Voyage au bout de la nuit

Crédits photo : Fotolia/PhotoXPress.ru

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L’arrivée de Grégoire et de Thierry, c’est l’occasion de s’encanailler un peu dans les tripots de luxe de la capitale. Encore faut-il que les deux touristes s’adaptent un tant soit peu aux codes de conduite locaux.

La première soirée aura donc été un échec. Les tongues (de marque) de Grégoire, si elles lui valent moult compliments dans l’Hexagone, procurent au contraire un haut-le-cœur aux videurs. Le t-shirt (griffé) de Thierry, tout autant.

Rendez-vous est donc pris le lendemain dans les chics boutiques de la ruelle Stolechnikov, histoire de faire bonne figure et quelques emplettes. Paré d’une chemise (d’un mauvais goût sans nom), Thierry est irrésistible. Les chaussures croco à bouts pointus siéent à Grégoire à la perfection.

La deuxième soirée sera la bonne. La neuvième discothèque les accepte. Jean-Pierre est acclimaté, les deux autres un peu moins. « Tant de prostituées de 15 ans, c’est étonnant ! », lâche Grégoire, l’œil tournant comme un stroboscope. Une erreur de débutant rapidement corrigée par notre vieil ami : il s’agit simplement de jeunes russes vaguement majeures en habit traditionnel moscovite.

On entend très mal avec cette mauvaise musique impulsée par un DJ prétendument « international ». L’affiche le dit berlinois, c’est à coup sûr un Allemand de la Volga. Sirotant leurs cocktails à vingt euros, matant les filles jusqu’au torticolis, les trois héros seront néanmoins rapidement identifiés dans une foule à forte prédominance féminine.

Qu’on vous présente Macha, Ksioucha et Dacha, 18 ans aux fraises, qui viennent s’asseoir à leurs côtés : minijupes fluos, maquillage à la truelle, talons himalayens – un classique du genre. Le sabir russo-anglais du sextuor est incompréhensible, la discussion, périlleuse, mais les bouteilles de champagne soviétique qui s’accumulent sur la table délient les langues. La légère ivresse se transforme en monstrueuse murge. Champagne et cocktails, la messe était dite : notre trio de choc n’aura pas remarqué le départ des belles, qui se sont esbignées à l’heure du premier métro.

Rien de tel cependant qu’une facture de bar pour dégriser Jean-Pierre, qui connaît davantage le cours du rouble. De toute façon, les ronflements de Grégoire indiquent qu’il a oublié jusqu’à la couleur de l’euro. Notre vaillant ami s’acquitte donc de la douloureuse, non sans grimacer. Mais que sont 700 euros, quand on vient de passer une belle soirée ?

François Perreault est expatrié à Moscou depuis quatre ans

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