Sofia n’est bien évidemment pas la seule à constater l’existence d’a priori plus ou moins négatifs sur la Russie d’aujourd’hui. Pour nombre d’étrangers, la Russie rime avec URSS, froid glacial, vodka, jolies blondes, mafias et ours polaires. Ces clichés pourraient faire sourire s’ils n’avaient pas de graves conséquences, tant économiques que politiques ou culturelles.
Les Russes ne sont pas les derniers à se plaindre de l’image qui est donnée de leur pays et d’eux mêmes. Pourtant, la faute n’en revient pas seulement à la méconnaissance de la Russie qu’on observe chez les étrangers. Trop souvent, la Russie ne fait parler d’elle que lors d’événements globalements négatifs, que ce soit des guerres (Tchétchénie, Géorgie) ou d’autres tragédies (attentats à Moscou, discothèques qui brûlent en Sibérie, démographie en alarmante chute libre…). Elle fait penser à un éléphant sur un continent de porcelaine. Comment, dès lors, séduire l’opinion publique mondiale ?
Si la fin de l'URSS n'a visiblement pas dissipé toutes les mauvaises impressions héritées de la Guerre froide, l’image que la Russie souhaite véhiculer ne semble pas plus « définie » que celle qu’elle se fait d’elle-même. Ces hésitations identitaires (sans doute liées à son passage d’ex-empire redouté à un statut d’État-nation) semblent l’empêcher de communiquer autrement que par la défensive. Ce problème d’image des Russes et de la Russie n’est cependant pas lié uniquement à la disparition de l’URSS : déjà, en 1698, le tsar Pierre le Grand, de retour d’Europe, entendait moderniser et occidentaliser l’image de son pays et, pour ce faire, prenait une série de mesures dont la fameuse taxe sur les barbes, dans lesquelles il voyait un des signes de l’immobilisme du pays !
Près de trois siècles plus tard, le pouvoir actuel a lui aussi lancé une ambitieuse campagne pour moderniser l’image de la Russie dans le monde en utilisant des méthodes de communication bien éloignées de la subversive propagande soviétique : appel à de grandes agences de relations publiques occidentales, initiatives médiatiques, recours massif à l’Internet et aux réseaux sociaux (très populaires en Russie) pour communiquer tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières.
Si les sondages indiquent une légère amélioration de son image, la Russie n’est toujours pas le pays qui fait rêver. Elle reste encore pour l’opinion publique mondiale le pays des faits divers, de l’imprévisible et désormais de la corruption. Curieuse Russie, plus facile à situer sur une carte qu’à définir ! Même pour un Russe ! Comme l’a parfaitement dit Winston Churchill : « La Russie est un rébus enveloppé de mystère au sein d'une énigme ».
Il est bien évident que l’image d’un pays ne se change pas en quelques années. Le poids de l’histoire pèse sur l’évolution des mentalités. Voilà de quoi inciter les Russes d’aujourd’hui à éviter le piège des clichés dans lesquels ils sont attendus. Le problème, dès lors, ne concerne pas seulement le pouvoir mais les citoyens, qui ont aussi un rôle à jouer pour dissiper les trop nombreux malentendus sur leur pays. Un exemple ? La société russe est multiconfessionnelle et multiethnique ; et pourtant, les meurtres d’étrangers par quelques extrémistes projettent une image d’intolérance masquant la réalité de ce qui devrait être perçu comme un avantage.
Précisément, c’est la mise en valeur de ses avantages, y compris de ses avantages « oubliés » que la société russe (pouvoir et société civile) doit privilégier pour montrer que le pays entre dans le 21ième siècle à grands pas. Car la Russie, c’est aussi un potentiel touristique inexploité et à moderniser, des avancées scientifiques, des conquêtes commerciales, un rayonnement culturel et artistique, sans parler d’exploits sportifs. Bref, la balle est dans le camp des Russes…
Alexandre Latsa, spécialiste de géopolitique.
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