Sauvez les dinosaures constructivistes ! (+Diaporama)

Samara photographiée depuis la Volga. Photo: Photoxpress

Samara photographiée depuis la Volga. Photo: Photoxpress

Les défenseurs du patrimoine parviendront-ils à convaincre le nouveau maire de protéger cette perle architecturale, en restaurant les maisons en bois une par une ?

Durant la plus grande partie du XXème siècle, Samara a été une ville fermée, abritant un programme de développement de missiles soviétiques, donc inaccessible aux étrangers qui étaient ainsi privés de ses charmes inattendus. Aujourd’hui, ce joyau architectural, un mélange d’art nouveau et de constructivisme, demeure un secret bien gardé.

Samara, qui portait à l’époque soviétique le nom du révolutionnaire Kouïbychev, est en danger car des années de développement ont érodé son excentrique beauté et son héritage architectural. À 500 km au sud-est de Moscou, cette ville est une des principales préoccupations des défenseurs du patrimoine qui cherchent à remplacer la frénésie post-soviétique de verre et d’acier par des plans d’urbanisme respectueux des paysages urbains historiques.

C’est un combat difficile dans un pays où l’argent parle souvent plus fort. Mais cette lutte galvanise un grand nombre de simples citoyens, surtout des jeunes gens, dont l’activisme civique est en train de s’organiser un peu partout dans le pays.

Crédits photo: Kevin O'Flynn



« L’intérêt d’une visite de Samara tient dans la découverte d’une grande ville européenne dont très peu de gens ont entendu parler en Occident », a écrit Marcus Binney, le président de l’Organisation non gouvernementale Save Europe’s Heritage, dans son rapport de l’an dernier.

Au milieu du XIXème siècle, Samara, un important centre d’échanges sur la Volga, avait été surnommée la Chicago russe. Les nouveaux riches invitaient dans cette grosse ville marchande les meilleurs architectes du pays pour ériger leurs magnifiques demeures art-nouveau, d’imposants bâtiments administratifs et des lieux de culte élancés.

L’un des édifices les plus célèbres est le manoir construit pour l’artiste et homme d’affaires Konstantin Golovkine, surplombant la Volga et gardé par deux statues géantes d’éléphant.

Les défenseurs des sites placent leurs espoirs pour Samara dans les résultats obtenus à Moscou


Après la Révolution, de nombreux bâtiments constructivistes ont été bâtis dans la ville, devenu un grand centre industriel, dont la Fabrika-Koukhnya ou usine-cuisine, une cantine en forme de faucille et de marteau.

C’est de là qu’est partie la révolte. Les promoteurs du coin ont décidé de raser le célèbre monument pour y construire un centre commercial.

En septembre, Vitaly Stadnikov, architecte et défenseur du patrimoine actif, a organisé autour des bâtiments en danger une promenade à vélo qui a rassemblé des centaines de militants. « La vitesse des destructions est un choc pour ceux qui connaissent la ville », s’indigne Statnikov.

Le mouvement de révolte était en gestation de longue date. Depuis la chute de l’URSS, des centaines de bâtiments historiques ont été démolis, ravagés par le feu, souvent incendiés dans l’intérêt des promoteurs.

Les incendiaires ne sont bien entendu jamais inquiétés par la justice. « Ces quinze dernières années, la construction a tellement explosé que la ville est en train de perdre son âme », s’inquiète Natalia Douchkina, professeur à l’École d’architecture de Moscou et petite fille de l’architecte Alexeï Chtchoussev, qui a conçu le mausolée de Lénine sur la Place rouge.

Mais les défenseurs du patrimoine espèrent convaincre les autorités et les hommes d’affaires locaux que le développement économique et la préservation architecturale sont parfaitement compatibles.

Stadnikov et l’agence Ostojenka ont produit un rapport pour montrer comment la ville peut faire un usage efficace de ses terrains si elle respecte les hauteurs historiques des bâtiments dans le centre.

« Nous démontrons qu’en suivant les logiques du capitalisme pré-révolutionnaire, quatre ou cinq étages peuvent produire la même densité que 15 ou 25 », explique l’architecte.
Les militants invoquent Tomsk où de nombreuses maisons en bois ont été restaurées.

Stadnikov, conjointement avec Save Europe’s Heritage et MAPS (société de défense de l’architecture de Moscou), à l’origine du rapport « Samara : une ville en danger sur la Volga », ont proposé de restaurer l’un des précieux bâtiments en bois de la ville, pour montrer comment la restauration peut faire revivre un quartier et enclencher un processus qui stimulerait le tourisme à l’occasion de la Coupe du monde.

Au début, le maire de Samara a bien accueilli le rapport de Stadnikov, mais il n’a rien fait pour mettre en œuvre les recommandations présentées. Un nouveau maire a été élu en octobre, et lui aussi a eu des paroles positives, mais aucune action concrète pour l’heure.

Les militants de Samara ont repris espoir suite aux événements récents dans la capitale : la construction d’une autoroute qui devait traverser la forêt de Khimki et en détruire une partie a été suspendue afin d’étudier plus en profondeur le dossier.

Suite au limogeage du maire de Moscou, Iouri Loujkov, un champion du développement débridé, de nombreux projets controversés ont été suspendus, dont un centre commercial géant sous la place Pouchkine et un grand musée à deux pas du Kremlin. Les autorités auraient-elles enfin réalisé l’urgence du problème ?

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