Les enfants d’Anna attendent la vérité, sans illusions

Quatre ans après, mystère sur le meurtre de la journaliste Anna Politkovskaïa.« Quand cela n’aura plus de conséquences pour personne, alors peut-êtresaurons-nous la vérité », dit la sa fille Véra (a.d.). Crédits photo : Kommersant

Quatre ans après, mystère sur le meurtre de la journaliste Anna Politkovskaïa.« Quand cela n’aura plus de conséquences pour personne, alors peut-êtresaurons-nous la vérité », dit la sa fille Véra (a.d.). Crédits photo : Kommersant

« L’appartement était en travaux ; on préparait la naissance de notre enfant. En attendant, j’habitais chez ma mère depuis une semaine. Ce n’est pas moi qui l’ai découverte ». Lorsqu’Anna Politkovskaïa est assassinée, le 7 octobre 2006, sa fille, Véra, est enceinte d’une petite fille. Celle-ci naîtra en mars, cinq mois après le meurtre de sa grand-mère ; elle s’appelle Anna. Sa grand-mère prévoyait de quitter son dangereux métier de reporter de guerre et de journaliste d’investigation, elle qui enquêtait sur la guerre en Tchétchénie ou encore sur les circonstances de l’attentat du Nord-Ost, tristement célèbre prise d’otages dans un théâtre moscovite par des terroristes tchétchènes. Elle voulait une vie plus tranquille, s’occuper de sa famille. Elle n’en a pas eu le temps.

C’est dans un appartement typiquement moscovite que nous reçoit Véra : celui qui était en travaux à l’époque du meurtre. Tapis tendus aux murs dans l’entrée de l’immeuble, ascenseur hors d’âge. En-haut, l’antichambre froide, puis l’entrée, bien chauffée. Véra Politkovskaïa, longue personne aux cheveux courts, la trentaine, ouvre la porte sur une cuisine claire. Elle est journaliste, comme ses deux parents. Elle voulait devenir musicienne et avait terminé ses études au conservatoire de Moscou, quand un stage à la radio l’a persuadée qu’elle avait hérité du gène journalistique.

Quatre ans après le meurtre de sa mère, Véra est encore sous le choc : « Nous savions tous qu’elle enquêtait sur des sujets dangereux. Ma mère parlait ouvertement du risque d’être assassinée. Elle m’avait montré où se trouvaient les documents importants dans la maison, ‘au cas où’, comme elle disait ».

Aujourd’hui, surmontant sa tristesse, Véra place ses espoirs dans la lutte pour la démocratie, sans illusions : « Je suis quelqu’un de réaliste ». Évoquant l’enquête toujours en cours, elle ne s’attend pas à connaître l’identité du responsable avant très longtemps : « quand cela n’aura plus de conséquences pour personne, alors peut-être saurons-nous la vérité ». Jusqu’à présent, trois hommes ont comparu pour le meurtre d’Anna Politkovskaïa. Ils ont tous été acquittés.

Ilya, le frère, la trentaine lui aussi, nous a donné rendez-vous sur son lieu de travail (il collabore avec une grande entreprise russe de relations publiques). « La politique ? Ce n’est pas dans mon caractère. Le journalisme ? Non, je ne veux pas passer ma vie dans l’ombre de mes parents ».

Ilya se montre plus optimiste sur les avancées de l’enquête. Il espère du nouveau au cours des mois à venir. « L’enquête avance du côté des exécutants, mais pas du commanditaire. Nous n’avons aucun élément pour dire qu’il s’agit de Ramzan Kadyrov. Il est certain que le gouvernement n’a pas participé à l’assassinat. Mais il crée une atmosphère d’autoritarisme telle qu’il n’est pas mal vu d’assassiner un journaliste ou un défenseur des droits de l’homme. C’est une question d’ambiance », conclut-il amèrement.

La Russie se classe au cinquième rang des pays présentant le plus de risques pour la sécurité d’un reporter, selon International Press Institute. Trente-cinq journalistes y ont été tués entre 2000 et 2009.

Les promesses des enquêteurs

Le directeur du comité d’enquêtes russe, Alexandre Bastrykin, a ordonné « de dresser rapidement une analyse de tous les cas criminels dans lesquels les victimes ont été des journalistes », selon son porte-parole, Vladimir Markin. Alexandre Bastrykin a rencontré les membres du Comité de protection des journalistes. La décision de reprendre toutes les investigations a été prise en raison de la découverte de « nouvelles informations », selon Vladimir Markin. Les enquêtes criminelles closes avant l’établissement en 2007 d’un comité général d’enquêtes en Russie seront également rouvertes.

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