La voix qui a tenu le peuple mobilisé jusqu’à la victoire

Crédit : TASS

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Tout au long des années de guerre, la voix de Iouri Levitan se confondit avec la voix officielle de l’Union soviétique. Adulé par le peuple, l’annonceur était un ennemi juré d’Adolf Hitler, qui avait même mis sa tête à prix.

C’est par la voix de Iouri Levitan que la population soviétique suivit les événements les plus importants de la Grande Guerre patriotique. C’est elle, puissante et pleine d’autorité, qui lui annonça le début puis la fin du conflit, l’informant entre les deux des victoires soviétiques ou des alertes de raids. Hitler considérait Levitan comme un ennemi personnel. Il mit un prix sur sa tête : 250 000 marks. Étonnamment, Staline ne figurait qu’en deuxième position sur la liste noire hitlérienne.

C’est le chef soviétique qui avait fait basculer le destin de Levitan. Alors âgé de 19 ans en janvier 1934, le jeune homme faisait ses premiers pas à la  radio. Frappé par le timbre et l’expressivité de sa voix, Staline téléphona au président du Comité soviétique chargé de la radio et exigea que les communiqués soient désormais lus à l’antenne par Levitan, qui allait rapidement devenir l’annonceur attitré de l’URSS.

« Attention ! Moscou parle ! »

Le matin du 22 juin 1941, le standard du Comité croulait sous les appels des correspondants à Kiev et à Minsk, qui annonçaient une attaque soudaine de l’Allemagne nazie. Moscou n’excluait pas qu’il s’agisse de provocations, mais Levitan fut appelé au travail, au cas où. Peu après lui fut livré un courrier du Kremlin composé de deux lignes sur une simple feuille, qui devaient être lues à l’antenne : « Une annonce importante du gouvernement sera communiquée à midi ». Puis, à midi : « Attention ! Moscou parle ! Citoyens de l’Union soviétique, ceci est une annonce du gouvernement soviétique ! Aujourd’hui, à quatre heures du matin, sans avoir présenté aucune revendication auprès de l’Union soviétique et sans avoir déclaré la guerre, les troupes allemandes ont attaqué notre pays ».

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À partir de l’automne 1941, c’est depuis Sverdlovsk (aujourd’hui Ekaterinbourg) que Levitan lut les bulletins de « Moscou parle » : les tours de la radio moscovite avaient dû être démontées, car les Allemands les utilisaient comme balises pour les bombardements. Levitan recevait les ordres du commandement suprême et les dépêches du Sovinformburo (le bureau d’information soviétique) depuis Moscou par téléphone. En mars 1943, il fut transféré avec sa station à Kouïbychev (Samara) mais, jusqu’à la fin de la guerre, ses auditeurs crurent qu’il s’adressait à eux depuis la capitale.

Sa voix était aussi célèbre que son visage était inconnu. Le 9 mai 1945, Levitan fut convoqué au Kremlin où on lui donna copie, sous scellé, de la déclaration de la Victoire sur l’Allemagne nazie. Le texte devait être lu 35 minutes plus tard. Pour se rendre au studio, il lui fallait traverser une Place rouge noire de monde : « Je criais ‘Camarades, laissez-moi passer, il y a urgence !’ ‘Quelle urgence ? Levitan va lire l’annonce de la victoire à la radio d’un instant à l’autre. Restez ici comme tout le monde et écoutez !’, me répondait-on ». Levitan fut contraint de retourner au Kremlin qui disposait de sa propre station de radio. À 21h55, il brisa les cachets de cire renfermant l’annonce officielle : « Moscou parle ! L’Allemagne nazie est vaincue ! ».

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Les quelque 2 000 dépêches du Sovinformburo lues à l’antenne entre 1941 et 1945 ne furent hélas pas conservées. Dans les années 50, Iouri Levitan fut chargé d’en enregistrer une sélection pour la postérité.

Il mourut d’une crise cardiaque en 1983, lors des commémorations de la bataille de Koursk.

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