Irène Zaïontchec est Chevalier de l’Ordre de l’Amitiédes peuples et Chevalier de la Légion d’honneur.Photo de Anna Artemieva
Irène Zaïontchec a été pendant 12 ans interprète de l’Ambassadeur de France en Russie. Elle y a aidé les présidents, les premiers ministres, les ministres et les ambassadeurs à mieux comprendre les « réalités russes ». Depuis, elle est restée vivre et travailler à Moscou en rejoignant les rangs des « Français russes » pour devenir l’un des membres les plus en vue de leur communauté.
« J’ai actuellement trois casquettes », raconte Irène Zaïontchec. « Je suis Présidente du SAMU Social Moskva. Je participe à un journal pour les francophones de ce pays. Je suis consultante du Club France, qui regroupe des hommes d’affaires français en Russie ».
Elle parle russe sans le moindre accent. C’est « ce que Dieu voulait » pour Irène Zaïontchec, comme disaient autrefois les nobles émigrés. Elle est en effet descendante d’une ancienne famille aristocratique russe dont la noblesse remonte au moins au milieu du XVe siècle. « Mes ancêtres Zaïontchec se sont mis au service de la Russie, à commencer par le général de division Joseph Zaïontchec », explique Irène. « La vie de celui-ci pourrait faire l’objet de plusieurs romans d’aventure… Imaginez-vous un général de l’armée polonaise, mon aïeul, qui a combattu à la fin du XVIIIe siècle sous le drapeau des insurgés de Tadeusz Kosciuszko. Ses troupes ont été vaincues par l’armée du tsar. Il a participé à la défense de Varsovie contre les Prussiens. Après la reddition de la capitale, il a fui en Galicie et a été fait prisonnier de guerre par les Autrichiens. Après avoir retrouvé la liberté, il est parti en France où il est entré au service de l’armée française en 1795…»
Irène de poursuivre : « Notre famille a vécu à Saint-Pétersbourg, où mon grand-père était médecin militaire. Il a été envoyé dans le Caucase. Par la suite, tous mes proches ont quitté Batoumi pour Constantinople, sauf mon grand-père qui a été exécuté par les bolcheviks. Nous nous sommes installés dans le sud de la France où je suis née. » Ayant travaillé plusieurs années au ministère français des Affaires étrangères, Irène Zaïontchec n’a pourtant jamais fait partie du corps diplomatique. Née à Cannes, elle a fait ses études à l’université d’Aix-en-Provence et s’est finalement installée à Nice, travaillant pour le Quai d’Orsay et les Nations Unies. C’est pourquoi elle n’a eu aucun mal à rester à Moscou à la fin de son nouveau contrat.
« Ê tre en Russie avec des papiers d’employée d’ambassade était une chose, c’est maintenant une tout autre histoire », précise Irène : « la première chose que rencontre un Français venu à Moscou sans papiers diplomatiques, c’est l’arbitraire administratif. ‘Bureaucratie’ est certes un mot d’origine française, mais la bureaucratie russe, cupide et impudente, n’a probablement pas d’équivalent dans le monde. Si l’étranger ne sait pas donner de pots-de-vin bien ‘gras’, il ne tiendra pas longtemps en Russie… Au début, j’avais l’impression que chaque fonctionnaire de Moscou dont dépendait mon titre de séjour en Russie ne s’intéressait qu’à ce qu’il y avait dans ma poche ».
Le leitmotiv d’Irène est le suivant : « Hâtez-vous de faire le bien ». Elle est heureuse, car elle a réussi à mettre en œuvre ses principes. Elle dirige aujourd’hui le SAMU Social, une organisation non gouvernementale à vocation philanthropique dont les effectifs sont modestes, à peine 20 employés et des bénévoles. Les ressources financières de l’ONG proviennent essentiellement de dons privés. Quelques « brigades », chacune constituée de trois personnes – un médecin, un psychologue et un chauffeur – font le tour des lieux les plus sordides de Moscou : gares ferroviaires et routières, centres commerciaux… Selon le SAMU Social, près de 8 000 enfants vivent dans les rues de la capitale.
« Nous essayons d’aider tous les jeunes que nous pouvons, sans faire appel à la police et sans les amener aux centres d’accueil des orphelins. Non ! Souvenez-vous des paroles de l’écrivain Mikhaïl Boulgakov : on agit « non par la force, mais par la douceur»...
Nous mettons en place une première aide pour ces jeunes gens perdus et nous essayons de les ramener, si ce n’est sur la bonne voie, au moins celle de la légalité. Car la majeure partie de nos protégés n’ont aucun papier, ce qui les prive complètement de tout droit. Nous leur obtenons des passeports, nous tentons de les réinsérer. Ceux qui ont des familles convenables, nous les renvoyons chez eux. Nous leur proposons une première aide médicale et essayons de nouer des relations de confiance. Si un jeune t’écoute et te croit, alors il peut encore être sauvé. »
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