Dix chefs d’œuvre de l’art nouveau en Russie

Dans le monde entier, l’architecture russe est associée, en premier lieu, au constructivisme. Les principales réalisations de l’architecture de la période précédente, fin XIXe – début XXe, sont associées à l’art nouveau français ou belge ou à la Sécession viennoise. Pourtant, ce style communément appelé moderne a donné lieu à des créations spectaculaires en Russie également. RBTH vous présente dix bâtiments de cette grande époque, érigés dans différentes villes de la Russie.

La maison de Livtchak

Oulianovsk, 4, rue de l’architecte Livtchak

Cette maison fut bâtie en 1914 par l’architecte Fedor Livtchak pour sa propre famille. Laissant libre cours à son imagination, il conçut tous les détails, jusqu’aux meubles et intérieurs. L’architecture combine des traits de l’art nouveau européen – les grandes fenêtres en forme de fer à cheval, les consoles courbées des porches, les panneaux céramiques, et des éléments russes anciens - la frise au niveau des fenêtres du rez-de-chaussée reproduit l’Oiseau de feu des contes russes.

Pour cette construction, Livtchak testa sa propre invention – des blocs de béton creux et ignifuges. Il créa également un métier de fabrication de blocs et développa un système de maçonnage. Les Américains tentèrent de racheter le brevet de cette invention, sans succès. En décembre de cette année, la maison restaurée a accueilli le musée de l’architecte.

L'hôtel particulier des Riabouchinski

Moscou, 6, rue Malaïa Nikitskaïa

C’est l’un des meilleurs exemples de l’art nouveau moscovite. La maison appartenait à Stepan Riabouchinski, banquier et fondateur de la première usine automobile de Russie. Elle fut bâtie en 1900-1902 par l’architecte le plus populaire de l’époque Franz Schechtel.

Comme les architectes européens, Schechtel tirait son inspiration de la nature — à l’extérieur, la maison est entourée d’une frise en mosaïque avec des iris, à l’intérieur, le plafond est décoré d’étoiles de mer et d’escargots, la cheminée est ornée d’une femme-libellule, le hall est éclairé par une lampe-méduse, alors que la décoration intérieure culmine avec un escalier en marbre artificiel en forme de vague qui s’efface.

Après la révolution, la maison fut habitée par l’écrivain soviétique Maxime Gorki, et aujourd’hui, elle accueille son musée commémoratif. 

Hôtel Metropol

Moscou, 2, Teatralny Proezd

Les contemporains appelaient ce bâtiment le « manifeste du style nouveau ». La construction fut lancée par l’entrepreneur et mécène Savva Mamontov mais, peu après, ce dernier fit faillite. Aussi, le bâtiment est plus modeste que prévu initialement.

L’architecte Lev Kekouchev, auteur de quartiers entiers dans le style modern à Moscou, fut chargé du projet. La principale décoration de la façade est le panneau céramique réalisé à l’usine de Mamontov par les meilleurs artistes russes de ce style : au centre – la Princesse lointaine d’après le dessin de Mikhaïl Vroubel (pièce d’Edmond Rostand), sur les côtés – l’Adoration de Dieu, la Baignade des naïades et d’autres panneaux d’après les croquis d’Alexandre Golovine et Sergueï Tchekhonine.

L'immeuble de la compagnie Singer

Saint-Pétersbourg, 21, quai du canal Griboïedov

Le bâtiment fut construit en 1902-1904 par la compagnie américaine Singer pour son bureau russe. La compagnie prévoyait d’ériger un immeuble de 11 étages dans le style des gratte-ciels new-yorkais, mais à Saint-Pétersbourg, il était interdit de bâtir des édifices plus hauts que le Palais d’hiver (23,5 m) et le projet fut modifié.

Toutefois, l’architecte russe en charge de la construction, Pavel Souzor, parvint à trouver une solution gracieuse – les 6 étages ne dépassent pas la hauteur maximum autorisée, mais la tour aérienne avec son globe en verre donne l’impression que l’édifice tend vers le ciel. Il s’agit du premier centre d’affaires russes avec des surfaces commerciales et bancaires et des bureaux à louer.

Le décor architectural combine des traits de l’éclectisme et du modern. Le style ancien apporte au bâtiment un habillage austère en granite et les Walkyries en bronze, alors que le style nouveau s’exprime dans les motifs végétaux des balcons et les grilles forgées reprises dans les décorations intérieures.

L’hôtel particulier de Moltchanov et Savina

Saint-Pétersbourg, 17, rue Literatorov

L’hôtel particulier fut érigé en 1905-07 pour l’actrice célèbre des théâtres impériaux Maria Savina et son époux Anatoli Moltchanov. La profession de la propriétaire se reflète dans les intérieurs – outre les pièces de vie et de réception classiques, la maison comportait des chambres à costumes de théâtre et une cabine de maquillage ; les vitraux conservés dans le hall et le long de l’escalier illustrent des sujets littéraires.

