C’est quand Noël, en vrai ?

Crédits photo: RIA-Novosti

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« C’est un sapin de Noël ou un sapin de Nouvel An ? » , me demande ma fille Velvet, cinq ans, pendant que je m’emmêle dans une guirlande électrique.

« Les deux », répond mon mari russe, contorsionné par terre pour fixer l’arbre.

« Nastia dit que le père Noël n’est pas le père Noël. Le vrai c’est Ded Moroz, et il vient pour le Nouvel An », nous informe Velvet, en citant son infaillible meilleure amie.

Ma réponse jaillit entre les dents : « Dis à Nastia que dans notre très chanceuse famille, le père Noël vient le 24 décembre, et après, son cousin Ded Moroz vient la veille du Jour de l’An ».

« Nastia dit que Noël, c’est le 7 janvier », insiste Velvet.

« C’est vrai aussi », glisse mon mari.

« Pourquoi ? », demande Velvet, et ils m’ont regardée tous les deux, dans l’expectative.

Dans notre famille russo-américaine, Noël n’est pas un sprint, mais un marathon. Depuis la naissance de Velvet, mon mari et moi avons travaillé dur pour fusionner les traditions divergentes de la Russie et de l’Occident. Résultat : une galère d’un mois, du 15 décembre jusqu’à « l’ancien nouvel an » du 13 janvier.

Le Nouvel An s’est substitué à Noël. Les habitudes furent proscrites : les bolchéviks ont maintenu en 1916 l’interdiction du Synode des sapins, introduits par Pierre le Grand au XVIIe siècle. Staline a déclaré que Ded Moroz était un allié du pope et du koulak et l’a banni.

Mais chassez le père Noël et il revient au galop. En 1935, Pavel Postychev, l’architecte de la collectivisation stalinienne, peut-être inquiet de ce qu’il laissait en héritage, a publié une lettre dans la Pravda en demandant que des « sapins de Nouvel An » soient élevés dans les Palais des pionniers et que Ded Moroz et sa petite-fille Snegourotchka soient autorisés à retourner auprès des enfants soviétiques. Ce qui fut fait en 1937. Noël et les autres fêtes orthodoxes ont été restaurés en 1992, mais le réveillon a gardé son statut de célébration principale.

Les Russes ont recyclé des traditions païennes et chrétiennes pour modeler les coutumes du Nouvel An. Dans la Russie ancienne, quand la première étoile apparaissait dans le ciel, rappelant celle de Bethleem, les familles se rassemblaient pour rompre un jeûne de 40 jours lors d’une « Sainte Cène » de douze plats, parmi lesquels la koutya. Porridge de grains sucré au miel et aux fruits secs, ce plat symbolisait la vie et l’espérance. Aujourd’hui, on le trouve encore sur les tables russes, parmi les zakouski. Pendant la période soviétique, des fruits exotiques rares faisaient leur apparition à cette période...

Après le repas, les fidèles de la vielle Russie s’en retournaient à l’église pour une veillée nocturne. Aujourd’hui, les Russes se réunissent à table, devant la télé, pour saluer non le Rédempteur de l’Humanité, mais le Président Dmitri Medvedev, qui lèvera sa flûte de champagne pour souhaiter à tous santé et bonheur dans l’année à venir. Alors les feux d’artifice détonneront dans toute la Russie, et les cloches sonneront, tandis que les Russes se feront trois bises : « Nouvelle année, nouveau bonheur, nouvelle chance ! »



Pourquoi un Noël le 7 janvier ?

Le décalage entre les calendriers des Églises orthodoxe et catholique existe depuis la réforme du calendrier Julien par le pape Grégoire XII en 1582. Tout le monde a adopté le « calendrier grégorien », qui introduisait les années bissextiles, en calculant précisément la longueur d’une année : 365,2425 jours au lieu de 365,25, une différence de 11 minutes. En fait, 11 minutes, ça ne change pas grand-chose. Mais pensez-y : en trois siècles, pendant que les orthodoxes s’accrochaient à leur calendrier datant de Jules César, un écart temporel est apparu. Quand, en 1918, Lénine a déclaré que la Russie devait rejoindre le reste du monde, il y avait 13 jours de différence, le plus long décalage horaire de l’histoire. Aujourd’hui, l’Église orientale se dit prête à changer de calendrier... en 2100.




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