Haute cuisine, art et hospitalité russe au menu : Moscou a accueilli le premier dîner de gala dans le cadre du festival international Saisons gastronomiques franco-russes. L’objectif de cet évènement, qui se tient depuis 2010 tour à tour à Paris, sur la côte d’Azur et dans la capitale russe, est de développer les échanges culinaires russo-français et d’assurer la promotion de la cuisine et des chefs russes à l’étranger par le biais de contacts au sein de la communauté professionnelle internationale et de l’initiation des fines bouches des deux pays aux traditions culinaires.
« Russe jusqu’au fond de l’âme… » (extrait du roman en vers Eugène Onéguine d’Alexandre Pouchkine) : tel était le titre du premier dîner présenté mardi dernier au public russe dans le cadre des Saisons gastronomiques 2017 de Natalia Marzoïeva. Ce festival, qui jette un pont d’amitié entre les chefs russes et français, se tient à Moscou pour la troisième fois. Comme le veut la tradition, il s’organise autour d’un sujet central qui reste présent aussi bien dans chaque plat que dans le programme culturel.
« Nous établissons toujours un lien entre la gastronomie et l’art. Cette année, nous avons décidé de nous focaliser sur le thème d’Eugène Onéguine, l’œuvre phare du grand Alexandre Pouchkine. L’âme russe, non seulement mystérieuse, mais également vaste et très hospitalière, est capable de s’imprégner de nombreuses tendances et c’est la raison de la présence ici de nos collègues français », a indiqué l’organisatrice des Saisons, Natalia Marzoïeva, en expliquant le titre du festival.
Le dîner proposait un menu dirigé par dix mains de maîtres : les Russes Konstantin Chatrov, Alexandre Volkov-Medvedev et Andreï Shmakov et les chefs français étoilés Jean-Baptiste Natali et Hervé Rodriguez. Les cinq cuisiniers devaient préparer leurs plats avec des produits russes. En sélectionnant les cuisiniers pour le festival, les organisateurs tiennent compte de leurs qualités non seulement professionnelles, mais également humaines. « Le chef doit comprendre qu’il vient dans un autre pays où les gens et les goûts sont différents. Il doit savoir s’adapter, car il ne sait jamais ce qu’il va avoir à la cuisine et comment les produits réagiront à sa recette, a précisé Natalia Marzoïeva. Si je vois que quelqu’un est obsédé par ses propres idées, je comprends qu’il ne tiendra pas à mon festival. Parce que mon festival suppose une communication ouverte ».
Les invités ont été accueillis au restaurant RUSKI. Situé au 85ème étage de la tour OKO du Centre de commerce international Moscow-City, il attire les habitants de la ville et les touristes tant par son menu et ses intérieurs « russes » dépourvus de tout cliché que par la vue qui s’ouvre par les fenêtres.
Crédit : Alexander Kourov
Jean-Baptiste Natali : « L’objectif de ma participation est le développement des échanges franco-russes, je voulais vraiment travailler avec des cuisiniers russes et découvrir la Russie sous un nouveau jour. Les collègues russes sont très sympas. On a bossé depuis le petit matin avec beaucoup d’enthousiasme ».
Crédit : Alexander Kourov
Alexandre Volkov-Medvedev : « Nous avons trouvé tous les produits ! Non sans problèmes parfois. Par exemple, pour les homards de Jean-Baptiste Natali. À Moscou, on ne s’arrache pas les homards et en plus, une grande partie des crustacés avaient été achetés pour le deuxième dîner de gala au restaurant Nedalny vostok ».
Crédit : Alexander Kourov
Alexandre Volkov-Medvedev : « Je pense que j’ai changé d’attitude envers l’entremets. Les sets de dégustation se fraient difficilement un chemin en Russie. Les clients hésitent à confier le choix des plats à quelqu’un d’autre, tandis qu’en Europe, les gens s’en remettent volontiers à des professionnels. Un set réalisé par un professionnel, c’est un choix optimal ».
Crédit : Alexander Kourov
Andreï Chmakov :« Les jeunes du restaurant RUSKI ont travaillé avec beaucoup d’entrain aujourd’hui et ont tout fait pour réussir. Et quand un chef est décidé à créer, c’est génial parce qu’il est impossible de travailler sans émotion. C’est l’émotion qui fait naître le goût ».
Crédit : Alexander Kourov
Hervé Rodriguez :« Le but pour moi c'est de découvrir les produits locaux et de comprendre un petit peu la manière de travailler des cuisiniers russes ».
« Au début je ne pensais pas organiser le festival à RUSKI. Et puis j’ai vu la cuisine – énorme – capable d’accueillir de nombreux chefs et j’ai vu le four, stylisé à la russe, mais entièrement modernisé », a poursuivi Natalia Marzoïeva. Ce four de huit mètres sert à cuire le pain, à préparer les pâtés en croûte et les petits pains fourrés ainsi qu’à réaliser le lait spécial qui y mijote à couvert pendant plusieurs heures et que Hervé Rodriguez a particulièrement apprécié.
L’un des objectifs du festival est de rendre la cuisine française plus populaire en Russie. « En ce qui concerne la cuisine française, la situation en Russie est déplorable, même au niveau de la classe économique. Il est beaucoup plus facile de trouver un restaurant italien où la cuisine sera simple et compréhensible, a indiqué à RBTH Ekaterina Koungourova, productrice du documentaire Oui, chef !. On nous demande pourquoi nous faisons venir des chefs étoilés : ce n’est plus à la mode et ce sont le Danemark et la Norvège qui sont têtes de liste dans ce domaine. Or nous estimons que les étoiles Michelin restent un gage de qualité ».>
Le second objectif, tout aussi important, est de présenter les cuisiniers français à leurs collègues russes, qui véhiculeront l’image de la cuisine russe dans le monde. « En Europe, personne ne prend au sérieux la cuisine russe, a-t-elle constaté. Budapest a accueilli l’année dernière la demi-finale du Bocuse d’Or. Ce concours est l’un des plus prestigieux du monde gastronomique, comparable à l’Oscar du cinéma. Le groupe de tournage du film Oui, chef ! a réalisé un petit sondage auprès des candidats français, allemands, danois, italiens, suédois et belges au sujet de leurs connaissances de la cuisine russe, en les priant de citer un ou deux plats russes. La question les laissait interdits, bien que certains se soient rappelés du borchtch et des pirojkis (petits pâtés). L’un des cuisiniers a même demandé : +La cuisine russe ? Ça existe ? Le plat russe c’est le caviar avec de la vodka+ ».
Jörg Zipprick (2ème à gauche). Crédit : Alexander Kourov
Les paroles de Ekaterina sont appuyées par Jörg Zipprick, journaliste et critique gastronomique allemand, l’un des fondateurs de La Liste, premier classement mondial des mille meilleures tables : « La cuisine russe n’est pas très connue dans le monde, les traditions du pays non plus. Seuls les connaisseurs détiennent quelques informations ». Sur La Liste, la Russie n’est représentée que par quinze restaurants, « ce qui est très peu pour un si grand pays, a-t-il dit à RBTH. Le problème est qu’il est très difficile de se procurer des données sur la cuisine russe, car les guides culinaires sont rares dans le pays ».
Crédit : Alexander Kourov
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