L’architecte Mikhaïl Geissler est l’auteur de nombreux bâtiments dans le style néo-classique, mais pour cette construction, il fut séduit par le style modern, en plein essor – les façades sont conçues avec une grande liberté, les fenêtres sont presque toutes différentes en forme et en taille, alors que les moulures aux formes végétales qui ornent les murs rappellent le palais de la Sécession à Vienne.

L’hôtel particulier des Forostovski 

Saint-Pétersbourg, 9, ligne 4 de l'île Vassilievski

C’est l’une des premières constructions dans le style art nouveau dans la ville. L’architecte russe d’origine allemande Carl Schmidt érigea cet édifice en 1900-1901 pour le marchand Pavel Forostovski qui souhaitait y installer ses appartements et son bureau et utiliser les sous-sols pour entreposer des marchandises.

La partie droite à un étage de l’immeuble, nichée sous une verrière,  abritait un jardin d’hiver. La proximité de l’architecture art nouveau française et belge se distingue dans les dessins végétaux exigeants en pierres artificielles et dans les vitraux, dans l’alliance des dalles de revêtement claires importées d’Europe et du granit, ainsi que dans les finitions des fenêtres et des arcs.

La banque et la maison commerciale de Roukavichnikov

 Nijni Novgorod, 23, rue Rojdestvenskaïa; 11, quai Nijne-Voljskaia

Le complexe composé de deux grands bâtiments est installé sur la même parcelle, mais leurs façades donnent sur deux rues différentes. Le propriétaire – Sergueï Roukavichnikov – fut longtemps maire de la ville. Ainsi, il n’est pas étonnant qu’il invitât l’architecte le plus onéreux et le plus en vogue, Franz Schechtel. Les deux bâtiments (érigés en 1908) sont un exemple du modern « rationnel », populaire dans l’architecture industrielle et commerciale.

Les façades sont symétriques et « tracées » rigoureusement à la verticale et à l’horizontale. Le principal élément du décor de la banque sont les feuilles fantasques de bardane, équivalent russe du chardon, tant aimé par les représentants de l’école de Nancy. Les toits pointus et les tours étroites de la maison commerciale « paraphrasent » le gothique européen, mais le vitrage massif trahit une nouvelle époque.

Hôtel Central

Krasnodar, 58 rue Krasnaïa

L’hôtel Central, installé ici depuis le milieu du XIXe siècle, était considéré comme le plus beau de la ville et appartenait aux riches frères marchands Bogarsoukov. Le bâtiment à deux étages accueillait des boutiques au rez-de-chaussée et des chambres d’hôtel au premier.

En 1910, après un incendie, les propriétaires invitèrent l’architecte Alexandre Kozlov (assistant de Schechtel à Moscou) pour la reconstruction. Il conserva entièrement l’ancien bâtiment, renforça l’ossature en briques avec des poutres en acier,  érigea un troisième étage et conçut un nouveau décor – de petites tours et des arcs pseudo-gothiques, alors que des rangées de carrelage vert verni – motif simplifié du royaume végétal et marin -  ornent tous les étages.

Gare ferroviaire

Vladivostok, 2, rue Aleoutskaïa

En 1910, alors que la construction du Transsibérien reliant Moscou et Saint-Pétersbourg à l’Oural et à l’Extrême-Orient touchait à sa fin, on décida de donner à la gare de Vladivostok une apparence proche de la gare d’Iaroslavl de Moscou, conçue par Frantz Schechtel.

Les deux bâtiments, conçus par l’architecte Platon Bazilevski, sont des exemples du style néo-russe, la variante russe de l’art nouveau. Les arcs larges, les embrasures étroites, les tours et les toitures hautes trapézoïdes, et la solidité trapue du bâtiment sont empruntés aux terems du XVIIe siècle, mais radicalement revisités.

Maison de Charonov

Taganrog, 80, rue Frounzé

Il s’agit d’une autre réalisation de Frantz Schechtel en dehors de Moscou. La maison fut commandée en 1912 par le propriétaire terrien de Taganrog Evgueni Charonov pour sa fille Maria. Il se veut la synthèse de tous les arts, idée populaire au début du ХХe siècle — l’architecture dans le style pseudo-russe (avec des tours et des dômes en forme de casque) est complétée de panneaux céramiques – la Bataille Navale d’après les esquisses de l’illustrateur de contes célèbre Viktor Vasnetsov, et le Départ des Barques, imitation de la peinture de Nicolas Roerich. Les petites tours à côté du portail sont ornées de masques sculptés de lionnes – l’œuvre du grand artiste du modern russe Mikhaïl Vroubel.

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