Adieu Bachkortostan !

Président bachkir Mourtaza Rakhimov.Crédits photo : Liliya Zlakazova, RG

Président bachkir Mourtaza Rakhimov.Crédits photo : Liliya Zlakazova, RG

Rencontrant en début de semaine le chef de l'administration du président Medvedev, le dirigeant historique de cette république majoritairement musulmane de l'Oural méridional a annoncé qu'il ne souhaitait pas rester au pouvoir suite à l’expiration de son mandat en 2011.

M. Rakhimov semblait pourtant l’archétype de l’homme politique indétrônable et enraciné dans son bastion. Membre du parti communiste avant de rejoindre les rangs de Russie unie, il a dirigé sans partage pendant 17 ans la république d'un peu plus de quatre millions d'habitants. « Compte tenu de la stabilité de la situation politique dans la région et de l'intention formulée à plusieurs reprises par Rakhimov (…), un processus de consultations concernant les candidatures au poste de prochain président de Bachkirie est lancé », a indiqué le service de presse du président bachkir.

Derrière ce message rassurant qui laisse espérer une transition en douceur, le torchon brûlait depuis un certain temps entre Moscou et l'homme fort d'Oufa. En juin 2009, ce dernier avait ouvertement critiqué dans une interview à la presse russe la politique trop centralisée de Moscou et les diktats de Russie unie. Avant de se rétracter un peu plus tard en déclarant qu'il restait sur la même longueur d'onde que le pouvoir russe et le parti majoritaire.

Le 10 juin dernier, il en remettait pourtant une couche lors du Congrès mondial (Kouroultaï) des Bachkirs en dénonçant la politique régionale « injuste » de Moscou, et en exigeant le retour à l'élection des gouverneurs. Ces derniers sont nommés par le centre depuis 2004, une décision qui fut décriée par l'Occident comme un recul démocratique symbolique de l'ère Poutine.

Ni une ni deux, plusieurs médias russes ont simultanément relayé une série de délits présumés commis par le président et son fils, le député du parlement bachkir Oural Rakhimov. Ils rappelaient notamment le financement peu scrupuleux d'un chantier public et la possible implication des hautes sphères du pouvoir régional dans une affaire de corruption éclaboussant le secteur énergétique de la république.

Malgré les plaintes déposées en riposte, cette offensive médiatique a eu l’effet d'un coup de pied dans une fourmilière: Rakhimov-fils, parfois considéré comme un successeur potentiel, a démissionné de son poste de député la semaine dernière. Une nouvelle faille dans un édifice déjà très fragilisé.

Les analystes russes soulignent que ce départ s'inscrit dans la politique de Medvedev visant à rajeunir les gouverneurs de région. Toutefois, le « scénario bachkir » répond à une logique de bras de fer entre la vieille garde des chefs de région, « dinosaures » issus de l’ère Eltsine, et le pouvoir central qui souhaite détruire les derniers bastions locaux de résistance à la « verticale du pouvoir ».

Les adieux de Rakhimov rappellent en filigrane ceux du leader d'une autre région musulmane russe, le Tatarstan, les deux républiques entretenant par ailleurs des relations privilégiées au sein de la Fédération russe. L'emblématique président Mintimer Chaïmiev avait lui aussi appelé à revenir à l'élection des gouverneurs par le peuple. Le dirigeant historique avait peu après décidé de quitter le pouvoir, sans scandale toutefois, après 19 ans aux commandes de la république. Il a officiellement quitté ses fonctions en mars 2010.

Autre départ remarquable, celui en 2009 de l'ex-gouverneur de la région de Sverdlovsk Edouard Rossel, dont les relations furent jadis très tendues avec le centre fédéral : il avait été limogé en 1993 suite à la proclamation de la « République de l’Oural ». Ce projet aux relents séparatistes au cours d’une période très sensible avait fait long feu : le statut de la région avait été rabaissé à celui d’oblast doté d’un degré bien moindre d’indépendance vis-à-vis de Moscou. La question du niveau d'autonomie des territoires russes reste un domaine de friction avec le centre qui pourrait générer de nouveaux séismes politiques.

Reste donc à savoir qui prendra les rennes de cette région industrielle riche en pétrole. Car à la différence du Tatarstan, point ici de personnalité de la poigne du leader historique qu’était le « sekir-bachkir » (jeu de mot entre l'expression tatare « couper la tête » et l’adjectif « bachkir ») pour faire fructifier la relative prospérité enregistrée sous son règne.

Le coordinateur de l'antenne locale de l'ONG russe Pour les droits de l'homme Viatcheslav Bikboulatov a quant à lui estimé sur la radio Echo de Moscou que le changement de président était insuffisant à améliorer la situation dans ce domaine. « L'entourage fait le roi. Il faut de nouvelles personnes, une nouvelle équipe. Et un regard moderne sur les droits de l'homme ».

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