Le rock protestataire russe a retrouvé son visage (+Vidéo)

Crédits photo : RG

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Ce qui frappe chez « Youra », comme l’appellent affectueusement ses fans, c’est sa simplicité. Le bonhomme est proche et familier, comme ses chansons. Dans une salle de concert, parmi 3 000 personnes, on est comme dans sa cuisine, entre nous. Et ses airs, on les a toujours eus dans la tête. Même ses nouveaux morceaux, on ne les découvre pas, on les reconnaît. Ce qui frappe chez Chevtchouk, c’est qu’il est totalement dépourvu de snobisme. 


Le groupe de rock DDT, dont 
Chevtchouk est le leader et le chanteur depuis les années 1980 est encore aujourd’hui symbolique de la perestroïka et de la jeune Russie postsoviétique. La chanson « Rodina » [Mère-patrie] est l’hymne de plusieurs générations « Nées en URSS » (album et chanson éponymes, 1994), un serment à cette patrie « traitée de monstre, mais qu’on aime quand même ». Depuis le début des années 2000, Chevtchouk fréquente les meetings interdits de l’opposition, et chante à tue-tête sa colère, un sourire en coin. En mai dernier, le célèbre rocker a provoqué un coup d’éclat. Lors d’un dîner de charité il s’est enquis auprès du Premier ministre Vladimir Poutine, de l’heure où les mécontents auront le droit de manifester sans se prendre des coups. Poutine a rétorqué d’un « pardon, et vous êtes qui ? » méprisant. La cote de popularité de Chevtchouk a immédiatement explosé.


En fait, comme souvent en Russie avec les écrivains et les artistes, l’homme compte plus que son œuvre. Le musicien Chevtchouk ne fait pas l’unanimité, il y a des compositeurs plus originaux, des poètes plus tranchants. Mais on respecte le personnage, sa position citoyenne affirmée. Cet été, il s’est fait traîner dans la boue par des jeunes militants pro-Kremlin, dont la calomnie publique est le hobby. Puis il est venu, la guitare en bandoulière, protester contre la destruction de la forêt de Khimki, une zone écologiquement vitale pour Moscou. « Je ne suis pas un fan de son groupe, je ne suis pas écolo, mais je suis venu pour soutenir Chevtchouk » , expliquait Arsène lors de la manifestation. Le rocker, lui, assume son côté donneur de leçons. « Si tu as quelque chose à enseigner, tant mieux ! Nous, les musiciens, sommes des citoyens de notre pays, préoccupés par sa destinée, nous avons un avis, et nous le partageons » , répond-il lors d’une conférence de presse.

Son dernier concert à Moscou, Chevtchouk l’a donné un 10 novembre, qui est aussi la journée nationale de la police. En ouverture, le musicien a décerné des prix aux cinq policiers les plus véreux (qui se sont distingués dans des affaires de violence ou de corruption) et aux cinq policiers les plus courageux, qui ont perdu la vie sur le terrain. Selon un correspondant de Kommersant , dans le public endiablé et hilare, il y avait beaucoup de policiers venus célébrer leur fête.

Ce qui frappe chez ce rebelle grisonnant qui chante les mêmes chansons depuis vingt ans, c’est sa capacité à rassembler des deux côtés des barricades : ceux qui reçoivent les coups de matraque... et ceux qui les distribuent !

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