Un accord officiel a été signé le 10 février à Moscou sur l’organisation de l’exposition Sergueï Chtchoukine. Icônes de l’art moderne, qui se tiendra au siège de la Fondation Louis Vuitton (LV) à Paris du 20 octobre 2016 au 20 février 2017. L’exposition sera consacrée au grand collectionneur d’art russe Sergueï Chtchoukine et ses pièces seront mises à disposition par l’Ermitage de Saint-Pétersbourg et le Musée des beaux-arts Pouchkine de Moscou. La curatrice de l’exposition est Anne Baldassari, conservatrice du patrimoine, ex-directrice du musée Picasso à Paris.
Le document a été notamment signé par Jean-Paul Claverie, conseiller de Bernard Arnault, le PDG du groupe LVMH. Il a parlé au mensuel russe The Art Newspaper Russia des détails de ce projet international (les propos ont été retraduits du russe).
A qui appartient l’idée de l’exposition ?
Jean-Paul Claverie. Crédit : Fondation Louis Vuitton |
Nombreux étaient ceux qui caressaient ce rêve, parce que la collection de Sergueï Chtchoukine a été partagée pendant des dizaines d’années entre deux établissements : l’Ermitage et le Musée Pouchkine. Le petit-fils du collectionneur russe, André-Marc Delocque-Fourcaud, a consacré sa vie à perpétuer la mémoire de son grand-père.
Je le connais depuis longtemps. Un jour, il est venu et m’a dit : « Je rêve d’organiser une exposition de la collection de Chtchoukine ». Anne Baldassari a soutenu l’idée. André-Marc Delocque-Fourcaud a rencontré Mikhaïl Piotrovski (directeur du musée de l’Ermitage, RBTH) qui a approuvé le projet : « Pourquoi pas ? Quoique ce ne soit pas facile ».
Et voici que nous avons signé l’accord.
Les musées russes exigent aujourd’hui des garanties supplémentaires de conservation et de retour de leurs œuvres, car ces dernières deviennent trop souvent les otages de contentieux judiciaires. Quelles sont les mesures prises dans votre cas ?
Nous avons tout fait pour garantir leur sécurité. La France a adopté en 1992 une loi selon laquelle les musées et les fondations privées sont protégés contre toute revendication : les œuvres ne peuvent pas être confisquées dans le cadre de contentieux. Le gouvernement français garantit leur retour. C’est la première chose à laquelle nous avons pensé et nous avons obtenu une garantie.
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle le projet est réalisé à un si haut niveau. Il a été approuvé en France – non seulement approuvé, mais soutenu – par les ministères et jusqu’au cabinet du président. C’est un projet bilatéral, le « clou » du programme officiel de l’Année franco-russe (2016-2017) et nous espérons que le président russe Vladimir Poutine aura l’occasion de visiter l’exposition pour devenir notre premier invité !
Quelles sont les conditions avancées par les musées russes ? Tout le monde sait que souvent, des œuvres d’un tel niveau sont mises à disposition pour des expositions à l’étranger contre de l’argent.
Ce n’est pas une opération commerciale, c’est un échange d’art. Nos relations avec les musées russes ne datent pas d’hier. Ainsi, nous avons soutenu l’exposition Dior au Musée des beaux-arts Pouchkine consacrée à l’influence réciproque de la mode et des arts. Ce fut un succès inouï : 500 000 visiteurs ! L’année dernière nous avons tenu l’exposition Les Clefs d’une passion pour laquelle Mikhaïl Piotrovski nous a accordé La Danse d’Henri Matisse. Nous nous faisons confiance !
La signature de l'accord sur l’organisation de l’exposition Sergueï Chtchoukine. Icônes de l’art moderne. Crédit : Musée des beaux-arts Pouchkine de Moscou
La collection de Chtchoukine, c’est de l’art français. Vous avez décidé de présenter à Paris des peintres français, c’est un peu étrange.
Que faire ? Tels étaient les goûts de Chtchoukine !
Pour nous, il est important de mettre ainsi en relief l’amitié entre la France et la Russie.
Cette exposition n’est pas pour les Français ni pour les Européens, elle est pour les Russes ! Il faut venir à Paris pour découvrir ce trésor artistique. Nous espérons que les Russes visiteront cette exposition, car la perception change en fonction du contexte. Je suis certain que les œuvres de la collection de Chtchoukine – signées Henri Matisse, Paul Cézanne et Pablo Picasso – seront tout autres dans une architecture qui est celle de Frank Gehry. Venez les voir à Paris !
Vous avez été pendant sept ans le conseiller de Jack Lang, ex-ministre français de la Culture. Pouvez-vous donner un conseil au ministre de la Culture russe, Vladimir Medinski ?
Il m’est difficile de dire quoi que ce soit, car je n’ai fait connaissance avec Monsieur Medinski que ce matin. Mais le plus important, c’est que le ministère de la Culture existe en tant que tel ! Ce n’est pas toujours le cas.
Vous disposez d’un patrimoine de rêve, d’une culture formidable et de grands peintres : la France adore l’art russe. L’enseignement en Russie est d’un très bon niveau. Vous comptez de nombreux musiciens magnifiques, tels que Vladimir Spivakov, Maxim Vengerov et Boris Berezovsky : la France est moins forte dans ce domaine. Vous avez tout ce qu’il vous faut pour entamer la modernisation.
Bien entendu, dans un pays où l’Etat joue le rôle décisif dans la vie sociale, le ministère de la Culture revêt une importance particulière. Ce que je peux dire sans l’ombre d’un doute, c’est qu’en signant l’accord sur l’exposition de la collection de Chtchoukine à Paris, votre ministre a pris une décision très intelligente, ouverte au monde et permettant à la Russie de briller en Europe.
Texte publié en version abrégée. Propos retraduits du russe. Texte intégral en russe disponible sur le site de The Art Newspaper
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