Alfa Bank ou l’instinct de survie

La fermeté d’Alfa lui a causé des ennuis, mais les partenairesoccidentaux apprécient sa rigueur.Crédits photo : Evgeny Pereverzev, Kommersant

La fermeté d’Alfa lui a causé des ennuis, mais les partenairesoccidentaux apprécient sa rigueur.Crédits photo : Evgeny Pereverzev, Kommersant

Alors que le reste du secteur financier mondial est en train de se débattre avec les séquelles de la crise économique de l’an dernier, Alfa Bank a déjà repris la route de la croissance grâce à une politique associant la réduction rigoureuse des coûts, le discernement dans les prêts et le recouvrement des créances.
Propriété de l’oligarque Mikhaïl Fridman, la banque est le seul grand établissement financier à avoir survécu à la grande crise de 1998 pour devenir par la suite la plus grande banque commerciale privée du pays.

Elle a failli s’effondrer lors de la crise de l’année dernière. Les créances douteuses avaient atteint 10% du portefeuille de prêts total en avril 2009 - environ quatre fois la moyenne du secteur et le pire résultat de toutes les banques de Russie, selon une enquête effectuée à l’époque par la Banque Centrale.

En effet, tandis que les autorités évoquaient la possibilité très probable d’une « deuxième vague » de la crise financière, le président d’Alfa Bank Piotr Aven avait officiellement affirmé qu’il s’attendait à accumuler jusqu’à 30 % de créances douteuses - le double des prévisions officielles et un volume suffisant pour déclencher un effondrement total du système bancaire russe.

Le PDG actuel d’Alfa Bank Ed Kaufman a eu un parcours assez sinueux au cours des 18 derniers mois. L’un des meilleurs banquiers du marché, il a choisi d’abandonner sa carrière stable à UBS pour prendre le contrôle d’Alfa, convaincu par le plus gros salaire jamais proposé à Moscou, selon certaines rumeurs.

Kaufman est plutôt optimiste en ce qui concerne l’implosion financière récente : « Lorsque j’ai rejoint Alfa, ma mission était d’intégrer entièrement l’activité d’investissement bancaire dans une plate-forme bancaire universelle. En 2009, notre banque a eu la meilleure année avec le doublement de son chiffre d’affaires par rapport à 2008 et 50% de plus par rapport à 2007 ».

Cela ne veut pas dire qu’Alfa Bank n’a pas connu de période difficile. Kaufman fut contraint de licencier un cinquième de son personnel l’an dernier. C’était la campagne la plus controversée de recouvrement de créances parmi les banques de Russie.

L’insistance avec laquelle Alfa demande à être payée rapidement a suscité l’irritation de certains entrepreneurs influents en Russie. En mars 2009, la banque a exigé que les entreprises appartenant à l’oligarque Oleg Deripaska – qui fut un temps l’homme le plus riche de la Russie - remboursent plus de 1 milliard de dollars sous forme de prêts, sous peine d’être confrontées à la faillite. Deripaska, qui était proche du Kremlin à l’époque, venait juste de négocier un moratoire de paiement avec ses autres créanciers.

Alfa savait bien qu’elle jouait avec le feu. Certains hommes d’affaires étaient obligés de s’exiler pour avoir contesté le statut des favoris du Kremlin. La prouesse d’Alfa lui a valu une réprimande de la part du président russe Dmitri Medvedev, surtout que le Kremlin s’efforçait de contenir l’effondrement total du système bancaire à cause de l’insolvabilité. Medvedev a déclaré alors que la crise n’était pas le meilleur moment pour jouer à « l’égoïsme d’entreprise ». « Nous ne pouvons pas sacrifier l’avenir d’entreprises entières et l’emploi de milliers de travailleurs pour satisfaire les ambitions d’un établissement de crédit précis », a alors déclaré le président. Pourtant, le pari a été gagné. Deripaska a adopté un programme de remboursement et Alfa a donc eu gain de cause. Et tandis que les créances douteuses ont continué à augmenter dans le secteur bancaire, celles d’Alfa sont restées au niveau de 10%.

Faire preuve de fermeté en Russie peut causer des ennuis, mais les partenaires occidentaux d’Alfa Bank ont apprécié sa façon d’agir. La banque a toujours été ponctuelle avec ses partenaires occidentaux et s’est distinguée des autres grandes banques russes après la débâcle économique de 1998 par son engagement à rembourser entièrement ses obligations étrangères à temps.

La capacité d’Alfa à respecter ses engagements n’a fait que renforcer sa réputation sur les marchés internationaux de crédit. Alors que l’Europe et l’Amérique sont confrontées à une crise croissante de la dette, la banque russe a allègrement émis un emprunt obligataire de 600 millions de dollars sur cinq ans pour les investisseurs au début de l’ année. Cet argent lui a permis de retrouver la croissance.

Alfa, explique son patron, n’a pas l’intention de se donner plus d’importance qu’elle ne peut en avoir : « Nous ne cherchons pas à être la plus grande banque d’investissement en Russie, mais celle de l’investissement le plus rentable, qui minimise les coûts et les risques ».

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