Picasso chez Pouchkine

Portrait de Dora Maar, 1937

Portrait de Dora Maar, 1937

L’intitulé laconique « Picasso. Moscou. Collection du Musée national Picasso Paris » ne révèle pas immédiatement tous les trésors qui seront étalés pendant trois mois dans la capitale russe, à partir du 26 février. De fait, les 250 œuvres exposées au Musée Pouchkine font de cette exposition l’une des plus grandes jamais consacrées à Picasso en Russie. Les experts ont déjà qualifié l’évènement de « chance unique » de voir l’œuvre du grand maître.
La dernière fois que le Musée Pouchkine a accueilli quelques œuvres de Picasso, il s’agissait d’une exposition comparative, en 2004. Mais cela fait dix ans que les travaux de Picasso, provenant de divers musées de France et d’Espagne, sont en tournée mondiale. Rien qu’en 2007, 40 expositions ont été montées partout dans le monde. Jusqu’à hier, la Russie n’était pas sur l’itinéraire mais l’exposition-évènement, qui s’inscrit dans le programme de l'Année croisée France-Russie, va réparer cette insuffisance. Le ministre de la culture Frédéric Mitterrand et la directrice du Musée Picasso, Anne Baldassari, se sont rendus à Moscou pour l’inauguration officielle, qui a eu lieu au Ministère des affaires étrangères, le 25 février.

L’exposition couvre toutes les phases de la carrière incroyablement fertile de Pablo Picasso, et une fois de plus se vérifie le mot célèbre de l’artiste – « Donnez-moi un musée et je le remplirai ». La promenade à travers une douzaine de salles transporte le visiteur des incursions de Picasso dans la peinture, au début du XXe siècle, à ses œuvres des années 1970, juste avant sa mort, d’autoportraits aux nus, des nus aux muses, des muses aux natures-mortes, et au-delà. Parmi les premières peintures, « La mort de Casagemas » date de 1901, alors que l’une des dernières, « Portrait du jeune artiste » de 1972, embrassant la vie entière de l’artiste. En fin de compte, tous ces « Picassos » semblent, miraculeusement, ne faire qu’un. Cette approche exhaustive a été rendue possible grâce aux efforts conjugués des conservateurs russes et français qui ont réussi à fusionner les œuvres parisiennes avec celles du Musée Pouchkine (essentiellement les périodes bleues et roses de jeunesse, et quelques travaux graphiques plus tardifs). A chaque fois qu’une exposition est montée dans tel ou tel pays, un aspect particulier de la vie artistique, extraordinairement longue, de Picasso, est mis en avant. Vitali Michine, le commissaire de l’exposition coté russe, admet qu’il a fallu plus d’un an de dur labeur pour coordonner l’évènement et trouver le format approprié à Moscou. « Nous avons demandé à nos collègues de Paris de sélectionner des œuvres pour former une exposition originale à Moscou, différente de celle des autres villes et pays. La touche russe de l’exposition relie Picasso aux saisons de Diaghilev et aux ballets de Stravinsky, avec sa première épouse, Olga Khokhlova, danseuse dans les Ballets russes ; une section de photos et de documents d’archives est spécialement consacrée à l’amitié particulière entre Picasso et Ilya Ehrenbourg », précise Michine pendant la visite de l’exposition.



Cette fois, c’est un tout autre Picasso qui vient à Moscou, et seules quelques rares œuvres seront familières à ceux qui avaient vu les fameuses expositions de 1956 ou 1964, quand les peintures de Picasso ont voyagé à travers l’Union Soviétique. Elles avaient eu alors un succès triomphant, mais c’était alors un autre pays et un autre public. « A l’époque, même nous, étudiants en art, nous connaissions très peu le vrai Picasso, surtout des reproductions de ses travaux à charge politique. Dans les musées ici, ses peintures sont restées dans les réserves pendant 30 ans. Ce que nous avons découvert de Picasso en 1964 était une manifestation d’esprit libre. L’exposition nous a montré une autre réalité », se souvient Tatiana Levitskaya, artiste et participante active au mouvement anticonformiste des années 1970. Depuis, la popularité internationale de Picasso n’a fait que croître, au mépris des changements politiques et des transformations sociales. Comment aurait-il pu en être autrement ? « Toute idée est un point de départ et rien de plus », disait l’artiste et transformait n’importe quelle réalité dans son art. Picasso ne s’est pas contenté d’engendrer de nouveaux styles artistiques et de déterminer tout le processus artistique du XXe siècle, il a également crée un type nouveau d’artiste moderne et a marqué un changement radical d’un archétype culturel. La personnalité de Picasso a toujours été inséparable de son art, tout aussi fascinante, et pas seulement en peinture, mais aussi en littérature et en cinéma. « Nous avons fait de notre mieux pour trouver la clé à l’image cinématographique de Picasso mais je suis sure que la principale raison de notre succès, c’est la personnalité de l’artiste lui-même : il est toujours sincère, précis et ironique quand il parle de lui-même… et c’est un homme de l’univers », explique Maria Sementsova, réalisatrice du documentaire récompensé « Appelez-moi Picasso », applaudi en France, en Espagne et dans beaucoup d’autres pays.

L’agenda de la collection Picasso est chargé et réservé par les plus grand musées. Comme une rock star qui planifie ses tournées des années en avance. « Pendant les travaux de rénovation au Musée national Picasso de Paris, nous avons transformé notre collection en exposition itinérante, dès 2008. Nous avons commencé par Madrid, puis Abu-Dhabi et Tokyo. Helsinki fut le dernier arrêt avant Moscou, et en juin nous seront à Saint-Pétersbourg, avant d’entamer un tour des États-Unis. Mais à chaque fois nous tâchons de reformater l’exposition, même à l’Hermitage nous ne présenterons pas la même chose qu’au Pouchkine. Il s’agit donc d’un processus créatif vivant, toujours changeant », conclut Anne Baldassari. A long terme, c’est au bénéfice de tous. Les nouvelles générations autour du globe ont la possibilité de découvrir en direct la planète Pablo Picasso.

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