anastasia Romanovna, la première épouse d'Ivan le Terrible, dont la mort en 1560 l’aurait poussé au bord de la folie.
La famille arrive finalement au
pouvoir un demi-siècle plus tard, lorsque les
nobles élisent Mikhail Romanov, âgé de 16 ans, à la suite de la
période d'anarchie, connue sous le nom du
« Temps des Troubles ».
« Ils voulaient choisir quelqu'un de jeune,
silencieux et fiable», raconte le romancier historique Vladimir Sharov. Les boyards pensaient pouvoir le manipuler facilement,
et il finit par régner en tandem avec son père, plus
disposé à détenir le pouvoir.
Le plus éminent de la famille Romanov, ce fut Pierre le Grand. Outre la construction de Saint-Pétersbourg, il chassa aussi les Turcs de la région de la mer d’Azov, ordonna de construire une flotte et fit introduire en Russie un mélange rigide de capitalisme d'Etat et de libre-échange.
Les Romanov ont effectué beaucoup
de transformations dans leur pays, et une grande partie de ces réformes ont été
faites dans l’intérêt de la Russie.
En étant plus « européens »
que les autres dynasties tsaristes de la Russie, les Romanov ont essayé
d'imposer pendant trois siècles un système de modernisation assez impopulaire
et violent.
Un excellent exemple de cette
approche nous est donné dans les propos échangés entre le tsar
ultraconservateur Nicolas I et le chef de la police secrète, le comte Alexandre
Benckendorf, au lendemain de la Révolution française de 1830.
« La Russie est protégée contre
la calamité de la révolution, parce que depuis Pierre le Grand, les monarques
ont toujours été en avance sur la nation », dit Benkendorf à Nicolas I.
« Le secret pour garder le pouvoir, c’est avant tout
de ne pas éclairer le peuple », dit Benkendorf. « Ainsi les gens
simples ne pourront pas atteindre le même niveau de compréhension que leurs
monarques ».
C’est sous le contrôle de Nicolas Ier, ou Nikolai Palkine
(« le bâton ») comme il fut surnommé populairement,
qu’une militarisation brutale de la société a
été initiée. Le Tsar a ordonné d’enrôler de force et à vie de malheureux paysans qui étaient par la suite souvent
battus à mort pour des délits mineurs.
Mais Nicolas fut aussi le vrai « Européen » de la Russie,
selon Alexandre Pouchkine, dont la vénération pour le monarque vient de sa
femme, Natalia Gontcharova, qui avait prétendument une aventure avec Nicolas I.
Ce caractère
« européen » des Romanov se confirme aussi par de fréquents mariages
avec les représentants des familles royales occidentales,
ce qui signifie que les Romanov, après Catherine la
Grande n’eurent que peu de « sang russe ».
Ce schisme avec la population a sans doute commencé avec Pierre le Grand, qui a
scandalisé les boyards avec son programme de modernisation et sa célèbre
interdiction du port de la barbe.
« La Russie est protégée contre la calamité de la révolution, parce que depuis Pierre le Grand, les monarques ont toujours été en avance sur la nation » |
« La société était considérée comme un objet passif qui se manie facilement, mais en aucune circonstance comme un partenaire avec lequel on peut négocier », écrit l’historien russe Semyon Ekshkut. « Le gouvernement percevait le dialogue comme un danger non seulement pour son fonctionnement, mais aussi comme une menace pour toute la société ».
Le tsar n’évoquait qu’un
nombre limité de sujets. D’ailleurs, cette pratique se poursuit aujourd’hui,
notamment lors des fameux directs télévisés,
organisés par Vladimir Poutine, l’ex-président de Russie et le premier ministre
actuel.
« Nous ne pouvons pas dire s'il
y avait une rupture totale entre le monarque
et la société», affirme l’écrivain Sharov. « Il y avait certes le culte du
monarque, mais on peut aussi blâmer son entourage pour les choses qui se sont
passées ».
«L'idée que seul le chef d'Etat peut résoudre vos problèmes personnels est fortement enracinée dans notre culture», considère Dmitry Babich, un commentateur politique de RIA Novosti.
Cette proximité s’est avérée fatale pour le tsar réformateur, Alexandre II, qui a aboli le servage en 1861. En 1866, il survit à la première tentative d’assassinat à Saint-Pétersbourg, dans le Jardin d'été. Et quelques années plus tard, il succombe, victime d’un attentat, organisé par des mécontents, dans une rue de la ville en 1881.
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