Le réalisateur Ilya Naishuller. Source : Service de presse
Il y a trois ans, le jeune réalisateur Ilya Naishuller jouait de l’indie-rock dans un groupe peu connu, les Biting Elbows. Tout a changé en 2013, quand Ilya Naishuller a décidé de tourner lui-même le clip pour la chanson Bad M…er dans le genre des jeux vidéo de tir.
Le clip est devenu un hit sur YouTube : 10 millions de vues en 10 jours (33 millions aujourd’hui). L’un des spectateurs, Timour Bekmambetov, l’a ensuite appelé et lui a proposé de réaliser un long métrage dans le genre clip vidéo, raconte Naishuller. Il s’est alors mis au travail en 2014.
En Occident, on mise gros sur le film de Naishuller – il suffit de dire que le distributeur américain a proposé 20 millions de dollars pour sa promotion, alors que le budget du film est de 2 millions de dollars seulement. Juste avant la première, RBTH s’est entretenu avec Ilya Naishuller.
RBTH : Le film est le premier projet russe que les spectateurs pourront voir sur grand écran dans plusieurs dizaines de pays. Était-ce votre intention dès le début ?
Ilya Naishuller : Oui. C’est bien pour cela que Timour Bekmambetov et moi avons tout de suite décidé de faire le film en anglais.
Participer au programme du festival de Toronto est un fait prestigieux en soi, surtout quand votre film y est projeté aux côtés des premières mondiales. Avez-vous surveillé la réaction du public lors de ces premières projections ?
I. N. : Bien sûr ! Nous ne savions pas nous-même quelle réaction les spectateurs pourraient avoir face au déluge d’adrénaline qui s’abat sur eux dès les premières minutes. Enfin, nous comprenions bien sûr que nous avions fait quelque chose de vraiment cool. Mais il y a eu tant de choses cools sous-estimées par le public dans l’histoire du cinéma…
Tournage du film Hardcore. Source : Service de presse
Hardcore est une très longue scène d’action. À la première de Toronto, j’avais très peur qu’elle fatigue le public, que les gens soient effrayés par tant de violence. Je suis entré dans la salle quand les lumières étaient déjà éteintes. Pendant les dix premières minutes, les gens regardaient le film dans un silence complet. Puis, j’ai entendu des applaudissements, des cris d’encouragement – bref, le film a enthousiasmé la salle. Je n’avais alors plus de doute sur le fait que les spectateurs comprendraient et aimeraient notre film.
Malgré la portée internationale de Hardcore, c’est un film éminemment moscovite par le choix des lieux de tournage. L’action se passe entièrement dans la capitale russe actuelle, ses paysages s’intègrent à merveille dans le style du thriller cyber-punk.
RBTH : Avez-vous voulu tourner à Moscou depuis le début ?
I. N. : Oui, je pensais que ce choix serait vu positivement tant par les spectateurs russes qu’étrangers. Le public russe appréciera l’effet de reconnaissance – dans chaque cadre de Hardcore, on voit quelque chose de familier, mais pas banal pour autant : l’Empire stalinien de Leninski Prospekt, le pont Pouchkine…
Alors que pour le public occidental, les paysages moscovites sont une sorte de découverte, quelque chose de déroutant et de frais. Bien sûr, le public américain pourrait ne pas comprendre qu’ils voient Moscou – nous ne montrons pas les attractions touristiques connues comme la cathédrale Saint Basile ou le Kremlin. Mais cet environnement urbain sera pour eux intrigant, insolite, nouveau…
Parce faire des thrillers internationaux à New York, à Londres ou à Paris, c’est déjà cliché. Alors que personne avant nous n’avait fait de bons thrillers avec des tas de scènes d’action impressionnantes qui se dérouleraient dans les rues de Moscou. J’ai, d’ailleurs, déjà des retours du public occidental à ce sujet – ils aiment l’environnement moscovite pour sa fraîcheur et son originalité.
RBTH : Votre prochain projet sera-t-il également anglophone ?
I. N. : Oui, et cette fois, il ne sera probablement pas russe. Je ne dirais pas que c’est une question de principe pour moi, mais je ne vois pas ma place dans le système de cinéma russe contemporain – les projets que je pourrais faire en russe n’existent pas dans la nature.
Tournage du film Hardcore. Source : Service de presse
RBTH : Quel sera votre prochain film ? Un blockbuster avec une multitude de scènes d’action ?
I. N. : J’avais en effet cette option - 100 millions de dollars de budget, d’excellents artistes, très sérieux. Enfin, cette option existe toujours, mais je vais, sans doute, la refuser.
Premièrement, après Hardcore, j’ai envie de faire quelque chose de radicalement différent. Et le changement de genre sera, à mon avis, la meilleure décision.
Deuxièmement, j’ai tellement de propositions que j’ai l’occasion de choisir en quelle qualité je vais participer à tel ou tel projet. Bien entendu, je suis intéressé par des films où l’on me propose quelque chose de plus que d’être simplement un réalisateur invité n’ayant pas le dernier mot.
Tournage du film Hardcore. Source : Service de presse
Tant que j’ai du temps, je dois réfléchir et tout peser – après un grand début, on peut facilement faire un faux pas et se retrouver dans une situation où le deuxième film est un échec complet. Il est certain que je voudrais éviter un tel sort.
En France, Hardcore Henry a été présenté en mars dans le cadre des festivals Lyon Festival Hallucinations Collectives et Mauvais Genre Film Festival. Le film sortira en salles le 13 avril.
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