Deux grand-mères russes de Belgique

Source : Archives personnelles

Source : Archives personnelles

De nombreux symboles illustrent la victoire sur le nazisme hitlérien. L'un d'entre eux réside dans l'histoire de deux anciennes jeunes filles soviétiques, Vera Kouchnariowa et Maria Kostileva.

Juin 2015 marquera l'anniversaire solennel des 90 ans de Vera Kouchnariowa, militante infatigable à l'origine de nombreux temps forts de l'amitié russo-belge. Vera est née à Lysytchansk (aujourd'hui en Ukraine). Ses parentspartent s'établir dans la région de Moscou dès avant la guerre et confient la petite fille à sa grand-mère.

À l'été 1942, les troupes allemandes occupent Lysytchansk, commencent à imposer le travail forcé aux jeunes de la région,dont Vera, dénoncée aux nazis comme fille de communiste et expédiée en Allemagne dans un wagon de marchandises.

Vera se retrouve dans une usine métallurgique et travaille en tant qu'opératrice de grue-poutre. Elle vivait dans des baraques près de l'usine, entourées de fils barbelés. « Nous nous moquions des Allemands. Lorsqu’il est devenu évident que leur sort était réglé et que les alliés s'approchaient, nous avons crié aux soldats à travers les barbelés : 'Attendez, ordures ! Les nôtres vont vous mettre la pâtée !' ».

À l'été 1943, des Italiens, des Français et des Belges sont arrivés au camp de l'usine. « Ils haïssaient les nazis autant que nous, nous étions unis par cette haine commune et par notre soif de vie ». C'est alors que Vera a rencontré le grand amour et son destin.

Le futur mari de Vera, le Belge Paul Moulin, de Péruwelz, avait également été déporté en Allemagne et travaillait dans la même usine. Il tombe amoureux de la jeune et jolie slave. Ils se marient après la libération du camp par les alliés le 9 mai 1945.

« Nous chantions des chansons russes... »

 Avec une année de décalage, l'histoire de Maria Kostileva suit de près le destin de Vera. Elle vivait dans le sud de l'Ukraine, à Nikolaev, alors occupée par les Allemands. En septembre 1943, elle est arrêtée avec ses amis dans une rafle. Comme dans l'histoire précédente, les Allemands venaient à la gare sélectionner des travailleurs. 

Maria et ses amies ont été jugées inaptes au travail dans les fermes et les ateliers. Les huit jeunes sont alors affectées au nettoyage dans une unité militaire à Saalfeld. On les installe dans l'étable avec les chevaux.

« C'était très dur. En plus du brouet, on nous donnait pour la journée une boule de pain pour huit et parfois 2 ou 3 pommes de terre, souvent gâtées. Mais nous étions jeunes, désespérées et nous n'avions pas peur de railler les Allemands, de prédire leur défaite. Nous chantions des chansons russes et avons même fêté le 1er mai ».

Des jeunes venus d'Europe travaillaient dans la garnison. Maria devient amie avec le Belge Julien Dhuygelaere, déporté comme elle par les Allemands. Un jour, quelques soldats de l'armée collaborationniste du général Vlassov débarquent dans l'unité. Les Allemands eux-mêmes les considéraient comme desindividus de second ordre. Ils poursuivent les jeunes filles de Nikolaïev de leurs assiduités, mais sont vigoureusement repoussés.

En colère, ils dénoncent les jeunes filles aux Allemands. Maria et ses amies sont convoquées pour un interrogatoire et envoyées à Buchenwald six semaines avant la fin de la guerre.Elles subissent un nouvel interrogatoire dans le camp, cette fois par les SS, et atterrissent dans une baraque pleine de femmes russes.

Un beau jour, l'agitation gagne les gardes, les Allemands brûlent les archives et préparent visiblement leur fuite. Les Américains arrivent le matin suivant et libèrent les filles, quin'avaient pas de papiers. Où aller ? Le seul endroit qu'elles connaissaient et où elle pouvaient trouver des visages familiers était Saalfeld. 

Source : Archives personnelles

En deux jours, elles atteignent la ville encore occupée par les Allemands, et retournent dans l'unité militaire dans laquelle elles avaient travaillé. Les Allemands comme les travailleurs déportés qui savaient que les filles avaient été envoyées là d'où on ne revient pas, étaient stupéfaits de leur apparition. Julien quipensait aussi ne jamais revoir Maria, est transporté. 

Les Américains entrent dans la ville deux jours plus tard. Cherchant à retourner à la maison, les amies errent quelques temps à travers le pays. Sur la route, elles parviennent à persuader les Américains de les transporter en voiture. Ces derniers les conduisent de nouveau à Saalfeld. Le sort réunit une nouvelle fois Maria et Julien.

Libérés, les Belges retournent dans leur patrie et parcourent 350 km à pied. Maria les accompagne et se retrouve en Belgique. Sur leur chemin, il trouvent un camion abandonné. Bon mécanicien, Julien parvient à réparer le véhicule. Ils arrivent par ce moyen jusqu'à Drongen, où Julien présente alors sa fiancée de 18 ans à ses parents. Contrairement aux craintes de la jeune fille, ces derniers l'accueillent très cordialement. 

Une rencontre loin du pays

En 1961, deux activistes de l'Union des citoyens soviétiques de Belgique, Maria Dhuygelaere et Vera Moulin se rencontrent au consulat soviétique. Elles font connaissance et deviennent amies. Le fils aîné de Vera, Roland, fait connaissance avec Monique, la fille de Maria. Le mariage est célébré en 1972. En 1977, Maria rend visite à ses parents à Voronej avec ses deux petits-enfants : Maxime et Mikhaïl. 

La famille parle aujourd'hui trois langues : le néerlandais des Dhuygelaere, le français des Moulin et le russe des grands-mères Vera et Maria. Maxime, qui continuait de rendre visite à ses parents en Russie, a rencontré sa femme Aliona à Voronej. 

Les petits-petits enfants Lucas et Nicolas parlent russe et rendent visite à leurs grands-parents russes.

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies