Sandro Khatiachvili. Crédits photo : Simple
Expert en vins français et espagnols, Sandro Khatiachvili observe avec une certaine réserve la percée des vins de qualité sur le marché russe : « Je ne vois malheureusement pas d’évolution positive sur les cinq dernières années. Les Russes boivent presque la même gamme de vin qu’il y a dix ans, et je n’ai pas observé l’émergence de connaisseurs du vin. Suivant les moyens dont ils disposent, les consommateurs éclairés vont reconnaître disons 30 à 40 appellations dans leur gamme de prix et ne vont pas voir plus loin. En ce qui concerne les champagnes, la compréhension des appellations est minimale ».
L’expert regrette que le facteur essentiel qui guide le choix du consommateur russe reste le prix, et non pas la connaissance du produit. Or, le rapport qualité-prix n’est pas toujours favorable au label français, dont les vins de table et vins de pays sont parfois deux fois plus chers que leurs concurrents chiliens à qualité équivalente.
Khatiachvili reconnaît que le vin français est très cher en Russie et relève que « des facteurs autres que le marché viennent s’ajouter, mais ce sont les mêmes pour tous les vins importés » . Les fortes taxes, les certifications, les changements incessants de la réglementation « impliquent un travail humain très important. Une vingtaine de personnes sont employées dans notre compagnie rien que pour la paperasse » , ce que le consommateur finit par payer.
La demande pour le vin français reste faible. « C’est une niche étroite, c’est pourquoi nous ne pouvons pas vraiment baisser les prix » , regrette Khatiachvili.
En outre, le vin français se trouve en concurrence avec de solides rivaux. « Les vins italiens sont plus populaires. C’est dû au fait que les Italiens se montrent beaucoup plus agressifs sur le plan commercial. Ils font énormément d’efforts pour populariser l’image de leur pays. Un exemple : Moscou compte des tas de restaurants italiens alors qu’il ne reste plus un seul restaurant 100% français » . La passivité des Français est montrée du doigt.
« À notre niveau, nous faisons beaucoup d’efforts pour faire connaître le vin français. Nous remplissons le rôle des autorités françaises, et cela ne suffit pas » , estime Khatiachvili. Il y a bien le syndicat des Grands Crus bordelais qui organise un festival annuel à Moscou. « Bonne idée, mais c’est trop peu » . Autre erreur française, l’opération Beaujolais nouveau qui, selon notre expert, « discrédite globalement la production française, car c’est un mauvais vin. Les crus Beaujolais ne se vendent pas du tout à cause de ça ».
Il ne faudrait pas non plus négliger la concurrence des vins russes. « Nos consommateurs sont très patriotiques, et le vin du Kouban fonctionne sur la forte nostalgie qu’il évoque » en dépit de sa modeste qualité. Le message est clair : ici, il faut d’abord s’imposer par l’image avant de triompher sur le goût.
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