À Donetsk, le 1er mai 2014. Des manifestants avec des drapeaux soviétiques et un portrait de Joseph Staline participent au traditionnel défilé du 1er mai. Sergey Ponomarev pour New York Times
Bien qu’il n’ait que 34 ans, Sergueï Ponomarev a déjà travaillé dans la quasi-totalité des zones de conflit du monde actuel. Il a pris des clichés de la révolution libyenne pour Associated Press, réalisé des reportages photos depuis Damas ravagée par les bombes pour Paris Match, et assuré la couverture de la guerre dans les régions orientales de l’Ukraine pour le New York Times.
La Galerie Iconoclastes de Paris accueille depuis le 9 avril la première exposition du reporter.
RBTH : Que présentez-vous à cette exposition, quelle période embrassent vos photos ?
Sergey Ponomarev : J’y expose les photos réalisées au cours des deux dernières années, notamment lors des conflits militaires en Syrie, en Libye, en Afghanistan et en Ukraine. Le choix de la période n’est pas fortuit, car c’est pendant ces deux dernières années que j’ai construit ma carrière comme journaliste freelance. Ce sont des photos de mes archives personnelles.
Quelles sont les éditions avec lesquelles vous travaillez ? Coopérez-vous avec la presse française ?
S.P.: Je suis bien renseigné sur la presse française et je l’apprécie beaucoup, je connais personnellement de nombreux rédacteurs. Je ne m’attendais pas à une telle attention pour ma personne de la part de la presse, car Paris est une ville qui accueille des expositions en permanence. Actuellement, je ne travaille pas avec les éditions françaises, bien que j’aie réalisé plusieurs projets avec Paris Match. Je coopère principalement avec le New York Times.
À Homs, le dimanche 15 juin 2014. Un portrait de Bachar-el-Assad sur la façade d’un centre commercial détruit. Sergey Ponomarev pour New York Times
Existe-t-il une différence entre un journaliste et un reporter-photographe, outre leurs instruments de travail, dans la vision de la couverture de la guerre ?
S.P.: En effet, il y a avant tout une différence d’instruments. Pour ce qui est de la vision, je pense qu’elle est identique pour les professionnels qui cherchent à présenter les développements d’un point de vue neutre.
Cette « neutralité », existe-t-elle ? Est-ce qu’un photoreporter peut se ranger d’un côté ou de l’autre dans un conflit militaire ?
S.P.: J’estime qu’un photographe professionnel, tout comme un journaliste professionnel, ne doit épouser le parti de personne dans un conflit, car, premièrement, cela va à l’encontre de la notion de professionnalisme. Et, deuxièmement, la profession perd alors tout son sens : le journalisme (et le photojournalisme) se doivent de fournir un tableau objectif.
Est-ce qu’il vous est arrivé de baisser votre caméra, sacrifiant une image forte ? A votre avis, faut-il prendre en photo absolument tout à la guerre ?
S.P.: J’ai vécu des situations différentes. J’ai vu des images à faire froid dans le dos. Ma mission est de prendre en photo ce qui se passe. Je n’ai jamais omis une image sciemment ou par crainte. En tout cas, je ne me souviens de rien de tel. Il arrive laisser filer des images intéressantes uniquement parce que les développements sont impétueux et qu’on n’a pas le temps de saisir le moment. C’est dommage quand cela arrive, mais c’est très difficile à contrôler.
À Khan Yunis, bande de Gaza, le mercredi 23 juillet 2014. Deux frères de la famille El Agha pleurent leur père, tué lors des bombardements israéliens. Cette œuvre de Sergey Ponomarev a reçu un prix au World Press Photo 2015.
Vous avez travaillé en Syrie, en Libye et en Afghanistan. Vous assurez aujourd’hui la couverture du conflit ukrainien. Pouvez-vous parler de ce dernier ? Y a-t-il des traits spécifiques ?
S.P.: Il y en a et c’est contrariant. Il me semble que ce conflit est artificiellement ravivé de part et d’autre. Nous constatons la présence d’un vrai lavage de cerveaux, d’une large propagande. Les gens sont irrités et ne sont pas enclins à la paix. Et cela se ressent vivement. C’est sans doute la première fois que je me trouve en présence d’une telle situation.
Vous voyez dans le cadre de votre travail beaucoup de violence et de douleur. Que faites-vous pour garder le moral et ne pas perdre confiance en l’humanité ?
S.P.: Il existe des situations difficiles. Très pénibles moralement. Mais j’aime ma profession et pour pouvoir l’exercer, je consulte un psychologue. Cela m’aide grandement.
Pourquoi avez-vous décidé de présenter votre première exposition personnelle à Paris ?
S.P.: Il n’y a pas de raison spéciale. C’est une proposition de la Galerie. Si on m’avait proposé d’organiser une exposition à Berlin, je serais actuellement en compagnie de journalistes allemands. Je pense que mes photos seront exposées dans d’autres villes aussi.
L’exposition de Sergey Ponomarev Effondrement sera ouverte jusqu’au 9 juin.
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