Crédits photo : ITAR-TASS
Samedi dernier, un avion de ligne Tupolev 154M de la compagnie » Lignes aériennes du Daghestan « a effectué un atterrissage d'urgence à l'aéroport moscovite de Domodedovo avant de se briser. Deux passagers sont morts, plus de 50, dont de hauts fonctionnaires et des députés daghestanais, ont été hospitalisés. Les circonstances de l'accident sont actuellement examinées par une commission technique et les enquêteurs. Pourtant, les collègues des pilotes de l'avion affirment d'ores et déjà que l'appareil a décollé avec les pompes électriques de distribution de carburant éteintes. Cette erreur de débutant commise par les pilotes daghestanais est toutefois fréquente dans ce genre d'avion ; elle pourrait, selon leurs collègues, s'expliquer par l'" usure morale « de cet équipage expérimenté.
Le vol 372 de la compagnie » Lignes aériennes du Daghestan « a décollé pour Makhatchkala de l'aéroport moscovite de Vnoukovo samedi vers 14 heures. A son bord se trouvaient 163 passagers, dont six enfants et neuf membres d'équipage sous le commandement du pilote daghestanais au long cours Zakarja Zakarjaïev. Une vingtaine de minutes après le décollage - alors que l'appareil prenait de la hauteur - l'équipage est entré en contact avec les contrôleurs aériens de l'aéroport. Selon le chef de Rosaviastia, Alexandre Neradko, les pilotes ont annoncé que l'avion se trouvait à environ 9.000 mètres d'altitude et que les réacteurs avaient un problème.Deux minutes plus tard, ils ont ajouté que les deux réacteurs latéraux (le premier et le troisième des appareils Tupolev) étaient en panne. Après avoir examiné la situation avec le contrôleur, le comandant Zakarjaïev a pris la décision d’atterrir en urgence sur l'aéroport le plus proche, Domodedovo, qui se trouvait à environ 80 km. En chemin vers Domodedovo, le pilote a annoncé la panne du dernier réacteur, le réacteur central (N°2).
La conception de l'avion, selon les spécialistes, permettait amplement d'atteindre le point désiré en régime « planeur », mais la situation était compliquée par le fait que la panne du dernier réacteur avait provoqué l'arrêt de son générateur, qui alimentait le système de navigation du Tu-154.
" Juste après le décollage je me suis endormi, raconte Zaïtoune Dadachev, 33 ans, qui était assis en queue de l'appareil. J'ai été réveillé par le tremblement de la carcasse de l'appareil. Ensuite, j'ai remarqué qu'on sortait le train d'atterrissage. Rapidement, j'ai aperçu la terre dans le hublot. Je n'ai noté aucune panique à ce moment-là. L'avion volait, incliné sur la gauche, et j'ai même pensé: il va toucher le sol avec son aile. Puis l'avion s'est redressé, et j'ai eu la même impression que s'il était tombé sur du béton de cinq mètres de haut. Quand nous avons touché la piste, je me suis recroquevillé, comme on recommande dans ce genre de cas, et quelques instants plus tard j'ai compris que le train avant était rompu. Après quoi, bien sûr, la panique a commencé, c'était la bousculade. J'ai essayé d'ouvrir l'issue de secours, mais j'ai mis un moment avant d'y arriver. Quand on a finalement réussi à casser la porte, c'est le toboggan gonflable qui n’a pas voulu pas se déployer. Tout le monde a dû sauter ".
Selon la porte-parole de l'aéroport de Domodedovo, Elena Galanova, lors des minutes pendant lesquelles le Tupolev approchait de l'aérodrome, on a libéré la piste N°2 et assuré un espace aérien supplémentaire. L'avion a été accueilli par des médecins, des pompiers et des sauveteurs. Des mesures qui n’ont pas été inutiles. " Le Tu-154 s'est posé dans des conditions météo très difficiles, a par la suite raconté le chef de Rosaviatsia Alexandre Neradko. La partie inférieure des nuages était à 180 mètres du sol, l'équipage ne voyait pas les feux de la bande d'atterrissage. Quand l'avion est sorti des nuages, il restait très peu de temps pour les manœuvres. Les contrôleurs aidaient constamment les pilotes à déterminer leur position dans l'espace, mais l'appareil n'est malgré cela pas parvenu à viser la piste d'atterrissage. Il s'est posé sur la bande de sécurité latérale, a traversé la piste d'atterrissage, a glissé sur la bande de sécurité gauche, et a poursuivi son trajet sur cette dernière ".
A une centaine de mètres de la palissade de béton, qui borde l'aéroport au nord, l'avion est entré dans une petite butte de terre. Selon les témoins, le choc a rompu le train avant, et le nez de l'avion s'est brisé en même temps que la cabine des pilotes et le premier rang passagers. La rupture de l'appareil a en réalité sauvé de la mort un grand nombre de voyageurs: quand l’avion a perdu son nez, la partie principale du fuselage (dans lequel sont installés les passagers) s'est enfoncée dans la terre avant de s'arrêter à environ 15 m des plaques de béton limitant le périmètre. Par miracle, les 19,5 tonnes de carburant du Tu-154M ne se sont pas enflammées, le kérosène s'est partiellement déversé sur le sol, mais sans prendre feu. Après que les gens eurent ouvert les issues principales et de secours, aucun des toboggans d'évacuation n'a fonctionné. Pour quitter l'avion, les passagers ont dû sauter d'abord sur l'aile, puis ensuite sur le sol. De nombreux voyageurs ont été sérieusement blessés par les débris de fuselage lors de l'évacuation. Pourtant, la panique a été limitée, les hommes ont extrait les blessés à l'extérieur dans leur siège, un des voyageurs ayant même photographié l'évacuation sur son téléphone portable.
