L’histoire d’amour entre Modigliani et Akhmatova s’invite sur la scène

Lina Langner incarnant Anna Akhmatova et Mitia Fedotenko dansant le rôle d’Amedeo Modigliani.

Lina Langner incarnant Anna Akhmatova et Mitia Fedotenko dansant le rôle d’Amedeo Modigliani.

Alissa Kalinina
Mitia Fedotenko, chorégraphe, danseur et performeur originaire de Moscou qui vit et travaille dans le sud de la France, est artiste en résidence au Cratère à Alès. Le 18 octobre, le théâtre ouvrira une nouvelle saison avec la première d’AkhmatModi, la nouvelle mise en scène de Mitia Fedotenko consacrée à l’histoire d’amour du grand peintre et sculpteur italien Amedeo Modigliani et de la poète russe Anna Akhmatova.

Le spectacle existe en deux versions : russe et française. Le rôle d’Amedeo Modigliani est toujours tenu par l’auteur, tandis que celui d’Anna Akhmatova est confié tour à tour à deux solistes. A Moscou et à Saint-Pétersbourg, lors du festival Open Look, la première a été dansée par Lina Langner. En France, le rôle d’Anna Akhmatova reviendra à Natacha Kouznetsova.

Alliant la danse à l’art de la déclamation avec des éléments de cirque, deux artistes présentent sur scène cette histoire d’amour. Ce n’est pas une reconstitution des faits, car il ne reste plus de lettres, tandis que les témoignages d’Anna Akhmatova relèvent plutôt de la mythologie, mais une libre interprétation de la nouvelle d’Elisabeth Barillé Un Amour à l’aube : Amedeo Modigliani – Anna Akhmatova.

« Je suis aussi artiste et l’histoire d’Amedeo Modigliani et Anna Akhmatova est mon histoire personnelle à certains égards », déclare Mitia Fedotenko faisant le lien entre l’œuvre d’Elisabeth Barillé et la sienne.

Ces grands noms et leurs créations n’intimident pas Mitia Fedotenko : il y a plusieurs années, il a mis en scène Hamlet dans le cadre du programme spécial Sujets à vif du Festival d’Avignon, ainsi que Soleil noir d’après Phèdre de Marina Tsvetaïeva, présenté en quatre langues.

En presque vingt ans de carrière en France, les Moscovites Mitia Fedotenko et Natacha Kouznetsova, sa femme, sa muse et son co-auteur, sont entrés au Centre national de danse contemporaine d’Angers et ont dansé So Schnell de Dominique Bagouet, grande figure de la nouvelle danse française, au festival Montpellier Danse. Ils avaient été invités par la chorégraphe Mathilde Monnier à son cursus expérimental EX.E.R.CE. Ils ont travaillé dans des mises en scènes de Mathurin Bolze, François Tanguy, Julie Brochen, Urs Dietrich et François Verret. Mitia Fedotenko a réussi à trouver sa place parmi les danseurs non académiques, mais également parmi les chorégraphes, metteurs en scène, et auteurs de musique pour les spectacles et la scénographie. En 1999, il a fondé sa propre compagnie, Autre MINa.

Naturalisé Français, Mitia Fedontenko est resté Moscovite et vient plusieurs fois par an en Russie pour donner des master classes et participer à des festivals avec ses créations. Cette existence biculturelle a transformé sa personne et son attitude envers son métier. Ainsi, il est irrité tant par la manière qu’ont les jeunes danseurs français de transformer le processus de mise en scène en d’interminables discussions, que par l’habitude des Russes à se faire des idoles qu’il n’est permis que de porter aux nues.

Mitia Fedotenko déteste qu’on lui demande le genre dans lequel il travaille. Il affirme que le souhait de tout systématiser est un trait russe archaïque et qu’il est parti en Europe justement pour ne pas inventer le fil à couper le beurre, mais pour profiter des modèles existants.

Dans l’histoire d’amour entre Anna Akhmatova et Amedeo Modigliani, des gouttes d’eau tombent sur d’énormes têtes que réalise l’artiste dans son atelier (période où il était fasciné par l’art nègre) et l’amour de cet homme et de cette femme se transforme en torture. Amedeo Modigliani, nu comme Sisyphe, fait rouler un rocher symbolisant son talent. Les longs cheveux d’Anna Akhmatova se transforment tantôt en voile ou en casque, tantôt en niqab ou en corde. Amedeo fait et défait les cheveux roux de sa compagne en faisant naître chez les spectateurs une douleur presque physique.

Alissa Kalinina
Alissa Kalinina
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« Amedeo Modigliani est Italien et donc macho, explique Mitia Fedotenko. Il est normal qu’il prenne d’abord sa bien-aimée dans les bras avant de la suspendre par les cheveux. Et puis je n’aime pas les demi-teintes, je leur préfère le naturalisme sur scène, quand le spectateur se fond dans le personnage, quand il souffre, je suis un dur sur scène. Mais Anna Akhmatova était aussi sans pitié. Nous nous tournons vers son côté oriental, mongol, vers la racine de son nom, Akhmat. D’où sa plastique orientale de samouraï, ses mouvements naturels et « rationnels » comme ceux d’un animal qui ne laissent aucune place aux notes lyriques. D’ailleurs, c’est pour cela que nos costumes rappellent des combinaisons de travail aux lignes claires et nettes ».

Dans la version française, le rôle d’Anna Akhmatova est tenu par Natacha Kouznetsova, qui a une grande expérience de travail avec le texte. En effet, ces dernières années, elle joue dans de nombreux spectacles de François Verret qui dirige aujourd’hui le théâtre de Nîmes.

« Ainsi, on est des compagnons de route qui se croisent dans la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, sourit Mitia Fedotenko. Moi, je suis à Alès, François Verret est artiste en résidence à Nîmes, tandis que le Centre chorégraphique de Montpellier est dirigé par Christian Rizzo. Il faut absolument mettre en scène cette géographie en unissant la nouvelle région par une ligne chorégraphique ».

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