George Sand anime les poupées russes

La famille Gribouille est dépourvue de toute bienséance, elletente de s'approprier tout ce qui est à sa portée

La famille Gribouille est dépourvue de toute bienséance, elletente de s'approprier tout ce qui est à sa portée

Émilie Valentin est tombée sous le charme de l’Oural après sa première tournée dans la région en 2007. Les acteurs russes ont fait une telle impression sur la marionnettiste française qu’elle a imaginé un nouveau spectacle spécialement pour la troupe d’Ekaterinbourg.
C’est une rencontre rocambolesque, que le télescopage du «Théâtre du Fust», basé à Montélimar, avec le théâtre de marionnettes d’Ekaterinbourg. Le premier, qu’Émilie Valentin a créé il y a 36 ans, est aujourd’hui reconnu dans le monde entier comme l’un des meilleurs de sa spécialité. Ses spectacles mettent en scène Maeterlinck et Rostand, Ovide et Harms. Émilie Valentin crée elle-même ses marionnettes à partir de matériaux divers et variés, allant du carton-pâte au verre. Ses productions sont caractérisés par l’alliance d’une incroyable maîtrise technique, de poésie et d’ironie. Les derniers donnés à la «Comédie Française» et à Versailles en 2009 ont fait sensation.

La mise en scène de la vie des insectes constitue incontestablement un saut dans l’incongru pour le théâtre de marionnettes d’Ekaterinbourg. Bien qu’il existe une traduction russe de «Gribouille», Valentin a réécrit les dialogues et la traductrice s’est efforcée de préserver dans le texte russe le style du français du XIXe siècle.

Les archaïsmes de la langue sont fidèles à l’esprit d’un spectacle de salon à l’époque du Second Empire. Sur la scène, des chaises donnent l’illusion d’une épaisse forêt, une vieille commode se transforme en château. Les acteurs, en costumes d’époque, sont les doublures en chair et en os de la marionnette car ils font partie – chose courante chez Valentin – de la scénographie. Les marionnettistes russes ont perdu l’habitude de travailler de cette manière: ils préfèrent désormais jouer « en vrai », plutôt que cachés derrière une figurine.

Émilie Valentin bouscule une autre orientation nationale : aujourd’hui, le théâtre de marionnettes russe met plutôt l’accent sur les éléments plastiques, en testant de nouvelles technologies, de nouveaux matériaux et des effets visuels spectaculaires. Valentin prend le contre-pied de cette tendance en présentant des poupées délibérément laides que l’on pourrait croire sorties de l’atelier d’un peintre ou d’un sculpteur cubiste. A côté de Gribouille, les créations « décoratives » qui constituent le répertoire du théâtre d’Ekaterinbourg font figure de tableaux de Vasnetsov côtoyant des toiles de Picasso.

La marionnettiste française a choisi pour son spectacle une intonation narrative qui était celle du théâtre des salons raffinés de la Restauration. Émilie Valentin invite le spectateur à faire un effort intellectuel, à réfléchir sur le choix moral et sur la justice sociale. Le monde des goujats que sont les parents de Gribouille n’a aucun avantage sur le monde du Bourdon, celui de la cupidité et du monde capitaliste. En se jetant dans l’eau du haut d’une falaise, le héros réfute chacune des deux alternatives, pour ne plus émerger... C’est au spectateur que revient le privilège de résoudre le problème du choix.

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