Viktor Vassenine / RG
Je crois qu’il était possible d’éviter la destruction de la cité antique de Palmyre. Les djihadistes du groupe État islamique (EI) s’y dirigeaient depuis longtemps, ils y allaient pour éviter les frappes, ils avançaient dans le désert où il était possible d’effectuer des frappes. Les pays européens ont rechigné à le faire, voulant éviter toute aide éventuelle au régime de Bachar el-Assad.
Or, au nom de la culture, il est possible de faire des choses jugées inopportunes dans une autre situation. La culture possède ses droits et ceux-ci doivent être placés au-dessus d’autres idées politiques.
Le Coran, c’est mon livre de chevet. Mais je ne réponds jamais à la question sur ma sourate préférée, tout comme quand on m'interroge sur mon tableau favori à l’Ermitage. Ce Coran est un magnifique cadeau. Le mufti de Syrie m’a offert un Coran extraordinaire, avec un calame : c'est une baguette qu'on pose sur une lettre et ce roseau taillé et qui vous la lit à haute voix, on appuie sur un bouton pour obtenir une analyse grammaticale, on en touche un autre pour préciser la prononciation, et un troisième permet d'entendre un commentaire. Tout est en version audio. Il fait une traduction en cinq langues. Et ce Coran a été réalisé en Syrie. La vie suit son cours normal dans ce pays, autant que possible.
Il n’est pas question d’ingérence architecturale dans l’image extérieure ni intérieure de l’Ermitage. C’est avant tout une maison, un palais impérial qui a été habité. Dans le cadre du projet des pyramides du Louvre, j’ai été prié de commenter la situation. Ça ne fait pas de différence pour Paris, parce que cette ville a la Tour Eiffel, ai-je répondu.
Il ne faut jamais oublier qu’il existe beaucoup de choses qui ne doivent pas être faites pour de l’argent. Ce sont des choses différentes pour différents musées. Chez nous, il est impossible de louer un local de l’Ermitage pour une réception.
Au Métropolitan Museum cela n’étonnera personne. Mais chez nous, non, il est impossible d’organiser une exposition moyennant une somme d’argent. Nous pouvons avoir des problèmes pour trouver des ressources à l’exposition d’un peintre qui nous intéresse, mais organiser une présentation pour de l’argent, ça non !
La ville peut prendre l’exemple sur un musée du point de vue de l’organisation. Aujourd’hui, les musées du monde deviennent souvent des centres d’activité, concentrant autour d’eux des commerces, des établissements d'enseignement et des universités.
Telle une institution publique, le musée s’introduit partout pour apprendre aux hommes à vivre dans la ville et à préserver ses monuments. Car nous ne pouvons toujours pas comprendre ce qu’il faut et ce qu’il ne faut pas faire dans une ville historique. Moi, je dis : faites comme dans un musée.
Un musée instruit et donne du plaisir parce qu’il se trouve, comme il l’a été dit plus d’une fois, à mi-chemin entre Disneyland et l’église. La vulgarisation générale de la société et le sentiment répandu du droit de chacun à juger des arts et de la culture ont contribué à ce que les musées penchent du côté de la distraction.
Or, l’expérience prouve que les musées doivent (et ils le font) renforcer leur rôle sacral. Notre monde a besoin de refuges intellectuels et esthétiques, de territoires sacraux avec leurs règles où la culture exerce ses droits.
En ce qui concerne « l’or des Scythes », je voudrais rappeler une chose importante : il s’agit non pas d’or, mais de différents objets archéologiques découverts en Crimée et se trouvant dans les musées criméens. Préserver le statut élevé de ces musées est très important dans les débats juridiques engagés au sujet du retour de la collection. Pour ce qui est de la position morale, elle est claire depuis longtemps : les objets doivent revenir là où ils étaient, dans les musées de Crimée.
L’expression « dialogue des cultures » est assez comique, bien qu’elle soit répétée à tout bout de champ. Un dialogue, c’est une conversation autour d’une chope de bière. Sans parler de l’impossibilité du dialogue dans certains domaines. Par exemple, il est impossible d’établir un dialogue entre les religions, même si initialement certaines têtes légères pensaient que les représentants des religions abrahamiques passeraient à la table des négociations, s’entendraient sur tout ce qu’il faut et que tout irait bien. Mais l’aplomb des organisateurs de tels dialogues s'est fracassé contre trois, quatre, voire cinq désaccords qui ont empêché d’envisager toute progression dans cette voie.
J’aime beaucoup lire des polars et des thrillers. J’apprends à connaître le monde et la langue à travers eux. Pourtant, l’essentiel dans ces livres, ce sont les innombrables détails qui vous donnent l’impression de connaître le pays au point de ne pas avoir besoin de le visiter. J’ai longtemps lu l’Ecossais Ian Rankin qui situe tous ses romans à Edimbourg. Et quand j’y suis venu en voyage d’affaires, j’ai compris que je connaissais tout : c’était tellement bien !
Vous m'interrogez sur les personnes sans lesquelles je ne serais pas celui qui je suis ? C’est le British Museum. Le British Museum, c’est une personne pour moi.
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