Oleg Cassini, le Parisien russe qui habillait les stars hollywoodiennes

Bien que né à Paris, le créateur Oleg Cassini était issu de la famille d’un diplomate russe. La France a cependant été non seulement sa patrie, mais aussi son école, c’est ici qu’il a fait ses premiers pas dans le monde professionnel de la haute couture, sous la direction du célèbre Jean Patou. Ayant connu d’incroyables succès aux États-Unis, Cassini a été à l’origine du style inimitable et légendaire de Jacqueline Kennedy, de Grace Kelly, d’Ava Gardner et d’autres femmes célèbres.
Oleg Cassini avec ses chiens à New York en 2005

Dynastie de diplomates

Dans le répertoire des familles nobles de la Russie impériale, il est indiqué que la lignée des Cassini est originaire d’Italie. L’aïeul d’Oleg, le comte italien Viktor Cassini, était en effet autrefois entré au service du tsar. En 1892, ses petits-fils Mikhaïl et Artur ont à leur tour reçu le droit d’utiliser le titre de comte en Russie. Artur a tout particulièrement rencontré le succès (son nom complet était Artur-Paul-Nicolas marquis de Capizucchi de Bologne, comte de Cassini), après être devenu un important diplomate. Il a officié en tant qu’ambassadeur du tsar en Chine, puis a dirigé la mission diplomatique russe aux États-Unis durant les mandats de William McKinley et de Theodore Roosevelt. Sa signature figure également sur le traité de Portsmouth, ayant mis fin à la guerre russo-japonaise de 1904-1905.

Sa fille, Margarita Cassini, a été la femme du diplomate russe Aleksandr Loïevski. En 1913, ils ont ensemble résidé à Paris, où Loïevski travaillait à l’ambassade de Russie. C’est là qu’est né leur fils, Oleg.

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Quand la famille est revenue en Russie, celle-ci a rapidement sombré dans les tourments de la Révolution. « Si cela n’avait pas été 1917, on m’aurait confié au Corps des Pages [académie militaire la plus prestigieuse du pays], puis, selon la tradition familiale, m’aurait attendu le service au sein de la garde impériale, une carrière militaire ou diplomatique », a lui-même confié Oleg Cassini-Loïevski. Mais le destin en a décidé autrement.

Son père, Aleksandr Loïevski, n’a pas rejoint le camp bolchévique et s’est au contraire battu, durant la guerre civile, dans les rangs de l’armée de Koltchak, défendant le maintien du régime impérial. Suite à la défaite des Blancs, la famille a émigré en Italie, terre d’origine de Margarita.

L’«école» parisienne de Jean Patou

Visiblement, c’est précisément de sa mère qu’Oleg a hésité d’un tel sens du style, de cette capacité à travailler avec les tissus et de sa réflexion artistique. Pour aider son mari à subvenir aux besoins de la famille et à payer les études d’Oleg à l’école catholique, Margarita s’adonnait en effet à la conception de vêtements, et est même parvenue à ouvrir, à Florence, son propre salon, dans lequel le jeune Oleg a acquis les bases de l’art de la couture et réalisé ses premières esquisses.

Il n’avait que 21 ans, lorsqu’il a remporté le concours international de couture de Turin. Les portes de la haute couture se sont alors ouvertes à lui et, un an plus tard, il est entré au service de la maison de mode de Jean Patou, en tant qu’artiste d’esquisses.

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Natif de Normandie, endurci sur le front de la Première Guerre mondiale, tel est le patron qui semblait nécessaire au jeune Cassini pour comprendre que le monde de la haute couture ne se limite pas à l’art, mais qu’il s’agit d’un véritable et sérieux business. L’inspiration ne suffit en effet pas, il est indispensable de posséder un flair entrepreneurial. On qualifiait Patou d’« opposant à la mode », d’« unique couturier français de mentalité américaine ». Son audace et sa maîtrise lui permettaient toutefois de capter les intérêts et désirs des clients les plus fortunés. Collaborer avec Patou a par conséquent permis au jeune et rêveur designer de mode russe de progresser considérablement.

L’année 1936 a cependant été marquée par la mort de Patou, et Cassini a alors jeté son dévolu sur les terres outre Atlantique.

Le Don Juan hollywoodien

Suite à son arrivée en Amérique, Oleg a travaillé comme assistant créateur auprès de l’illustre couturier Jo Copeland. Ce n’est qu’en 1938 qu’il a inauguré son studio de design à New York. Puis son salon de mode « Oleg Inc ». C’est à cette époque qu’il a pris la décision de se débarrasser de son double nom et de ne conserver que celui de sa mère, Cassini.

À la fin des années 1930, il a conclu un contrat avec la compagnie cinématographique Paramount Pictures, puis avec la Twentieth Century Fox. Dans ses robes ont ainsi brillé à l’écran et sur les tapis rouges des stars de différentes époques : Ava Gardner, Katharine Hepburn, Marilyn Monroe, Judy Garland, Lana Turner, Ursula Andress, Anita Ekberg, Natalie Wood, Kim Basinger, Barbra Streisand ou encore Renée Zellweger.

