L’axe Paris-Berlin-Moscou relancé (+Vidéo)

Le sommet de Deauville, en octobre dernier, a confirmé la renaissance de l’axeParis-Berlin-Moscou. Crédits photo : Russianlook

Le sommet de Deauville, en octobre dernier, a confirmé la renaissance de l’axeParis-Berlin-Moscou. Crédits photo : Russianlook

L’Europe a brusquement changé d’attitude à l’égard de la Russie, sa politique faisant apparaître un nouvel axe Paris-Berlin-Moscou. De son côté, le président russe Dmitri Medvedev s’efforce sans relâche de convaincre les dirigeants européens qu’il fait tout pour améliorer le climat d’investissement en Russie. Pourtant, n’oublions pas qu’il y a trois ans à Munich, le président de l’époque Vladimir Poutine lançait un avertissement en forme d’ultimatum, appelant fermement les Européens à cesser de s’ingérer dans les affaires intérieures de la Russie, au risque de voir le Kremlin se tourner vers de nouveaux amis. Mais la crise économique a tout chamboulé. Avant qu’une tempête financière ne balaie le globe à l’automne 2008, les pays riches pouvaient se permettre d’avoir de grands idéaux.

Aujourd’hui, ces mêmes pays font face à des dettes et des déficits colossaux. Leur principal objectif ? Maintenir une économie en marche, et à cet égard, le marché russe offre de belles possibilités pour les entreprises en quête de plus-value.

L’Allemagne fait exception à la règle. L’ancien chancelier allemand Gerhard Shroeder a passé une grande partie de la dernière décennie à courtiser ouvertement la Russie. Ce qui, au passage, lui a permis de se reconvertir dans une fonction à la hauteur de ses ambitions : l’ex-chancelier est désormais à la tête du projet de gazoduc Nord Stream pour le compte du géant gazier russe Gazprom. Une aubaine pour son pays, puisque le gazoduc aboutit sur la côte allemande via la mer Baltique, conférant ainsi à Berlin le rôle de pivot en matière de politique énergétique européenne.

Dès 2005, la nouvelle chancelière Angela Merkel choisit de se démarquer de son prédécesseur, en effectuant sa première visite à l’étranger en Pologne. Un pied de nez remarqué à la Russie.

Les relations se sont pourtant récemment améliorées, la chancelière souhaitant appuyer les entreprises allemandes sur ce nouveau marché européen en pleine expansion. Une politique soutenue par l’élite allemande. « Selon un vieux dicton allemand, ‘la Russie n’est jamais aussi forte qu’elle n’y paraît. Mais elle n’est jamais aussi faible qu’elle n’y paraît’ » , écrivait l’ex-ministre de l’Économie Wolfgang Clément en octobre dernier dans The Moscow Times . « La relation Allemagne-UE-Russie se résume en quelques mots : nous dépendons les uns des autres ».



Atteindre les sommets

Mi-octobre, le président allemand Christian Wulff s’est rendu en visite d’État à Moscou, accueilli avec les honneurs militaires et les dîners de gala des grandes circonstances, illustration probante de l’intensification des liens entre les deux pays. « Près de 6 500 entreprises allemandes sont implantées en Russie et nombre d’entre elles ont l’intention de poursuivre leur développement » , a notamment déclaré le président allemand.

Guidé par un élan de modernisation qui nécessite des investissements et des transferts de technologies étrangers, le Kremlin a retourné le compliment à l’Allemagne : « Nous avons un important volume d’investissements allemands accumulés dans notre économie, près de 16,5 milliards d’euros. Au premier semestre 2010, nous avons enregistré une croissance d’environ 4,3 milliards d’euros » , a déclaré le Premier ministre Vladimir Poutine, lors de sa rencontre avec le président allemand. Le chiffre cité représente un peu plus d’un sixième du total des investissements en Russie.

La France a été plus lente à suivre. En matière d’investissements, la ministre des Finances Christine Lagarde tient fermement les rênes. Elle a par ailleurs effectué sa troisième visite de l’année à Moscou en octobre dernier. S’exprimant à la veille des réunions annuelles du Fonds monétaire international, et juste avant la présidence française des G8 et G20, Christine Lagarde a tenu à flatter les oreilles russes. « La politique monétaire dans le monde a changé. Elle n’est plus unilatérale ou bilatérale, elle est multilatérale. Et nous devons être multilatéraux, multidimensionnels » , a souligné la ministre, ajoutant que les investissements français en Russie venaient pour la première fois de dépasser ceux des États-Unis.

Si des doutes subsistaient encore quant à l’engagement de la France et de l’Allemagne en faveur d’un partenariat renforcé avec la Russie, le sommet tripartite de Deauville entre Sarkozy, Merkel et Medvedev les a balayés fin octobre.

Les dirigeants allemand et français ont promis de faire tout leur possible pour accélérer la mise en place d’un régime sans visas pour les voyageurs russes, dans les pays respectifs. De son côté, la Russie a vigoureusement fait pression pour obtenir l’abolition des visas, un point figurant parmi les priorités de la population russe en matière de politique étrangère.

Au cours des pourparlers à Deauville, une source élyséenne en a clairement résumé l’enjeu, en avouant que « la Russie souhaite assouplir les exigences en matière de visas, tandis que les pays de l’Union européenne aspirent à un meilleur accès au gaz et à l’économie russes » . Des propos confirmés par Angela Merkel qui appelle à la mise en place rapide d’un traité russo-européen servant de cadre à un projet d’abolition des visas entre l’UE et la Russie, à un moment où l’Allemagne et la France ont pris un virage très prononcé à droite en matière d’immigration.

Une vieille idée

Le sommet de Deauville le mois dernier a relancé l’idée, déjà ancienne, de l’axe Paris-Berlin-Moscou qui était loin jusqu’à présent de recueillir l’assentiment de Washington et de Londres. Lors du sommet Eltsine-Chirac-Schroeder à la fin des années 90, il avait été question d’une autoroute et d’une voie ferrée rapide Londres-Paris-Berlin-Varsovie-Moscou-Ekaterinbourg, l’inclusion de la capitale britannique reflétant le souci de ne pas froisser le pôle Londres-Washington.

La réponse des hyper-atlantistes se traduisit par une campagne de presse et de communication dénigrant l’axe Paris-Berlin-Moscou. Les temps ont en apparence changé puisque les trois dirigeants actuels, pourtant considérés comme plus atlantistes que leurs prédécesseurs, n’ont pas cherché à ménager les susceptibilités britanniques. Il est vrai qu’Anglais et Américains sont focalisés sur leur situation intérieure respective. Mais le projet de coopération militaire franco-britannique récemment annoncé montre que Londres n’est pas écartée.

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