« Que t’arrive-t-il ? Tu conduis comme une folle ! On a tout notre temps ! » Mon amie parisienne me regarde avec inquiétude.
Dans ma tête, j’étais encore à Moscou. Pas eu le temps de m’acclimater. D’habitude, cela prend une semaine. Le temps de me détendre, d’évacuer le stress, de transformer une conduite moscovite trop nerveuse en une maîtrise du volant légère, aérienne. Paris en voiture, c’est aussi ne pas dépasser les 30-50 km/h, parce qu’il n’est généralement pas possible de rouler plus vite, et surtout, parce que c’est sévèrement puni.
Là-bas, je suis toujours pressée, je change de file en permanence, je démarre au quart de tour lorsque le feu passe au vert, faute de quoi, je suis sûre de subir un lynchage sonore. De ma conduite dans ces deux villes, un seul comportement commun : je m’arrête pour laisser passer les piétons. Un geste pas souvent approuvé par les conducteurs moscovites.
À Paris, je suis la patience incarnée en voiture. À chaque coin de rue, un camion peut s’arrêter pour décharger des tableaux dans une galerie d’art. Au moins 10 minutes d’attente. À Moscou, c’eût été l’hystérie collective. En tous cas, impossible de se faufiler entre les rues étroites de la capitale, à moins d’être en
deux roues.
Ah, les motards (et les cyclistes) ! À Moscou, ils sont encore rares. La seule fois où j’ai vu un automobiliste parisien perdre son sang froid, c’était justement à cause d’un motard. À un tournant sur le quai de la rive gauche, un motard avait déboulé, me coupant la route. Prenant le virage à trop grande vitesse, son engin l’avait entraîné dans une chute, juste sous mes roues. Dieu merci, le motard s’en est sorti sans une égratignure, mais il a essuyé la colère des automobilistes témoins de l’accident. Jamais on ne m’avait défendue avec autant d’ardeur ! Une anecdote révélatrice de la tension qui règne entre quatre et deux roues.
À Moscou, il s’agit surtout d’être attentif aux chauffards qui reçoivent leur permis dans une pochette-surprise, et qui se pavanent dans des voitures de marque sans savoir conduire du tout. À Paris en revanche, le danger vient plutôt des personnes âgées qui conduisent comme si elles étaient seules sur la route.
En Russie, il est désormais interdit de boire au volant. Pas une goutte. Mais même sans cela, les Russes se comportent en voiture comme s’ils avaient bu un litre de vodka.
Le parking, à Moscou, c’est où tu veux, quand tu veux, et c’est le plus souvent gratuit. À Moscou, si vous êtes sur la voie la plus à gauche et que vous devez tourner à droite à la prochaine, vous risquez l’accrochage. À Paris, on assiste à un comportement placide des automobilistes. On freine, parfois on klaxonne, et le plus souvent, on laisse passer.
Une chose unit les deux villes : la peur du gendarme. La différence, c’est qu’à Moscou le problème se règle souvent sur place, en liquide et cela revient moins cher. À Paris, c’est plus long, plus coûteux, et pour les pots-de-vin, tintin ! Pourtant, à la vue d’un policier russe, étrangement, je me fige, mon pouls bat plus vite. En France, aucune accélération cardiaque, même lorsque je suis en faute. Un Moscovite peut prendre l’habitude de conduire à Paris. Pour un parisien, l’expérience moscovite est formellement déconseillée !
Natalia Gevorkyan est correspondante à Paris du journal en ligne gazeta.ru
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