Polenovo, une colline pittoresque devenue carrefour artistique

Lori/Legion-Media
Dans la région de Toula (193 kilomètres au sud de Moscou), la propriété du peintre Vassili Polenov est loin d'être figée derrière les vitrines qui viennent généralement à l’esprit quand on pense au devoir de mémoire. 90 ans après la disparition de l'artiste, elle continue aujourd'hui encore d’attirer les talents du monde entier.

Toile à ciel ouvert

Tombé sous le charme d'une colline sablonneuse bordant la rivière Oka, non loin de Taroussa, Vassili Polenov décida de s'y établir et d'ériger une reproduction de la demeure familiale de Carélie qu'il avait tant aimée durant son enfance. Cette propriété, sur laquelle il ne tarda pas à planter des pins et qui a depuis été rebaptisée en sa mémoire, devint pour lui une intarissable source d'inspiration. Si autrefois les méandres du cours d'eau étaient visibles depuis les différentes pièces de la maison, ce n'est à présent guère plus le cas, la végétation ayant repris ses droits. Le domaine n'a pas pour autant perdu de son attrait, bien au contraire. Le calme qui y règne pourrait en effet à lui seul justifier le choix de l'artiste, mais ce serait oublier les panoramas qui se dessinent depuis ces hauteurs. L'Oka y serpente entre les rives boisées, parsemées çà et là de petites izbas pittoresques et parfois dominées par les coupoles de quelques clochers.

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Polenov fut l'un des piliers du mouvement des peintres ambulants, qui s'étaient fixé pour mission de rendre l'art plus accessible à la population, notamment par le biais d'expositions itinérantes, et de dénoncer les conditions de vie du peuple russe. Issu d'une lignée ayant lutté pour l'abolition du servage en Russie et donc sensibilisé aux problématiques sociales, il entreprit dans les environs la construction de deux écoles et d'une église. Pour les enfants des villages voisins, il organisait par ailleurs fréquemment des ateliers, leçons et autres rassemblements festifs, comme en témoignent les nombreuses marionnettes qui veillent encore sur l'Abbaye, nom qu'attribua le peintre à son atelier.

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Malgré la rigidité des normes encadrant alors la peinture, l'artiste développa rapidement un goût certain pour le paysage, genre artistique qu'il pensait capable de faire transparaître une idée, une émotion, tout autant qu'une scène historique. Aussi, tels de véritables tableaux animés, les larges fenêtres de sa bâtisse offrent une imprenable vue sur la nature environnante. Ces toiles naturelles, dont les couleurs alternent au rythme des saisons, côtoient celles de Polenov, des membres de sa famille, de ses amis Ambulants, mais également toutes sortes d'objets ramenés de voyages par son père, historien et archéologue, et par Vassili en personne. Ses périples à l'étranger, qui l'auront mené en Italie, en Allemagne, en France, ou encore au Moyen-Orient, influencèrent fortement son œuvre, ce qui ne l'empêcha pas d'être profondément attaché à la représentation de la nature russe et aux traditions du pays.

Erwann Pensec
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Faire vivre l'art

Vassili Polenov était un fervent défenseur de l'idée selon laquelle l'art doit être une partie intégrante du quotidien. Une vision partagée par ses descendants, qui dirigent encore aujourd'hui le musée de Polenovo, et toutes les personnes qui travaillent ici à la préservation de sa mémoire. Ainsi, de nombreux événements se tiennent chaque année en ces lieux, rencontres harmonieuses au carrefour de différentes disciplines artistiques telles que la littérature, la musique, la sculpture ou la photographie. En juin 2016, ces lieux ont par exemple accueilli la Semaine de la Francophonie, lors de laquelle le groupe français d'électro-rock STAMP était venu ravir les oreilles des visiteurs.

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Endossant aujourd'hui le rôle de résidence artistique, Polenovo accueille également régulièrement des artistes du monde entier. En 2013, l'écrivain Olivier Bleys et le peintre Benjamin Bozonnet avaient ainsi été invités à y passer trois mois, séjour qui leur permit de s'imprégner des lieux et de combiner leur art pour aboutir à un projet conjoint intitulé « Maison pour un Ambulant ». Cette année, dans le cadre du Festival international « En quête de la terre promise », qui s'y déroulera du 25 au 30 juin, c'est Israël qui sera à l'honneur. Le peintre s'était en effet notamment rendu en Palestine en 1881–1882, où il eut l'occasion de se familiariser avec les particularités des peuples locaux, ce qui l'aida à retranscrire fidèlement sur ses toiles certaines scènes tirées des évangiles. Seront ainsi présentées au public diverses œuvres de Polenov, mais aussi d'artistes contemporains.

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À l'image des pins que Vassili Polenov a autrefois plantés sur cette colline chauve et qui se dressent aujourd'hui fièrement au-dessus des sentiers, la graine artistique que le peintre a semée en ces lieux a depuis germé, faisant de Polenovo un terreau toujours propice à la création. Cette terre d'inspiration, Olivier Bleys l'a foulée, parcourant ses chemins de verdure, battant ses étendues de pâtures, et longeant la rivière silencieuse.

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« À Polenovo, des peintres se tiennent en embuscade. Il n'est guère de fourré qui n'en loge un ou deux. C'est un affût qu'ils prennent, et leur gibier a pour nom rivière, saule ou colline. Alors, de leurs pinceaux aigus, comme d'une bouche de sarbacane, fusent des couleurs sur la toile pantelante », a-t-il témoigné dans ses écrits.

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