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Gene Tierney revêtue d'une robe conçue par son mari, Oleg Cassini

Il s’est d’ailleurs marié à certaines d’entre elles : Mary Fahrney, Gene Tierney… Sans parler de ses innombrables romances à Hollywood. Grace Kelly, future princesse de Monaco, a également longtemps été sa muse.

Lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté, il a délaissé crayons et papier, et s’est engagé comme volontaire. Ayant reçu la citoyenneté américaine en 1942, il a ainsi servi durant cinq années dans l’armée des États-Unis.

Après la guerre, il est retourné à son activité de prédilection. Entre 1947 et 1950, il a dirigé sa propre entreprise à New York, Cassini Dardick, et en 1950 a fondé sa société Oleg Cassini Inc.

Le style de Jackie

Le nom de Jacqueline Kennedy reste encore aujourd’hui synonyme de style vestimentaire irréprochable pour une première dame. Ce n’est un secret pour personne, l’habilité à s’habiller correctement réside avant tout dans la combinaison d’un talent inné et d’une bonne éducation (et ici, il convient de rappeler les racines françaises, par son père, de l’épouse du président John Fitzgerald Kennedy). Mais ce don, tout comme une pierre précieuse, nécessite également d’être affiné par un maître-artisan. Pour madame Kennedy, ce dernier n’a été autre qu’Oleg Cassini. Le couturier a ainsi créé plus de 300 tenues pour la first lady des États-Unis.

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Il répétait toujours qu’une première dame devait mener la danse, et non pas suivre les autres. Dans le cas de Jacqueline, la situation était justement telle : son style a été l’origine de nombreuses tendances majeures dans les années 1960.

Alfred Hitchcock, Grace Kelly et Oleg Cassini à Los Angeles en 1954

Pas seulement des robes

L’inépuisable énergie créatrice de Cassini ne l’a pas laissé se contenter uniquement des vêtements pour femmes. Dans les années 60, il a commencé à créer des collections destinées à la gent masculine, au sein desquelles, il s’efforçait de briser les stéréotypes, apportant par exemple de la couleur aux traditionnelles chemises blanches des costumes trois pièces.

En 1974, Cassini a même imaginé l’intérieur d’une version design de l’automobile Matador (voiture de taille intermédiaire, commercialisée par la compagnie American Motors Corporation (AMC) entre 1971 et 1978). La combinaison de la finition noire et de du décor cuivré a permis la création d’un intérieur original et distingué pour ce véhicule de représentation. Ce modèle a d’ailleurs reçu le nom d’AMC Matador Cassini Coupe et a fait sa première apparition à l’écran dans le film L’Homme au pistolet d’or (1974). Encore aujourd’hui elle figure dans le classement des 10 voitures les plus stylées de l’histoire de l’automobile.

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Enfin, le couturier a donné naissance à sa marque Oleg Cassini, qui n’a pas tardé à se transformer en véritable empire de la mode, exportant sa production dans plusieurs dizaines de pays. Vêtements pour hommes, femmes, enfants, objets d’intérieur, accessoires, chaussures, cosmétiques… En 1990, Cassini a même lancé sa ligne de parfums Cassini.

Règles de vie

« Un couturier doit être très instruit, très savant, doit beaucoup voyager à travers le monde et observer, doit bien connaître l’histoire, la géographie, l’économie, et doit posséder une intuition, un don de voyance, car la mode doit deviner les tendances », assurait-il. Il n’a par ailleurs jamais été effrayé à l’idée de nager à contre-courant, de lutter, de s’adonner à la fantaisie, de faire preuve de courage. Il répétait d’ailleurs que, même dans la réalisation des idées créatrices les plus folles d’un artiste, la femme ne doit pas être qu’un simple mannequin, elle doit se poser comme source d’inspiration.

Oleg Cassini-Loïevski s’est éteint en 2006. Seul l’un de ses rêves n’a pu être réalisé : il réfléchissait sérieusement au développement de sa marque en Russie. Mais cela avait été impossible durant la période soviétique, et lorsque sont arrivées les années 1990, la Russie s’est plongée dans une époque troublée, notamment en matière de business et, comme se plaisaient à dire les héros d’une célèbre série russe, « on survivait comme on pouvait ». Toutefois, dans le monde, la marque d’Oleg Cassini existe encore de nos jours, et reste synonyme d’harmonie entre qualité et fantaisies audacieuses.

Un Russe aux origines italiennes, né en France, ayant fondé son empire aux États-Unis, et ayant connu la gloire dans le monde entier. Peut-être est-ce cet entrecroisement de cultures dans un même destin, de mentalités dans un même caractère, qui a permis à Oleg Cassini de devenir à la fois un artiste talentueux et un entrepreneur à succès.

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