Il y a malgré tout eu des victimes. Le frère du président du Daghestan, Gadjimourad Magomedov, 49 ans, qui était assis au premier rang, près de la cabine des pilotes, est mort sur les lieux du crash. Cette information n’a été donnée que vers onze heures du soir (trois heurs auparavant, le président du Daghestan Magomedsalam Magomedov déclarait encore que son frère « avait été blessé et était à l'hôpital »). On a appris par la suite que Roza Gadjieva, 81 ans, la mère de Gadji Gadjiev, membre de la Cour constitutionnelle russe, avait succombé juste après l'atterrissage d'urgence d'une crise cardiaque, selon les données préliminaires. Les deux corps ont été acheminés par avion vers l'aéroport de Makhatchkala, Ouïtach. M. Magomedov a été enterré dans le village familial du président, Levachi.
54 passagers de l'avion ont été hospitalisés. Toutes les personnes qui se trouvaient dans la cabine de pilotage ont dû être prises en charge. Le commandant Zakarjaïev, selon son épouse, a eu le temps de téléphoner chez lui à l'aide d'un téléphone portable emprunté (il avait perdu le sien). D'après les médecins, il a une plaie contuse à la tête, ainsi qu'une fracture des côtes et du poignet. L'ingénieur de bord Vladimir Chtchetinine s'est vu diagnostiquer des déchirures, des fractures et des contusions au crâne. Le pilote Marat Kimpaïev est dans l'état le plus grave: il a une blessure à la tête et une contusion de la cage thoracique. Plusieurs personnalités politiques haut placées de la république caucasienne rentraient au Daghestan à bord de ce vol, et tous occupaient la partie avant de la zone business.
Des poursuites en vertu de l'article 263 du Code pénal russe (violation des règles de sécurité et d'exploitation des transports) ont été engagées. Une saisie de documentation technique a été effectuée au siège de la compagnie Lignes aériennes du Daghestan. La direction de la compagnie aérienne a refusé de commenter les causes possibles de l'accident, en attendant les conclusions officielles de la commission technique du Comité interétatique de l'aviation (MAK). Le PDG de la compagnie Lignes aériennes du Daghestan, Mirza Omariev, s'est contenté de communiquer que le Tu-154M était entré en service en 1992, avait subi une révision complète il y a un an et était soumis à des contrôles techniques quotidiens. Selon lui, le commandant Zakarjaïev, 60 ans, avait volé sur le Tu-154 environ 10.000 heures, son expérience totale s'élevant à plus de 17.000 heures.
Le service de presse de l'aéroport de Vnoukovo a pour sa part démenti les suppositions selon lesquelles le crash pourrait être lié à un carburant de mauvaise qualité. Selon le service de presse, des échantillons de kérosène prélevés dans le réservoir ayant ravitaillé le Tu 154 ont déjà été analysés en urgence : le carburant est en complète conformité avec les normes d'Etat russes.
Les experts du MAK ont quant à eux prélevé parmi les débris de l'appareil les boîtes noires paramétriques et d'urgence, ces dernières ayant livré leurs premiers résultats. On est d'ores et déjà parvenus à déterminer qu'après être monté à 6.500 m, des dysfonctionnements dans la distribution du carburant aux trois réacteurs ont été enregistrées. A environ 9.000 mètres d'altitude, selon le MAK, le premier et le troisième réacteurs se sont arrêtés, après quoi l'équipage a entamé la descente. Pendant ce temps, le fonctionnement du second réacteur « était rétabli et s'est maintenu jusqu'à l'atterrissage de l'appareil à 14h36". Les experts ont fait remarquer qu'un panorama général de la situation ne serait possible qu'après l'étude de l'enregistreur de vol, contenant les conversations entre les membres d'équipage. Cet appareil n'a pas encore été découvert.
En attendant, pour les collègues des pilotes daghestanais, qui volent dans des appareils du même type, la cause de l'accident est claire. Selon l'un d'eux, le tableau brossé par les experts du MAK correspond intégralement avec la description d'un décollage et d'une prise d'altitude en oubliant de connecter les pompes électriques centrifuges de distribution du carburant aux réacteurs.
Selon le pilote, si les pompes électriques de distribution sont débranchées, la tension est de toute façon assurée par les pompes centrifuges à distance, qui jouent le rôle de mécanisme de servitude. Grâce à ces dernières, le Tupolev peut décoller et même prendre de la hauteur, mais au-dessus de 5.000 mètres d'altitude, la puissance de ces pompes est insuffisante, ce dont témoigne un voyant lumineux clignotant, puis l'allumage d'une lampe d'urgence veillant sur la tension dans le réseau de distribution. A mesure que l'avion s'élève, les réacteurs se désactivent ; le réacteur central numéro 2, qui fonctionne dans les conditions les plus favorables, s'éteint en dernier. Selon le pilote, il aurait suffi à l'équipage de porter attention aux quatre lampes vertes et d'enclencher les pompes. Malheureusement, les pilotes étaient occupés à manœuvrer l'appareil pour assurer un atterrissage d'urgence le plus sûr possible.
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